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- Opération israélienne à Rafah: quand, comment, pourquoi?
La ville de Rafah pourrait être le dernier chapitre – militaire – de la guerre menée par Israël contre le Hamas. À l’heure où les négociations pour une possible trêve qui mènerait à un cessez-le-feu, peinent à aboutir, l’État hébreu maintient son projet de mener une offensive d’ampleur dans cette zone de quelque 64 km² au sud de Gaza où s'entassent environ un million et demi de Palestiniens (dont bon nombre y ont trouvé refuge après l’attaque du Hamas contre Tel Aviv, le 7 octobre dernier). Pourquoi Rafah? Quand et comment, sur le plan stratégique, les Israéliens prévoiraient-ils leur opération militaire? Par quel(s) moyen(s) se ferait l’évacuation des civils? Qu’en est-il de l’après Rafah? Mise au point.
En mars dernier, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a approuvé le plan militaire d'attaque contre Rafah, sans fixer de calendrier. Tel Aviv voulait lancer avant la mi-mars l’attaque contre laquelle la communauté internationale mettait en garde avec insistance. Légèrement retardée à cause de pressions internationales soutenues, elle semble toutefois sur le point de débuter. C’est ce qu’affirme, du moins, le général à la retraite, Maroun Hitti, interrogé par Ici Beyrouth (IB): «D’après moi, Israël a déjà commencé son offensive à travers l’intensification des bombardements d’artillerie et les frappes aériennes. Cela fait partie de ce que les anglo-saxons appellent “la préparation du terrain de bataille”». À cela, il ajoute: «Dans les régimes démocratiques et sur le plan de la stratégie militaire, lorsqu’une offensive est déclenchée, la force armée ne s’arrête que quand elle a atteint ses objectifs, la vie des combattants ayant été mise en jeu».
Quels sont ces objectifs? En menant son offensive contre Rafah, Israël entend frapper le «dernier» bastion du Hamas, où, selon des chiffres fournis par des responsables israéliens, quelque quatre «unités» opèreraient. Des chiffres à considérer toutefois avec précaution, parce que, selon le général Hitti, la question est de savoir s’il s’agit de bataillons, de régiments, de divisions, de brigades… «Ce qui est certain», indique-t-il, «c’est que le Hamas est actuellement incapable de soutenir, sur le plan logistique, plus de 2.000 à 3.000 combattants».
Libération des otages
Cette opération répondrait ainsi à l’un des trois principaux objectifs qu’Israël s’est fixé dans le cadre de cette guerre, celui de détruire le Hamas. «Il ne s’agit évidemment pas de l’annihilation totale du groupe armé», signale M. Hitti. Ce que recherchent les Israéliens, «c’est, tout au moins, exécuter, sinon neutraliser ou éloigner de la bande de Gaza le commandement militaire du Hamas, physiquement représenté par ses deux hauts responsables, Yahya Sinwar et Mohammed Deif», précise le général à la retraite.
D’autre part, Israël entend, à travers son opération militaire dans cette ville, parvenir à la libération des otages qui s’y trouvent actuellement. «Les négociations n’ayant pas abouti, en raison des conditions du Hamas qualifiées d’«irréalistes» par les Israéliens, la question des otages sera réglée par la force des armes, d’où l’attaque contre Rafah», explique-t-il.
En envahissant le dernier «point géographique» de la bande de Gaza, l’État hébreu chercherait à atteindre un troisième dessein: le transfert administratif de Gaza à une autorité autre que le Hamas. Ce qui semble se concrétiser, comme l’affirme le général Hitti: «Les Gazaouis sont aujourd’hui à la merci de l’assistance internationale qui va se matérialiser davantage avec la construction du port flottant temporaire au large de Gaza, lequel devrait commencer à recevoir des camions d'aide début mai». Cela pourrait ouvrir la voie, selon lui, à la «mise en place d’une autorité administrative parrainée par les États-Unis et certains pays européens, surtout lorsque l’on sait que ni l’Égypte ni la Jordanie ne veulent assumer une telle responsabilité».
Pour le général Hitti, «les Israéliens, ne voulant pas de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pour le contrôle de Gaza, pencheraient pour des personnalités notoires de la bande, ce à quoi s’oppose fermement le Hamas qui considère toute tentative de collaboration avec Israël comme passible de mort».
Comment se ferait l’offensive?
Interrogé par IB, le général à la retraite Khalil Hélou explique que l’opération à Rafah, une fois lancée, se déroulerait par étapes. «C’est une guerre urbaine, de souterrains et de tunnels». Elle serait, d’après lui, «longue et coûteuse». Et le général Hélou de noter que «les Israéliens devront, dans un premier temps, découvrir l’entrée de chaque tunnel, puis procéder à un éventuel déminage de ces installations pour permettre aux chiens, robots et corps du génie militaire d’y entrer, avant les fantassins».
Évacuation des civils
Avec une offensive dans cette ville frontalière de l’Égypte, le sort d’environ un million et demi de civils est en jeu. «Les images satellites ont montré que plusieurs campements sont aménagés, notamment au nord de Rafah et plus particulièrement à proximité de Khan Younès», affirme M. Hélou.
Il convient de souligner que 40.000 tentes ont été achetées par le gouvernement de Netanyahou pour faciliter l’évacuation des civils, comme annoncé par le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant. Chaque tente pourrait, selon les données, abriter 12 personnes, avec un total d’approximativement 480.000 Palestiniens (sur le quelque million et demi).
Par ailleurs, la question qui se pose également, selon le général Hélou, c’est «comment sera assurée leur survie, alors que, sur les 500 camions de vivres requis quotidiennement pour subvenir aux besoins élémentaires de la population gazaouie, seuls 70 entrent tous les jours dans la bande».
C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre, d’après M. Hitti, la construction du pont américain qui servira «de point d’appui pour la distribution d’assistance». Il explique, dans ce sens, que les Israéliens pourraient aménager des couloirs de sortie pour la société civile afin qu’ils puissent l'installer dans des camps prévus à cet effet ou la reloger dans le nord de Gaza.
Cela dit, l’offensive à Rafah ne sera pas sans conséquences sur le plan local. Au Liban, les observateurs s’inquiètent d’une extension du conflit, le Hezbollah pouvant intensifier ses frappes contre Israël qui réagirait tout aussi violemment, sinon plus.
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