Écosse: la démission de Humza Yousaf, un coup porté aux rêves des indépendantistes?
Au cœur de l’agitation politique écossaise, une annonce retentissante a secoué les cercles du pouvoir: le Premier ministre écossais, Humza Yousaf, a annoncé sa démission, lundi matin. Cette décision intervient après une série de rebondissements politiques tumultueux ayant mis à mal le Parti national écossais (Scottish National Party – SNP), dont Yousaf est le leader.
Tout a commencé par la rupture de la coalition entre le SNP et le Parti vert écossais, à la suite du retrait des accords de Bute House, la semaine dernière.
Ces accords, négociés sous le mandat de Nicola Sturgeon, prédécesseure de M. Yousaf, visaient à constituer le cadre pour une coalition parlementaire entre le SNP et les Verts au Parlement écossais afin qu’ils gouvernent avec une majorité absolue. Cependant, Humza Yousaf a annoncé qu’il serait incapable de respecter les engagements convenus – à savoir, baisser de 75% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 –, entraînant ainsi un retrait unilatéral de son parti des accords de Bute House et de la coalition parlementaire. Cette décision a immédiatement déclenché une motion de défiance, soutenue à l’unanimité par les partis d’opposition et les Verts.
Dans ce contexte agité, Humza Yousaf a choisi de démissionner, s’engageant à gérer les affaires courantes jusqu’à la nomination de son successeur, prévue dans un délai de 28 jours. Durant cette phase transitoire, la démission sera officiellement transmise au roi Charles III, mettant ainsi fin à la gouvernance du premier dirigeant musulman d’Écosse, laquelle n’a duré qu’un an.
Comment en est-on arrivé là?
Un rapport publié le 20 mars dernier par le Climate Change Committee (une instance britannique indépendante chargée de surveiller le rythme de réduction des émissions au Royaume-Uni) révèle que «les experts ne sont plus convaincus de la faisabilité des objectifs fixés par Édimbourg dans les accords de Bute House». Ceux-ci dénoncent notamment «un manque de stratégie crédible en vue de la décarbonisation de l’Écosse».
Cette annonce est une humiliation pour le gouvernement écossais, lui qui se targuait de diriger le pays du monde le plus ambitieux en la matière. L’Exécutif n’avait donc plus vraiment le choix, étant pris au piège par les constatations accablantes du rapport.
Cela vient ajouter une couche à la tourmente à laquelle fait face le Parti national écossais. Mis en difficulté par la démission de Nicola Sturgeon en mars 2023 et d’un procès la visant pour détournement de fonds, le SNP aurait sans doute préféré, malgré ses ratés politiques, éviter la démission de son leader actuel, de peur que cela mène à un chaos et une instabilité toujours plus grandissants.
Selon les sondages, ces revers pourraient favoriser le retour en force du parti travailliste à une position de dominance, telle qu’il l’occupait en Écosse jusqu’au milieu des années 2000. D’ailleurs, pour la première fois depuis 2014, les travaillistes dépasseraient le SNP de 2 points dans les pourcentages, selon l’institut YouGov.

Cette usure, les nationalistes écossais au pouvoir depuis 2007 feignent de l’ignorer. Pourtant, tout annonce leur chute prochaine, déjà précédée du net déclin du sentiment indépendantiste dans l’opinion publique. Autrement dit, et comme le résume sobrement le quotidien britannique The Times, «en Écosse, c’est la fin d’une ère». Plus inquiétant pour cette formation, les sondages sur un second référendum montrent désormais qu’une majorité d’Écossais y est opposée. La dernière étude de l’institut YouGov révèle que 54% des sondés voteraient contre l’indépendance de l’Écosse et 46% pour.
L’échec cuisant du SNP ne réside principalement pas dans la démission de Humza Yousaf, mais plutôt dans le sentiment croissant que le rêve indépendantiste écossais ne séduit plus.
Quen est-il à présent?
Le SNP se trouve aujourd’hui confronté à sa seconde crise majeure de leadership en moins de 18 mois, après deux décennies de stabilité et de transitions fluides. Conformément aux dispositions de la constitution du SNP, tout prétendant à la direction du parti doit obtenir les voix d’au moins 100 membres.
Selon des informations obtenues auprès d’une source informée qui a requis l’anonymat, le parti favorisera un candidat expérimenté et unificateur, capable de réunifier son camp après les récents troubles et de guider le parti jusqu’aux élections générales de cette année et celles du Parlement écossais en 2026. John Swinney, figure respectée au sein du parti, s’est rapidement imposé comme le successeur potentiel favori de Yousaf.
Swinney, ancien adjoint de Nicola Sturgeon jusqu’à sa démission en mars 2023, a confirmé qu’il envisageait sérieusement de se porter candidat après avoir été vivement encouragé par des figures importantes au sein du SNP. Celles-ci espèrent pouvoir aussi convaincre Kate Forbes, ancienne secrétaire aux Finances et autre candidate favorite, de se retirer en faveur de Swinney, afin d’éviter d’aggraver les divisions qui pourraient ternir la popularité du SNP, si près d’une élection générale. Si Swinney ne se présente pas, Forbes se portera candidate à la direction du parti.
De même source, on indique que Swinney avait été encouragé à rester en tant que chef du parti au moins jusqu’aux élections parlementaires écossaises prévues en mai 2026.
Plus jeune dirigeant à la tête du SNP, Humza Yousaf, qui était salué pour ses talents de communicant, susceptibles d’unir le parti, n’aura donc pas réussi à tourner la page Sturgeon. Si le mandat de Humza Yousaf n’a pas réussi à freiner le déclin du sentiment indépendantiste écossais, il a aussi mis en lumière les défis auxquels le SNP est confronté. Cependant, il a également symbolisé l’ouverture d’esprit et la diversité culturelle du Royaume-Uni. En tant que premier dirigeant musulman d’un pays d’Europe occidental, Yousaf incarne l’évolution sociale et politique britannique, ainsi que la contribution significative des immigrants et de leurs descendants à la société. Son parcours personnel, en tant que fils d’immigrants pakistanais, illustre la richesse et la valeur de la diversité culturelle dans la construction d’une nation moderne et inclusive.
La démission forcée de Humza Yousaf, ainsi que l’impopularité grandissante du SNP, ne sont-elles pas les prémices d’une défaite électorale face aux travaillistes dans les prochaines élections? Ne sont-elles pas aussi les preuves que l’indépendance écossaise n’est plus qu’un mythe qui ne séduit plus et que la place de l’Écosse demeure bel et bien au sein du Royaume-Uni?
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