Disconnected est la dernière exposition solo de l'artiste Magda Chaaban qui présente son art chez The Gallerist à Sodeco Square.
Enfant de la guerre, Magda Chaaban s'épanouissait dans le jardin de sa grand-mère, où elle s'évadait des conflits extérieurs pour se laisser bercer par des bras aimants, en observant les volets en bois, le toit en briques, les cordes à linge et les cerfs-volants.
C'est ainsi qu'elle trouve son inspiration et que son esprit libre s'épanouit et se manifeste dans sa peinture. Ses lignes et ses formes prennent vie sur ses toiles qui deviennent l'essence de son voyage imaginaire.
Dans cette exposition, elle exprime cet état constant de déconnexion qui sévit au Liban. On est déconnecté du wifi, déconnecté du courant électrique, du système bancaire, etc., mais on réussit quand même à rester connecté au reste du monde. C'est la résilience et la force du peuple libanais qui tient à rester debout malgré toutes les embûches.
Et c'est de cet extraordinaire paradoxe que Magda Chaaban s'inspire pour créer cette série de toiles qui montre une constante déconnexion/connexion envers et contre tout.
Elle met en scène un couple de personnages sympathiques qu'elle repeint sur toutes ses œuvres, pour exprimer cet état latent de déconnexion qui fait l'originalité de cette série.
Elle représente l'homme et la femme dans diverses situations de la vie de tous les jours où on les voit se battre, certes avec humour, contre les absurdités d'un système qui ne fonctionne pas.
Elle confie: «J'imaginais mes livres qui se tortillaient, puis qui disparaissaient dans les flammes. Les téléphones portables n'existaient pas encore. On n'avait que la ligne fixe qui, la plupart du temps, était hors service. Le pays tout entier était souvent déconnecté. Il n'y a pas si longtemps, mais cela semble presque être dans une autre vie! Aujourd'hui, nous disposons des téléphones portables, du Wifi, d'Internet, des ordinateurs portables… La technologie a certainement fait un bond de géant, c'est indéniablement impressionnant! Mais dans ce coin du monde, même après tant d'années, les mêmes problèmes persistent.» et elle met en peinture toutes ces petites choses du quotidien.
À travers une technique particulière, les personnages sont représentés à partir de formes souvent volontairement disproportionnées pour exagérer le contexte.
Les personnages se trouvent parfois au milieu d'un paysage urbain, où les fils électriques se font branches d'arbres pour oiseaux, au milieu d'une ville surpeuplée. On voit ces figures en pleine action, tantôt photographiant la vue, tantôt en pleine lecture du journal, avec un tarbouche sur le crâne.
Car le journal servirait de reconnexion dans un univers complètement instable. L'ordinateur est parfois un moyen de partage, sauf si sa prise est tombée de la plaque électrique. Et l'argent qu'on essaye de compter nous permettrait de survivre, à condition de pouvoir en retirer des distributeurs automatiques.
Voilà l'allégorie d'un système qui ne fonctionne pas, dans un pays qui voudrait rester à la une malgré tout.
Les couleurs vives de l'artiste et ces pointes d'humour, exprimées grâce à sa technique particulière, font sourire et donnent envie de croire à un renouveau. C'est, en effet, un message de positivité et d'espoir.
L'artiste signe également son livre d'art lors de cette exposition. La directrice de la galerie, Madame Alia Matar Hilal, qui a récemment rénové les lieux, reçoit les visiteurs avec son exemplaire gentillesse, et met en valeur l'art contemporain sur la scène libanaise.
L'exposition en cours jusqu'au 11 mai est un moment de déconnexion total. C'est le moins qu'on puisse dire!
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