Le monde orthodoxe aura la joie, aujourd’hui, Samedi saint, veille de la Grande fête de Pâques selon le calendrier oriental, de célébrer l’apparition du Saint feu, ou encore de la Sainte flamme, un phénomène physique inexpliqué qui consiste dans l’apparition sur la pierre tombale où le Christ inanimé a été déposé, après sa mort sur la croix, d’un feu de légère densité qui se propage rapidement et qui ne brûle pas dans les premières secondes de son apparition.
Cette flamme venue d’un monde invisible est, pour le monde de l’Orthodoxie, l’un des signes authentifiant que Jésus est assurément sorti du tombeau, qu’il est véritablement celui qu’il a affirmé être: le «fils de Dieu». Une appellation que le Concile de Nicée (325) a comprise comme voulant dire: «Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu», une formule que l’on trouve dans le credo chrétien.
C’est le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Théophile III, qui, pénétrant à l’intérieur de l’édifice spécial abritant ce qui reste de la tombe de Jésus, aura le privilège de recueillir le Saint feu et d’y allumer la brassée des 33 cierges (au nombre des années du Christ, NDLR) qu’il tiendra dans sa main. Il l’offrira ensuite à la foule de pèlerins qui l’auront accompagné à l’intérieur de la grande basilique du Saint-Sépulcre, qui enveloppe la chapelle.
Un phénomène attesté depuis le IVᵉ siècle
Attesté depuis le IVᵉ siècle, le phénomène jugé miraculeux du Saint feu est l’un des plus documentés de la chrétienté, tout en restant inexpliqué. Selon un archevêque auxiliaire, témoin de ce «miracle», «une lumière bleue remonte du roc de pierre où le corps sans vie de Jésus a été déposé, vers la dalle de marbre qui le recouvre. Ce phénomène prend parfois la forme d’une colonne contenant «une sorte de feu». L’homme dit avoir constaté sur la dalle de marbre «une lumière scintillante, comme si de minuscules perles d’apparence blanche, bleue, écarlate, et d’autres couleurs y étaient répandues». «Ensuite, se fondant les unes avec les autres, ces perles rougeoyaient et se transformaient en feu.»
En amont de ce moment solennel, un cérémonial particulier est observé. C’est ainsi que, le vendredi saint, les autorités civiles en charge du lieu (aujourd’hui les autorités israéliennes) vérifient que l’édifice est vide de tout objet pouvant allumer une flamme. L’endroit est ensuite scellé, jusqu’au lendemain. Le jour venu, la foule de pèlerins, arrivée nombreuse sur les lieux, participe à une longue procession circulaire conduite par le patriarche et le clergé qui l’entoure. Vers midi, ayant ôté ses principaux habits liturgiques et subi une fouille complète, le patriarche grec-orthodoxe (ou occasionnellement arménien-orthodoxe), pénètre, seul ou entouré de deux autres évêques, dans l’édifice abritant la tombe, tandis que la foule retient son souffle. Quelque quinze minutes plus tard, le Saint feu jaillit. Dans une clameur joyeuse, la flamme est alors transmise aux fidèles tenant leurs bougies. Selon les pèlerins, dans les premières secondes, le Saint feu ne brûle ni les cheveux ni les visages. Le feu sacré est transporté ensuite, sur des vols spéciaux, dans de nombreux pays, dont le Liban.
Ce phénomène merveilleux – et jugé miraculeux –, draine tous les ans des milliers de pèlerins vers l’église du Saint-Sépulcre. Malgré le scepticisme qui continue d’entourer le feu sacré, les croyants orthodoxes affirment qu’il y a là «un authentique miracle» et certains considèrent même cet événement comme une «preuve convaincante de la vérité de la foi orthodoxe». Selon certaines traditions, la «non-descente du feu sacré» sera un signe que «la fin du monde» approche.
Expérimentations scientifiques in-situ
Les accusations de fraude entourant le Saint feu sont nombreuses, mais il n’y a pas d’accord sur les moyens de la fraude. Les explications physico-chimiques tentées sont souvent si invraisemblables qu’il est préférable de croire à l’intervention, dans notre monde physique, d’une autre réalité, conformément à la doctrine développée par saint Thomas d’Aquin, selon laquelle «il n’y a pas d’effet sans cause».
Du reste, dans les années 2000, la Commission de description des événements miraculeux de l’Église orthodoxe russe a mis au point un programme d’étude des «événements qui accompagnent la descente du feu». Des mesures ont été réalisées à l’aide d’une instrumentation complexe comprenant une antenne, un convertisseur numérique, un oscilloscope et un ordinateur portable chargé d’enregistrer le spectre des mesures électromagnétiques. L’analyse du rayonnement au moment de la descente du Saint feu a donné une puissance de rayonnement comparable en puissance à celle d’un arc à soudure! Conclusion: il s’agit d’un «véritable miracle» qui ne peut se «produire qu’à la suite d’une décharge électrique».
De leur côté, les éditeurs du journal Science et Religion ont suggéré que la résonance sonore bien distincte des chants et des prières dans la basilique «peut provoquer un effet piézo-électrique et donner naissance à un potentiel électrique significatif».
L’essentiel est ailleurs
Sur le plan archéologique, l’ouverture de la dalle et la révélation de la pierre où le corps du Christ aurait reposé, a démontré qu’elle était conforme aux tombes juives du Iᵉʳ siècle. Mais selon Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de la revue Terre sainte magazine, l’essentiel est ailleurs.
La journaliste, qui réside à Jérusalem depuis une trentaine d’années, fait partie des rares privilégiés à avoir pénétré les lieux. Elle confie: «L’église du Saint-Sépulcre est un endroit déconcertant. (…) Ce n’est pas un endroit qu’il faudrait visiter, mais plutôt un lieu pour prier. Grâce à un religieux, j’ai pu pénétrer jusqu’à la roche qui a supporté le corps du Christ, ce que je n’aurais pu imaginer… J’étais dans un drôle d’état, un peu en apesanteur, mais je me souviens de chaque détail. Je n’irai plus au Saint-Sépulcre comme avant. À présent, la dalle de marbre a été reposée par-dessus, et il n’est possible de voir le caveau que très partiellement, par une ouverture (protégée avec du verre blindé, NDLR). Mais je sais que la pierre est là. J’avais l’habitude de faire une génuflexion devant le tombeau du Christ, et je me faisais la réflexion que c’était absurde, qu’il n’y avait pas de Présence réelle, que c’est devant les Saintes espèces qu’il convient de faire une génuflexion. Mais au Saint-Sépulcre, devant ce tombeau, il y a l’absence réelle. La présence d’une absence.»
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