«Le Consentement»: un cri déchirant contre l’impunité

Avec une justesse saisissante, Le Consentement dénonce les ravages de l’emprise et des abus sexuels, faisant écho à l’actualité glaçante du scandale pédophile au Liban, où un influenceur TikTok et son gang sont accusés d’avoir exploité la plateforme pour cibler et violer des enfants.
Il est des films qui marquent une génération, qui secouent les consciences et font vaciller les piliers d’une société. Le Consentement, réalisé par Vanessa Filho, est incontestablement l’un d’entre eux. Adaptation du roman autobiographique éponyme de Vanessa Springora, ce long-métrage nous plonge dans le récit glaçant d’une relation toxique et abusive entre une adolescente de 13 ans et un écrivain quinquagénaire, Gabriel Matzneff, adulé par le milieu littéraire parisien des années 80.
Le film nous entraîne dans les méandres obscurs de cette relation perverse, où la jeune Vanessa, brillamment interprétée par Kim Higelin, se retrouve piégée dans les filets d’un prédateur narcissique et manipulateur. Jean-Paul Rouve, habituellement cantonné aux rôles comiques, livre ici une performance glaçante en incarnant Matzneff. Il parvient à retranscrire avec brio toute la complexité et la perversité de cet écrivain, oscillant entre charme apparent et cruauté sournoise. Son jeu subtil et nuancé rend d’autant plus effroyable la manière dont Matzneff use de son aura et de son statut pour assouvir ses pulsions pédophiles en toute impunité.
Face à lui, Kim Higelin est une révélation dans le rôle de Vanessa Springora. Elle exprime avec justesse le désarroi, la fascination et la souffrance d’une adolescente prise dans les filets d’un prédateur. Son interprétation tout en nuances permet de comprendre les mécanismes psychologiques complexes à l’œuvre dans cette relation toxique.
Laetitia Casta incarne, quant à elle, avec finesse, le rôle ambivalent de la mère de Vanessa. Entre aveuglement, complicité inconsciente et impuissance face à l’emprise de Matzneff, son personnage illustre la difficulté pour l’entourage de déceler ces situations d’abus et de s’y opposer. Les prestations de Franck Beckmann dans le rôle du père, ainsi que celles de Yoann Eloundou et Emma Correa-Frey, qui incarnent respectivement le frère et la meilleure amie de Vanessa, apportent une profondeur supplémentaire au récit, montrant comment l’entourage de la victime peut être affecté et impuissant.
L’alchimie entre ces acteurs et la justesse de leur jeu contribuent grandement à l’impact émotionnel du film. Ils donnent chair à cette histoire bouleversante, nous faisant ressentir avec acuité le désarroi, la manipulation et la souffrance engendrés par ces abus. Leur performance remarquable fait du film Le Consentement une œuvre d’autant plus puissante et nécessaire.
La mise en scène de Vanessa Filho est d’une justesse dérangeante, nous confrontant sans détour à la violence des abus subis par Vanessa. Les scènes de sexe, filmées avec une crudité assumée, provoquent un malaise palpable, nous renvoyant à notre propre complicité, en tant que société, face à ces crimes longtemps passés sous silence.

Au-delà de l’histoire individuelle de Vanessa Springora, Le Consentement dresse un réquisitoire accablant contre une époque qui fermait les yeux sur la pédocriminalité, où des intellectuels et des artistes pouvaient revendiquer ouvertement leur attirance pour les mineurs sans être inquiétés. Le film met en lumière les rouages d’un système pervers, où le talent et la notoriété servaient de caution morale à des comportements criminels.

Mais le film va plus loin encore, interrogeant la notion même de consentement. Peut-on parler de consentement lorsqu’il existe un tel déséquilibre de pouvoir, une telle différence d’âge et de maturité? Le Consentement nous force à remettre en question nos certitudes, à réexaminer notre responsabilité collective face à ces abus.
L’impact du film ne se limite pas à la salle obscure. Sur les réseaux sociaux, Le Consentement était devenu un phénomène viral lors de sa sortie en octobre 2023, suscitant des réactions émotionnelles intenses chez les spectateurs, majoritairement jeunes et féminins. Cette résonance montre à quel point le sujet reste brûlant d’actualité, à une époque où la parole des victimes se libère enfin.
Et, malheureusement, la réalité rattrape parfois la fiction de manière glaçante, comme en témoigne le récent scandale pédophile au Liban. Un influenceur TikTok et son gang sont accusés d’avoir exploité cyniquement la plateforme pour cibler, attirer et violer une trentaine d’enfants. Ce coiffeur devenu célèbre sur les réseaux sociaux utilisait sa notoriété pour gagner la confiance de ses jeunes victimes, les invitant à tourner des vidéos avec lui ou leur offrant des coupes gratuites, avant de les entraîner dans des «fêtes» où se déroulaient les agressions.
Ce terrible fait divers souligne avec effroi que les prédateurs s’adaptent à leur époque et détournent les nouvelles technologies pour traquer leurs proies. Il rappelle l’urgence de mieux protéger les mineurs en ligne, de les sensibiliser aux dangers et de poursuivre sans relâche ceux qui cherchent à leur nuire.
En ce sens, Le Consentement apparaît plus que jamais comme une œuvre nécessaire et cathartique, un cri d’alerte contre toutes les formes d’emprise et d’abus sexuels. En osant briser les tabous et en donnant une voix aux victimes, le film nous rappelle avec force que le combat contre les violences sexuelles et la culture du viol est loin d’être terminé. C’est un appel à ne plus détourner le regard, à ne plus se taire face à l’inacceptable.
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