Le Parlement approuve l’aide européenne, la crise syrienne demeure entière

«Souddek! Souddek!» C’est en ces termes, propres au chef du Législatif, Nabih Berry, qu’une séance parlementaire, longue de quatre heures, destinée à étudier la question du don européen d’un milliard d’euros, a été levée. C’est aussi en ces termes que des recommandations ont été approuvées sans qu’elles ne le soient réellement, dans le chaos le plus total. Des recommandations desquelles la quasi-totalité des députés n’étaient pas tenus au courant (selon leurs dires – l’on se demande comment puisque le document final avait été rendu public quelques minutes avant le début de la séance). Des recommandations pour lesquelles ils ont exprimé des réserves ou auxquelles ils n’avaient pas complètement adhéré.
Réunis mercredi dans l’hémicycle, les parlementaires se sont succédé à la tribune pour débattre la question de l’aide accordée par l’Union européenne pour «soutenir le Liban dans la gestion de sa crise économique et celle de la présence syrienne sur son territoire». Un débat dont les résultats avaient été indirectement révélés, une semaine auparavant, tant par des sources proches de la présidence du Conseil que par l’ambassadrice de l’Union européenne au Liban, Sandra de Waele. Interrogés par Ici Beyrouth au lendemain de l’annonce de l’octroi des fonds au Liban, Mme de Waele, ainsi que le responsable au sein de la présidence du Conseil des ministres, avaient écarté toute possibilité de refus de l’aide européenne par les députés libanais: «Cela n’adviendra pas», avaient-ils assuré, confiants. Des propos qui ont été confirmés mercredi. Le don a été accepté, la somme d’un milliard d’euros sera déversée au Liban sur une période de 4 ans et les Syriens resteront au Liban, en attendant que le «plan de retour» (qui n’en est pas un, comme l’a affirmé Mme de Waele, à l’issue d’une conférence de presse tenue jeudi dernier) soit mis en place.
Recommandations 
Selon le document final approuvé au Parlement, la question de la présence massive des Syriens au Liban serait résolue conformément aux 9 points suivants:
– La création d’une commission ministérielle (déjà existante), présidée par le Premier ministre sortant, Najib Mikati. Elle serait formée des membres suivants: les ministres sortants de la Défense, de l’Intérieur, des Déplacés, des Affaires sociales, le commandement de l’armée et les forces de sécurité. Elle serait chargée de coordonner avec les différentes parties prenantes, sur les plans régional et international, notamment le gouvernement syrien, pour élaborer un plan détaillé, limité dans le temps, pour le rapatriement des migrants en situation irrégulière.
– Réaffirmer l’engagement du Liban concernant l’application du mémorandum d’accord, signé en 2003, par la Sûreté générale et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Le texte stipule que le HCR s’engage à «relocaliser les demandeurs d’asile dans un État tiers autre que le Liban dans un délai de six mois, renouvelable exceptionnellement une seule fois». L’organisation onusienne devrait, par ailleurs, remettre au Liban les statistiques et les bases de données dont elle dispose, en application des dispositions du mémorandum susmentionné. Le HCR s’engagerait à coordonner avec son bureau en Syrie pour faciliter le retour des migrants dans leur pays d’origine.
– L’application stricte de la loi de 1962 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers au Liban, ainsi que leur sortie de ce pays.
– Procéder au rapatriement des détenus syriens qui se trouvent dans les geôles libanaises, selon les procédés légaux en vigueur.

– Exhorter la communauté internationale et les donateurs à soutenir l’armée et les forces de sécurité pour le contrôle des frontières terrestres et à coordonner avec le gouvernement syrien pour limiter les flux migratoires vers le Liban, via les passages illégaux.
– Solliciter les Nations unies, le HCR, ainsi que les donateurs pour soutenir financièrement les Syriens dans leur pays sans aucun financement à l’intérieur du Liban.
– Tirer profit des résolutions des Nations unies notamment celles relatives à la reconstruction de la Syrie, pour faciliter le retour syrien.
– Insister, auprès des instances internationales, et notamment lors de la conférence de Bruxelles pour la Syrie, prévue le 27 mai prochain, sur le danger que représente la présence massive syrienne au Liban et l’incapacité du Liban à supporter un tel fardeau.
– Le gouvernement s’engage à se conformer aux recommandations et à soumettre au Parlement un rapport trimestriel portant sur l’évolution de leur mise en œuvre.
Divergences sur les modalités
Si les parlementaires s’étaient accordés sur le danger que représente la présence des Syriens au Liban et sur la nécessité de procéder à leur rapatriement en application des lois en vigueur, il n’en demeure pas moins que des divergences sur les modalités de mise en œuvre du processus de retour ont été soulevées. Ainsi, pour les députés des Forces libanaises, le problème sera résolu «lorsque le Liban exercera sa souveraineté sur son territoire» et qu’il procèdera, en vertu des lois, «à expulser les Syriens dans leur pays». Selon les Kataëb, la solution ne verra pas le jour en «l’absence de volonté politique pour ce faire». Le Courant patriotique libre, lui, considère que «l’aide européenne est un financement sous condition, visant à garder les Syriens au Liban».
Se penchant sur le dossier, le Hezbollah a déclaré «ne pas vouloir expulser les migrants par voie maritime, mais que le Liban ne devrait pas s’acharner à les empêcher d’émigrer par la mer». Le mouvement Amal a, pour sa part, estimé que «le dossier de la crise syrienne doit être traité en Syrie et non au Liban».
Quoi qu’il en soit, et aussi longs que soient les plaidoyers des différents députés qui semblaient défendre une cause commune, le résultat est un: l’aide européenne a été approuvée, l’Europe pourra protéger ses frontières, la Syrie continuera d’user de la carte des migrants pour faire pression sur la communauté internationale pour la levée des sanctions, le nombre des Syriens continuera de se multiplier dans un pays où la densité devient l’une des plus élevées au monde…
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