La Jordanie se trouve dans une position peu enviable. Et pour cause. L’accord de paix qu’elle a signé avec Israël, en 1994, n’a pas atteint ses objectifs et elle a du mal à contenir la colère de la rue et sa solidarité avec la cause palestinienne, étant donné les relations historiques, géographiques et organiques entre la situation de la Jordanie et la cause palestinienne.
Depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza, en réaction à l’opération Déluge d’Al-Aqsa, la Jordanie fait face à de fortes pressions politiques et militaires, en raison de sa proximité géographique avec la Palestine et de l’interpénétration populaire entre les deux pays, 40% des réfugiés palestiniens vivant en Jordanie, selon les estimations.
Les inquiétudes concernant le déplacement forcé des Palestiniens vers la Jordanie ne sont pas nouvelles, mais elles ont pris une tournure dangereuse avec la guerre de Gaza, du fait qu’Israël a pratiquement pilonné toute la bande, la rendant quasi inhabitable. De plus, Israël avait, à maintes reprises, envisagé d’expulser les Palestiniens de leurs terres et de les pousser vers l’Égypte et la Jordanie.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a même souvent suggéré que la Jordanie soit «la patrie de substitution» des Palestiniens, estimant qu’il s’agit d’un pays «artificiel» (comme si Israël ne l’était pas!) capable d’accueillir un grand nombre de Palestiniens. Il a également répété que plus de vingt pays arabes étaient capables d’accueillir les Palestiniens, se demandant sur les raisons pour lesquelles on insistait à les maintenir en «Israël».
Naturellement, la Jordanie officielle et populaire a rejeté catégoriquement cette proposition, puisque le simple fait de l’accepter signifie la liquidation de la cause palestinienne et l’acceptation du fait que la Palestine ne pourrait être restituée dans ses frontières d’origine ou dans le cadre d’une solution à deux États. Une solution que Netanyahou a clairement rejetée lors d’entretiens avec des médias américains. Selon lui, elle ouvrirait la voie au contrôle du nouvel État palestinien par l’Iran.
De toute évidence, le Premier ministre israélien a balayé d’un revers de main la proposition de solution à deux États, soutenue par les Nations unies dans leurs différentes résolutions et par la Ligue arabe, à travers l’initiative de paix arabe adoptée lors du sommet de Beyrouth en 2002. Sans compter que son allié stratégique, Washington, avalise cette solution, sans pour autant exercer des pressions dans ce sens. Idem pour l’Union européenne et les autres composantes de la communauté internationale.
La mise en œuvre du projet de solution à deux États et la création d’un État palestinien viable doté des facteurs de souveraineté essentiels à toute nation est une priorité absolue pour la Jordanie. Cela lui permettrait de tourner définitivement la page de «la patrie de substitution» et de mettre un terme à ce plan dangereux qui refait surface de temps à autre, Israël n’ayant jamais abandonné cette solution, puisque Tel Aviv estime qu’elle est «idéale» pour le projet sioniste et l’État d’Israël.
On ne peut, non plus, négliger les appréhensions de la Jordanie concernant les actions des autorités d’occupation israéliennes en Cisjordanie, au niveau des vexations imposées aux Palestiniens, des arrestations, de l’établissement de barrages, de la fermeture des routes, des perquisitions des maisons et des entreprises. À cela s’ajoute la soumission de la région au fait accompli, sans tenir compte des impératifs de «l’autonomie» palestinienne, censée être accordée à l’Autorité palestinienne, conformément aux accords d’Oslo de 1993.
Par ailleurs, le fait que la Jordanie dépende d’Israël en matière de besoins énergétiques, notamment le gaz et l’électricité, et alimentaires ne peut être occulté si Amman souhaite réellement se libérer de l'influence de l'État hébreu dans ces secteurs vitaux, afin d'éviter qu’elle soit politiquement exploitée ou soumise à des conditions. Pour cela, les pays arabes sont appelés à renforcer leur soutien à la Jordanie, à l’abri de toute considération personnelle, puisque la chute de la Jordanie sert, avant tout, les intérêts d’Israël.
Par ailleurs, ce scénario s’applique aussi à l’Égypte, sachant que les répercussions y seraient plus graves, plus profondes et plus dangereuses.
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