À ce jour, le rapport du groupe TotalEnergies sur les résultats du forage et de l’exploration dans le bloc 9, au Liban-Sud, n’a toujours pas été publié; le délai légal de remise de ce rapport à l’État libanais, représenté par le ministère de l’Énergie, a pourtant expiré. Le forage dans ledit bloc a cessé mi-octobre 2023 et la société n’a toujours pas soumis son rapport au ministère de l’Énergie et de l’Eau, malgré les multiples relances par le ministre Walid Fayad à la société française.
En attendant la décision du consortium entre TotalEnergies, ENI et Qatar Energy concernant la poursuite ou l’abandon de leurs activités dans le bloc 9 après l’achèvement de la première phase, comme cela s’est produit pour le bloc 4 dont les travaux ont été arrêtés avant l’échéance prévue fin 2025, la question majeure reste de savoir ce que la prochaine phase pourrait apporter quant au développement du secteur pétrolier et gazier au Liban, compte tenu des conflits et des évolutions géopolitiques dans la région.
Nous avons sollicité l’expert international en énergie, Roudi Baroudi, pour retracer les évolutions de ce secteur ces dernières années. À cet effet, il rappelle que le navire de forage du consortium TransOcean Barents a creusé, début octobre 2023, le premier puits d’exploration dans le bloc 9, atteignant une profondeur d’environ 3.900 mètres sous le fond marin. Cependant, le contrat signé entre le consortium et l’État libanais stipule dans la clause C ce qui suit: «Il est obligatoire de forer le puits d’exploration à une profondeur d’au moins 4.400 mètres.» Il est également précisé dans l’accord que les détenteurs des droits dans le bloc 9, à savoir TotalEnergies, ENI et Qatar Energy (couvrant une superficie de 1.742 kilomètres carrés), sont tenus de garantir l’exécution du contrat.
À compter de la première semaine d’octobre 2023, le consortium a atteint une profondeur de 3.900 mètres au lieu des 4.400 mètres convenus dans le contrat. M. Baroudi poursuit: «Malheureusement, la guerre a éclaté à Gaza le 7 octobre, entraînant la suspension des activités de prospection au large des côtes libanaises le 13 octobre. Par ailleurs, toutes les antennes micro-ondes, les tours, les transports terrestres, les stations de communication et les communications par satellite dans la région sud ont été perturbés, entravant ainsi les travaux de communication et d’exploration.»
Au cours des premières semaines de la guerre, TotalEnergies a décidé de déplacer la plate-forme de forage à Chypre, plus précisément au bloc 6, loin de la zone de tension proche du bloc 9.
En outre, selon le contrat signé entre l’État et Total, l’opérateur/le leader du consortium (Total en l’occurrence) aurait dû informer les autorités libanaises des données techniques et sismiques obtenues à une profondeur de 3.900 mètres dans un délai de 6 mois. Cependant, ces informations n’ont toujours pas été transmises aux autorités compétentes. M. Baroudi précise que «dans le champ voisin de Karich, qui s’étend sur une superficie de 400 kilomètres carrés, près de la frontière maritime entre le Liban et Israël (MBL), les exploitants (Energean Oil and Gas & Kerogen Capital) ont découvert du gaz à une profondeur de 4.880 mètres.
Par ailleurs, dans le cadre de la deuxième série d’appels d’offres au Liban, clôturée le 2 octobre 2023, le consortium (TotalEnergies, ENI et Qatar Energy) a soumis une demande pour des explorations supplémentaires dans les blocs 8 et 10, avoisinant le bloc 9. Cette demande, selon M. Baroudi, témoigne de l’intérêt marqué du consortium pour cette région en particulier. Toutefois, le gouvernement libanais n’était pas satisfait des offres détaillées. Partant, bien qu’il ait initialement donné son accord sur les deux offres en janvier 2024, le gouvernement a chargé le ministère de l’Énergie et de l’Eau de négocier avec les membres du consortium, notamment en ce qui concerne le calendrier proposé pour l’exploration. En d’autres termes, le gouvernement libanais a donné une approbation conditionnelle aux offres proposées par le consortium. Néanmoins, les sociétés semblaient réticentes à signer les contrats modifiés, apparemment en désaccord avec deux des conditions que l’État libanais tentait d’imposer:
La première condition concerne la durée pendant laquelle le consortium pourrait, une fois le contrat signé, entreprendre des études sismiques tridimensionnelles dans le bloc 8. Le consortium avait demandé un an pour mener cette opération, en attendant les résultats détaillés du forage dans le bloc 9, alors que le Liban a estimé que trois mois seraient amplement suffisants pour entamer les études, étant donné que ces résultats étaient attendus en mars 2024.
La deuxième condition également rejetée par le consortium, concerne la période pendant laquelle ils pourraient décider d’entreprendre le forage dans les blocs 8 et 10. Alors que le Liban avait fixé un délai d’un an, le consortium avait demandé une prolongation jusqu’à deux ans.
En conséquence, les blocs 8 et 10 seront à nouveau examinés dans le cadre de la troisième série d’appels d’offres, dont l’échéance est prévue le 2 juillet 2024.
Avant la soumission des offres concernant les blocs 8 et 10 en octobre 2023, le Liban avait déjà envisagé de valoriser le bloc 8 en août de la même année, en lançant une étude sismique tridimensionnelle dans cette région, qui serait confiée aux entreprises Geoex MCG et Brightskies.
M. Baroudi souligne que l’objectif de cette étude était de mieux appréhender la géologie de cette zone adjacente aux champs de production israéliens, vu qu’elle n’avait pas fait l’objet d’études sismiques en 2D et 3D auparavant, en raison des différends frontaliers. De plus, cela visait également à valoriser le bloc et à créer une dynamique de concurrence.
Selon M. Baroudi, cela suggère que le ministère de l’Énergie et de l’Eau pourrait ne pas être pleinement conscient du climat d’instabilité endémique dans cette région de la Méditerranée et en particulier de la difficulté d’attirer de nouvelles entreprises privées alors que la guerre perdure non loin de là. À titre d’exemple, la société Energean a également demandé une étude sismique en 4D pour le champ de Karich en 2019.
En fait, les études sismiques dans les blocs 8, 9 et 10 contribueront à une meilleure compréhension de la géologie de ces zones qui étaient auparavant objet de litige jusqu’en octobre 2022, rendant ainsi les opérations de prospection impossibles pendant de nombreuses années. En effet, ce n’est qu’après la signature de l’accord de délimitation de frontières maritimes entre le Liban et Israël en 2022 que ces zones ont été ouvertes à l’exploration.
Les données recueillies à partir de ces études permettront à toute entreprise de prendre des décisions plus éclairées quant à l’emplacement de ses prochains forages exploratoires, dès que les conditions le permettront à nouveau.
Dès lors, et en se basant sur les analyses géologiques menées par les principales sociétés pétrolières, en conjonction avec l’accord de délimitation conclu entre le Liban et Israël, les blocs 8, 9 et 10 demeurent les plus prometteurs selon les dires de M. Baroudi. Cela pourrait permettre au Liban de relancer le processus de production d’énergie et de retrouver une croissance économique cruciale. Et d’ajouter: «En fin de compte, une fois que les hostilités à Gaza cesseront, les opérations de prospection en mer pourront reprendre. L’autre condition sine qua non pour explorer et revitaliser ce secteur, ainsi que pour exploiter les richesses du Liban, est l’élection d’un président et la formation d’un nouveau gouvernement. En effet, le gouvernement actuel est incapable de nommer de nouveaux membres pour l’Autorité de gestion du secteur pétrolier et de lancer les réformes indispensables pour protéger et exploiter tout revenu généré par ce secteur.»
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