Philippe Aractingi bientôt au théâtre à Paris

Après avoir remporté un franc succès au théâtre Le Monnot au Liban et à Tunis dans le cadre des Journées théâtrales de Carthage, Philippe Aractingi poursuit sa tournée internationale pour une seule représentation de sa pièce Sar wa’et el-haké  («Parlons, il est temps») au théâtre de la tour Eiffel à Paris, le dimanche 23 juin 2024. La mise en scène est de Lina Abyad et la production est signée CommNprod International et Fantascope Production, MFG Consulting. Entretien avec Philippe Aractingi.
Réalisateur, auteur et producteur de plus d’une cinquantaine de documentaires et de longs métrages, récompensé aux festivals internationaux et nommé Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère français de la Culture en 2018, Philippe Aractingi se lance sur les planches pour raconter avec sincérité et humour sa quête d’expression dans un pays chaotique. À travers cette brillante performance autour de son histoire personnelle et de son parcours de cinéaste, agrémentée de quarante extraits sonores et vingt vidéos, Aractingi invite son public à partager ces fragments de vie avec lui.
Paris est sa deuxième étape après Tunis hors du Liban. «Nous avons, dit-il, décidé de jouer à Paris en raison de ma double nationalité et de mon appartenance à deux pays, le Liban et la France. Mais aussi en raison du sujet universel de la pièce d’où ce besoin de jouer pour les Libanais et les Français en France. La pièce est interprétée en arabe et sous-titrée en français. Quand Nayla Abdul Khalek, à la tête de la société CommNprod International, m’a proposé de jouer au théâtre de la tour Eiffel, j’ai tout de suite dit oui.»
C’est l’absence de parole dans l’enfance et le sentiment d’être perdu entre les différentes langues qui déclenchent son besoin de parler, car comme le suggère le titre, «Parlons, il est temps», le temps de la parole est venu pour se délester du poids que l’on porte tout au long de sa vie. Raconter son histoire personnelle sur scène relève d’un processus cathartique et libérateur. «Le thème de la pièce, précise Aractingi, est le langage et quand on dit langage, on dit identité. En tant que Libanais, dans notre diversité, nous avons une perdition d’identité du fait même que nous parlons plusieurs langues. Quand je joue le rôle du père qui dit “Fais tes gammes” ou celui des jésuites qui m’ordonnent de me taire, c’est identitaire car c’est une forme stricte du langage. Peut-on s’exprimer librement comme en improvisant au piano ou doit-on s’exprimer strictement comme en faisant ses gammes? Cette pièce explore les thèmes de ce qu’il faut dire, comment le dire et qui nous sommes mais aussi la langue de la musique, celle du cinéma, de l’expression orale et ça se termine par la langue de la danse. Toutes les langues nous définissent.»


Si le cinéaste éprouve l’envie d’être sur scène c’est à la fois pour s’interroger sur son cheminement personnel et s’approprier la parole qui lui a échappé enfant: «Pour moi, confie-t-il, c’est du jeu au sens propre et figuré, et aussi une manière de raconter des histoires. Je passe par l’oralité en cherchant le meilleur moyen de dire les choses. Depuis l’enfance, je rencontrais des difficultés à parler et à écrire et donc le fait de m’exprimer a toujours été primordial pour moi. J’ai essayé de le faire à travers la photo et l’audiovisuel puis à l’oral qui est la forme primaire de la communication. Je suis donc allé vers le théâtre grâce à l’accompagnement et aux encouragements de Lina Abyad.»
Dans cette pièce, Philippe Aractingi est à la fois auteur, acteur et réalisateur. De son travail collaboratif avec la metteuse en scène Lina Abyad, il parle d’osmose: «C’était très agréable de travailler avec Lina car nous avons beaucoup de choses en commun. Comme moi, elle était dyslexique, elle est autant francophone qu’arabophone, elle est dans la communication et nous sommes tous les deux gémeaux. C’est vrai que nous avons des folies et des manières de faire différentes, mais chacun de nous connaît bien son métier et à ce niveau, nous avons fait des ajustements pour que chacun amène l’autre vers son monde. Il m’a fallu apprendre le monde du théâtre comme il lui a fallu comprendre où je voulais l’amener avec mon texte et l’interaction que j’ai avec les sons et les images, choses évidentes pour moi mais moins évidentes pour elle et inversement. Sur scène, j’ai appris à retenir un texte sans avoir à improviser. Elle m’a aidé à faire les choix de ce que je devais raconter, à tenir le public en haleine et à rester dans la dynamique de la mise en scène.»
Avec une tonalité familière, l’acteur nous embarque dans un voyage dans le temps à travers sa mémoire grâce à des allers-retours entre passé/présent. «Je raconte ma vie comme on raconte une histoire, souligne Aractingi. Beaucoup étaient étonnés de me voir sur scène, mais une amie m’a dit qu’elle avait l’impression d’être chez moi au salon. J’invite le public à venir dans mon monde, je partage la vie de l’auteur à travers une structure bien définie où je commence l’histoire à l’âge de cinq ans et où je finis quasiment aujourd’hui. Il y a tout un cheminement: le piano à onze ans, la photo à dix-huit ans et j’avais quarante ans à la sortie de mon premier film. Beaucoup se sont retrouvés dans cette pièce, certains dans ma dyslexie, d’autres dans l’histoire de mon père ou dans le rapport à la musique, l’expression, ou encore la guerre.»
Le récit rétrospectif de sa vie, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, la guerre et sa violence, l’exil puis le retour au pays sont autant d’éléments narratifs qui jalonnent cette pièce intime et pudique, suscitent questionnements et émotions chez son public. «J’ai dévoilé ce que j’ai voulu dévoiler, confie-t-il. Et ce sont des choses que j’ai dépassées. Tout ce qui est dit est exprimé avec une certaine légèreté car ça relève de mon passé. J’ai raconté aussi bien mes échecs que mes réussites avec de l’humour et de la distance, ce qui permet au public de s’approprier mes histoires. Un auteur ne peut pas rester caché derrière ses personnages et, parfois, au midi de la vie, en référence à Carl Gustav Jung, on a besoin de faire son autoportrait. Il y a donc ce besoin de retourner la caméra et de regarder celui qui regarde. Si je porte ce regard sur moi-même, qu’est-ce que ça donnerait? Et si cette question que l’on se pose naît avec cette distanciation, cet humour, cette dérision? C’est, d’une certaine manière, un chemin que tout le monde fait.»
Pour réserver vos places: https://my.weezevent.com/PhilippeAractingi-Paris
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