Daniel Barenboïm: Abou Dhabi célèbre un apôtre du dialogue

Le maestro Daniel Barenboïm reçoit le Prix du Festival d'Abou Dhabi 2024. Fondateur du West-Eastern Divan Orchestra, il est salué pour son engagement à promouvoir le dialogue entre les cultures.
Daniel Barenboïm, un nom qui en dit long. Pianiste conteur, intransigeant dans sa quête de la perfection artistique, chef d’orchestre qui insuffle avec brio des nuances colorées à un temps morose et terne, directeur musical infatigable, il est avant tout un passeur. Après la disparition d'Aldo Ciccolini (1925-2015), de Nelson Freire (1944-2021), de Radu Lupu (1945-2022) et de Maurizio Pollini (1942-2023), il demeure, avec Martha Argerich, Maria João Pire et Murray Perahia, parmi les ultimes monstres sacrés du piano du XXe siècle. Le temps a sculpté dans le visage de Daniel Barenboïm les fines empreintes de ses années de dévouement et de passion pour son art. Et pourtant, dans son regard aguerri, se lit toujours une humilité profonde. Celle des vrais artistes.

Dialogue à travers la musique


Le jeudi 6 juin, le Festival d’Abou Dhabi lui a rendu un vibrant hommage, saluant «ses contributions exceptionnelles à la musique et à la culture tout au long de sa vie», ainsi que son engagement à «la promotion des principes d'égalité et de dialogue à travers la musique». Selon un communiqué de presse rendu public par les organisateurs, cette distinction reflète la tradition du festival émirati de célébrer les grands artistes internationaux pour leurs efforts en faveur de «la diplomatie culturelle et du dialogue». Détenteur de passeports argentin, espagnol, israélien mais également palestinien, Barenboïm a voué sa carrière à la quête d’une paix insaisissable. Il cofonde, en 1999, aux côtés de l’intellectuel américano-palestinien Edward Saïd, le West-Eastern Divan Orchestra (« Orchestre du Divan occidental-oriental » en français). Un orchestre formé de musiciens israéliens et arabes (libanais entre autres), ainsi que d’autres provenant de Turquie, d'Iran, d'Espagne et, occasionnellement, d'autres pays.

Harmonie mondiale



Inspiré par la célèbre collection de poèmes West-östlicher Divan (le «Divan occidental-oriental») de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), le nom de l’orchestre éponyme témoigne de l’ambition des deux fondateurs de rapprocher les cultures orientale et occidentale. Mais surtout de promouvoir la paix au Proche-Orient à travers une langue commune: la musique. «La remise du Prix du Festival d'Abou Dhabi 2024 au maestro Daniel Barenboïm envoie un message fort sur le rôle transformateur de la culture et de la musique dans la promotion de l'égalité et du dialogue», déclare Hoda al-Khamis-Kanoo, fondatrice et directrice artistique du Festival d'Abou Dhabi, pour Ici Beyrouth. Elle souligne que le chef bourlingueur est non seulement célébré pour «son talent musical extraordinaire et ses contributions exceptionnelles à la musique et à la culture», mais également pour «son engagement indéfectible à promouvoir le dialogue, l'égalité et la coexistence pacifique à travers la musique».
Et de poursuivre: «En rendant hommage au maestro Barenboïm, nous souhaitons mettre en lumière l'importance de la diplomatie culturelle et l’immense pouvoir de la musique à inspirer l'espoir et la coopération entre des individus de divers horizons.» Fondé en 2004, le Festival d’Abou Dhabi s'est rapidement imposé comme l'un des événements culturels les plus importants de la scène musicale internationale. Au cours des deux dernières décennies, il a ainsi établi des passerelles entre les diverses cultures autochtones et internationales, favorisant le dialogue interculturel tout en respectant les particularités propres à chaque culture. «Ce prix constitue un geste symbolique, renforçant notre dévouement à promouvoir la coexistence pacifique et notre conviction que les initiatives culturelles sont essentielles à la quête de l'harmonie mondiale. Il reflète l'engagement du festival à célébrer l'excellence artistique et à reconnaître l'impact profond des contributions culturelles sur la société», conclut Hoda al-Khamis-Kanoo.

Lutte contre l’ignorance


«Je suis profondément honoré et ravi d'accepter le prix du Festival d’Abou Dhabi 2024, a déclaré le maestro argentin après avoir reçu cette distinction. Le West-Eastern Divan Orchestra en 1999 et l'académie Barenboïm-Saïd en 2016 ont tous deux été créés dans le but de lutter contre l'ignorance, en encourageant les gens à découvrir l'autre et chercher à comprendre ses pensées et ses sentiments.» Il ajoute: «Mon regretté ami Edward Saïd et moi-même avons toujours été convaincus que la paix au Moyen-Orient ne pouvait pas être obtenue par des moyens militaires. Cependant, nous savions que nous ne pouvions pas prétendre résoudre les problèmes de la région ou apporter la paix par la musique».
L’engagement de Daniel Barenboïm en faveur des idéaux humanistes et de la coexistence pacifique continue d’inspirer des générations de musiciens à promouvoir les valeurs de tolérance et de dialogue par le biais de la musique.
Commentaires
  • Aucun commentaire