Après Donner Sang Compter, quel avenir pour le don au Liban?

À l'occasion de la Journée mondiale du donneur de sang, une question cruciale se pose: après quatorze ans de lutte acharnée pour promouvoir le don de sang volontaire au Liban, l'association Donner Sang Compter a fermé ses portes. Une décision lourde de conséquences dans un pays où le système de santé est déjà fragilisé.
C’est par une lettre ouverte sur Facebook que Yorgui Teyrouz, au nom de l’équipe de Donner Sang Compter (DSC), a annoncé la fermeture définitive de l'ONG le 31 mai dernier, date qui marquait également son 14ᵉ anniversaire. Un crève-cœur pour cette «humble petite association» qui, depuis sa création, s’est donnée corps et âme pour «créer un mouvement et engager le plus grand nombre de personnes à travers des campagnes de sensibilisation nationales sur l’importance de donner son sang volontairement».
À l'occasion de la Journée mondiale du donneur de sang, le 14 juin, on ne peut que revenir sur le bilan plus qu’honorable de DSC. «160.000 appels à l’aide des familles de patients», «plus d’un million d’appels sortants», «60.000 dons de sang et de plaquettes réussis dans 142 hôpitaux» grâce à la générosité des donneurs, «1.312 collectes mobiles de sang» ayant permis de récolter «44.332 unités de sang», «plus de 5.000 conférences, entretiens, séances, interventions» de sensibilisation. Au total, ce sont «105.000 unités de sang volontaire provenant du centre d’appels et des collectes de sang combinées» qui ont été données grâce à DSC en quinze ans.
Un succès rendu possible grâce à «la générosité des donneurs de sang qui ont donné leur temps et leur sang pour le bien-être de leurs frères et sœurs inconnus dans le besoin, de manière anonyme», aux «plus de 5.000 bénévoles formés qui se sont consacrés à la cause sans se plaindre», aux «hôpitaux qui ont reconnu et soutenu nos efforts», et aux «opérateurs du centre d’appels, principalement des étudiants, qui méritent une mention spéciale pour leur dévouement».
Pourtant, malgré ces résultats impressionnants, DSC se retrouve dans l’impasse, confrontée à des «défis» et un  «manque de collaboration et de coordination appropriée entre les parties prenantes» qui «posent des obstacles importants à notre travail, causant de la frustration pour les patients, leurs familles et les donneurs de sang impliqués».

Des questions légitimes sont soulevées: les banques de sang font-elles leur maximum pour maintenir leur stock élevé? Les critères d’éligibilité standardisés établis par le gouvernement en 2015 sont-ils uniformément appliqués? Les banques de sang assurent-elles la meilleure expérience aux donneurs? Pourquoi aucune campagne publique de promotion du don n’est-elle organisée malgré les fonds dédiés?
Autant d’interrogations restées sans réponse et qui, ajoutées au «manque de fonds au cours de l’année et demie écoulée», ont poussé DSC à la fermeture.
Ce départ soulève de vives inquiétudes quant à l’avenir du don de sang au Liban, déjà fragilisé par une crise multidimensionnelle sans précédent et un système de santé à bout de souffle. Sans le travail de sensibilisation et de mise en relation de DSC, une baisse significative des dons volontaires est à craindre, menaçant l’approvisionnement en sang des hôpitaux. Les banques de sang risquent la pénurie, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour les patients.
La fermeture de DSC soulève de nombreuses questions. Comment éviter une pénurie catastrophique? Quelles solutions mettre en place pour une meilleure coordination et harmonisation? Au-delà du manque de fonds, quels obstacles structurels entravent le système de collecte? Quelles sont les responsabilités des différents acteurs? Comment assurer la pérennité des associations de don de sang dans ce contexte économique difficile? Quels modèles de financement innovants imaginer? Et surtout, que fait l'État?
Autant de questions à creuser pour apporter des réponses concrètes et durables aux défis posés par cette fermeture. Parce qu'il y va de la survie de milliers de patients dépendant chaque jour des dons de sang. Un défi immense, mais crucial, qui nous concerne tous. Comme le rappelle justement Yorgui Teyrouz, Donner Sang Compter était «une philosophie de vie» qu’il nous appartient de faire perdurer. «One Love».
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