À l'issue du scrutin du premier tour des législatives anticipées en France, le 30 juin dernier, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen est arrivé en tête avec 33,14% des voix, suivi du Nouveau Front populaire, une union de la gauche et de l'extrême gauche, qui a recueilli 27,99% des suffrages. La coalition présidentielle Ensemble se place en troisième position, avec 20,76%, tandis que les Républicains et divers mouvements de droite obtiennent 10,74% des voix.
Le système des élections législatives françaises stipule qu'un candidat recueillant plus de 50% des voix est directement élu dès le premier tour. À défaut, tous les candidats ayant obtenu plus de 12,5% des voix des inscrits sont qualifiés pour le second tour. Dans ce contexte, plusieurs configurations s'offrent aux électeurs: un duel entre deux candidats, une triangulaire entre trois candidats, ou même une quadrangulaire entre quatre candidats.
Le taux de participation historique, avoisinant les 67,5%, conjugué à une vague en faveur du Rassemblement national et à une tripolarisation des votes avec le Nouveau Front populaire et la coalition présidentielle, a engendré un nombre sans précédent de triangulaires, s'élevant à 310 circonscriptions. Un tel phénomène n'avait jamais été observé dans l'histoire de la Cinquième République. Cependant, ce mécanisme électoral, loin d'être simpliste, peut varier en fonction des stratégies électorales et des comportements de vote des électeurs. Dès lors, que peut-on attendre du second tour dimanche prochain?
Dès le lendemain du scrutin du premier tour, pas moins de 76 députés se retrouvaient déjà élus. Parmi eux, 39 sont investis par le Rassemblement national et 30 par le Nouveau Front populaire. Pour le reste, les candidats qualifiés devront assurer leur victoire au second tour, dimanche prochain, par duel ou triangulaire selon les circonscriptions. Bien que 310 triangulaires et 5 quadrangulaires soient annoncées dans toute la France, il est peu probable que toutes soient maintenues jusqu'à dimanche prochain. Pourquoi? Le principal facteur est la volonté de faire barrage à l'arrivée du Rassemblement national au pouvoir. Quelle configuration électorale verrons-nous d’ici dimanche prochain?
Les consignes de vote de chaque parti et les comportements électoraux définiront le second tour. Les élections législatives à deux tours sont souvent considérées comme des «miniprésidentielles» dans chaque circonscription, où les résultats sont jugés au «cas par cas». Et, comme dans toute élection présidentielle, le report de voix et les consignes de vote jouent un rôle prépondérant. Le Rassemblement national, en tête du premier tour et qualifié dans une grande majorité de circonscriptions pour le second tour, a appelé tous les électeurs «républicains et patriotes» à rejoindre leurs rangs et à les choisir au second tour pour faire barrage à «une alliance entre une gauche honteuse et une extrême gauche antisémite et islamiste», faisant allusion au Nouveau Front populaire.
Le Nouveau Front populaire, quant à lui, a décidé de retirer tout candidat arrivé en troisième place et qualifié pour le second tour face à un candidat du Rassemblement national en tête du scrutin. Ce désistement interviendrait «immédiatement et sans conditions» dans le but de ne donner «aucune voix à l'extrême droite». Ainsi, dans les circonscriptions où les triangulaires verraient le candidat d'union de la gauche en troisième position face à un candidat RN en première position, le second tour se transformerait en duel entre le candidat RN et le candidat arrivé en seconde position. Cependant, en raison de la tripolarisation de l'électorat français, il semble extrêmement probable que ces triangulaires incluent un candidat de la coalition présidentielle, à qui l'union des gauches appelle indirectement à voter. De nombreux observateurs y voient une trahison de leur électorat, qui tente depuis longtemps de renverser la «macronie» et d'installer un pouvoir de coalition de gauche.
C'est ainsi que les comportements électoraux varient selon les circonscriptions. Si les électeurs du Nouveau Front populaire se retrouvent dans une circonscription où un candidat RN et un candidat macroniste sont en duel, il est probable qu'ils ne voudront pas favoriser la «macronie» et seront peut-être tentés par l'abstention, donnant ainsi une meilleure chance au candidat RN de remporter la circonscription. Cependant, n'oublions pas que ce scénario demeure très hypothétique, surtout que les duels RN-Macronie restent une exception face aux duels RN-Nouveau Front populaire.
Le camp présidentiel est, lui, resté plus vague dans ses consignes de vote. Si le président Emmanuel Macron a appelé à faire barrage au Rassemblement national, le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé le désistement de plusieurs candidats macronistes au second tour, «dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député RN face à un autre candidat qui défend les valeurs de la République». Aucune précision supplémentaire n’a été apportée, sauf par une source proche du président, qui estime que les choix seront faits «au cas par cas». Le camp présidentiel semble alors revenir à sa notion de «front républicain» qui engloberait «la droite républicaine et la gauche socio-démocrate».
Cependant, rappelons que la droite républicaine incarnée par Les Républicains est quasi anéantie lors de ce scrutin au profit du RN et que la gauche socio-démocrate incarnée par le Parti socialiste est alliée à l'extrême gauche dans le cadre du Nouveau Front populaire. Ainsi, même si les candidats macronistes se retirent en faveur des socialistes, écologistes ou communistes et non en faveur des insoumis, ils favorisent tout de même un report de voix vers l'extrême gauche, qui a pour projet de mener Jean-Luc Mélenchon à Matignon.
Les résultats du premier tour de ce scrutin législatif et la victoire du RN n'ont pas été une surprise. S'ils montrent un raz-de-marée pour Marine Le Pen, ils révèlent également le barrage quasi systématique des différentes forces politiques à l'arrivée de Jordan Bardella à Matignon. Cependant, le principal duel à retenir est celui entre le RN et le Nouveau Front populaire, face à un camp présidentiel en voie d'effacement parlementaire. En effet, si le RN est arrivé en tête dans 297 circonscriptions et le Nouveau Front populaire dans 155, le camp présidentiel, lui, n'est arrivé en tête que dans une soixantaine. Ce qui est sûr, c’est que le nombre de triangulaires, aujourd’hui à 310, diminuera considérablement dans le cadre d’un barrage au RN.
Parallèlement, les instituts de sondages restent également indécis, certains prédisant une possible majorité absolue RN au second tour, tandis que d'autres l'écartent totalement. Toutefois, le mot d'ordre reste «prudence», surtout que les projections ne prennent pas en compte les désistements et les alliances. En tout état de cause, rien n'est encore acté; le RN reste en tête, mais sera-t-il mis en difficulté par ceux qui lui font barrage (de la droite à l'extrême gauche), ou ce barrage mobilisera-t-il davantage ses électeurs? La réponse ne peut être connue avant dimanche soir.
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