Le retour captivant de Talal Jurdi sur les planches

En ce moment, les projecteurs du théâtre Le Monnot sont braqués sur Hal hal shi tabi3i, une pièce mise en scène par le talentueux Riyad Chirazi. Sur scène, Talal Jurdi et Ziad Itani livrent une performance remarquable dans les rôles principaux.
Parmi les pièces incontournables de cette saison théâtrale, Hal hal shi tabi3i (Est-ce normal?) au théâtre Le Monnot se démarque grâce à une narration captivante et un jeu d’acteurs remarquable. Le casting est composé de Talal Jurdi, Ziad Itani, Nicole Maatouk, d'Elias el-Haber et Mohammad Chams. Mise en scène par Riyad Chirazi et écrite par Khaled Sbeih, la pièce propose une trame ficelée qui explore la nature humaine et les interactions sociales.

L'intrigue se déroule dans le cabinet d'un psychiatre à Beyrouth. Ziad, un patient singulier du Dr Talal, a droit à des rencontres extraordinaires et à des séances de thérapie mutuelle au sein de circonstances externes surréalistes. Les échanges reflètent la complexité accentuée des deux protagonistes et se transforment quelquefois en conflits entre deux morales et deux modes de pensée sociétaux différents. De la jeunesse durant la guerre civile jusqu'à l'effondrement total du Liban, ces complications s'étendent, jusqu’à la limite des tremblements de terre et des séismes intérieurs.
Talal Jurdi est un acteur à la fois conventionnel et hors du commun. Il apporte sa propre énergie sur scène et s'engage avec chaque mot ou soupir du texte. Il questionne son personnage et joue l'avocat du diable tout au long du processus de création. Acteur et philosophe inné, il saupoudre les sujets les plus poignants de sa touche humoristique. Authentique et talentueux, il s’immerge dans le processus créatif et contribue généreusement à la création, assurant sa cohérence globale. Cela se reflète dans son jeu, car il cède généreusement la place à ses partenaires pour briller. Dans cette pièce, il accorde par exemple une attention particulière au monologue criant de Ziad Itani, inspiré des luttes intérieures et extérieures du peuple libanais. Talal Jurdi réagit aux paroles de son partenaire frappant sans tomber dans le surjeu, tout en traduisant ses réponses plus dramatiques par ses micro expressions.


Comment a-t-il construit son personnage? «La construction du personnage m’a pris du temps. Il s'est écoulé un certain temps depuis 2018, date de ma dernière apparition sur scène. J'avais l'impression que mon cerveau était rouillé en quelque sorte, comme si je ne savais plus comment réfléchir. Il m’a donc fallu un certain temps pour m’y remettre. De plus, le personnage que j'incarne n'est pas profondément lié à un psychiatre d'un point de vue technique. Il endure aussi divers problèmes personnels. Lors de notre travail, nous nous sommes concentrés sur cela en nous engageant dans le processus. Pourtant, tout au long de la pièce, le psychiatre que je jouais a commencé à se révéler à moi. Nous n'avons eu que trois semaines de répétitions, j'ai donc commencé à nourrir ce personnage pendant les représentations.»
Commentant l'importance du théâtre dans le monde chaotique d'aujourd'hui, Talal Jurdi déclare: «Je pense que le théâtre est ce dont nous avons le plus besoin aujourd'hui, dans notre monde actuel. Avec l'essor de l'IA, des médias sociaux et d'autres outils, le théâtre reste l'art le plus vrai qui perdure. C'est l'un des rares arts où il nous est impossible d’être faux, perdus dans notre identité ou cachés derrière les outils technologiques. De plus, la vie sociale connaît une certaine dégradation. Par conséquent, le théâtre pourrait être considéré comme une activité sociale de grande importance, oui.»
Est-ce que cela ferait encore une différence dans notre société libanaise? «Je ne suis pas sûr si cela changerait les choses au Liban à ce stade. Cela se serait produit il y a bien longtemps sinon. Cependant, le théâtre demeure une ancre pour ce genre de culture et d'activité sociale. Il redonnerait toujours de l'espoir aux Libanais d'une certaine manière», souligne-t-il.
Interrogé sur la pertinence, d’un point de vue artistique, d’utiliser ses propres désillusions ou celles du public comme matière première pour créer un spectacle théâtral, l’acteur affirme: «Ce n'est pas une obligation de mettre intentionnellement des désillusions sur scène. Le théâtre est un jeu interactif entre les acteurs et leur public. Les deux parties savent qu'elles sont au cœur d'un jeu, et qu'elles doivent en observer les règles. Elles sont simplement conscientes, que pour un laps de temps, elles joueraient ce jeu et feraient ensemble un bref voyage.»
La pièce se joue jusqu'au 7 juillet, du jeudi au dimanche à 21h.
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