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- Conflit de basse intensité et guerre d’attrition
La guerre ouverte aurait-elle été évitée de justesse? Ou est-ce que les belligérants sont convenus, à travers les multiples intermédiaires, de ne pas outrepasser les limites d’un conflit bridé et «raisonnable»? Il y a une semaine, les menaces proférées par les chefs militaires israéliens et la concentration de troupes sur leur frontière nord pouvaient laisser croire à une attaque imminente, une attaque d’envergure qui aurait entraîné une riposte immédiate de la milice iranienne. On pouvait s’attendre à un embrasement sur le mode de 1982 ou du moins sur celui de 2006, mais en plus dévastateur.
Et puis rien! Rien que des duels d’artilleurs de part et d’autre de la frontière, des ratissages de zones et… des attentats ciblés au drone. Nulle percée de blindés n’est à rapporter, nul fait d’armes des unités d’élites, nulle prouesse des commandos. En somme, on se bat à distance, sans chercher une victoire décisive ni une franche explication avec l’adversaire! Et tant pis pour les victimes ancillaires et les dégâts collatéraux.
À rebours
N’allons pas loin. Rien qu’à revoir les titres des articles d’Ici Beyrouth, on se fait une idée du climat qui, depuis de longs mois, règne dans le sud libanais où le «quotidien est rythmé par les raids et les murs du son israéliens» (1 juillet), et où l’on peut légitimement se demander si l’on vit une «escalade ou un apaisement» (30 juin). Pour nous faire une opinion, allons à rebours:
- Le 3 juillet: «Front sud: un commandant du Hezbollah tué à l’est de Tyr»
- Le 2 juillet: « Front sud: un tué et de nouvelles menaces israéliennes»
- Le 30 juin: « Liban-Sud: 3 membres du Hezb tués dans une frappe sur Houla»
-Le 29 juin: «Un tué et deux blessés dans une frappe par un drone entre Houla et Mays el-Jabal»
- Le 28 juin: «Front sud: trois personnes tuées dans un raid sur Kfar Kila»
- Le 27 juin: «Quatre tués dans des frappes israéliennes sur la Békaa et au Liban-Sud», etc.
Et plus on remonte dans le temps, plus le bilan s’alourdit. En somme, 400 victimes, dont des haut-gradés et des cadres du Hezb pour une poignée d’innocents civils.
Le ni-ni
Ni Israël ni le Hezbollah ne veulent d’une guerre ouverte(1). Il n’empêche que Tel Aviv peut être tenté d’en lancer une pour sortir de l’impasse, tant le cabinet de guerre est sous la pression des évacués du nord, qui sont désormais des SDF dans leur propre pays. Et pour ne pas arranger les choses, 18 soldats israéliens ont été dernièrement blessés, sur les hauteurs du Golan, par l’attaque d’un drone tiré à partir du Liban. Ce qui apporte de l’eau au moulin du va-t-en-guerre Bezalel Smotrich. Ce ministre des Finances ne veut rien d’autre que la «chute du régime en Iran, la destruction totale du Hamas, et une guerre éclair et tranchante contre le Hezbollah», qui mettrait la milice chiite hors-jeu(2).
Heureusement que Benjamin Netanyahou et d’autres sont là pour lui rappeler, à titre indicatif, certaines évidences: l’économie israélienne est au bord de la faillite, les réservistes sont las de se battre sans but spécifique si ce n’est pour la destruction outrancière, les blindés ont besoin de maintenance et, pour le cas d’une guerre tous azimuts, les drones, fusées, missiles et autres engins volants peuvent pleuvoir sur l’État hébreu, détruire son infrastructure et semer la panique parmi sa population(3).
Ce qui pourrait expliquer qu’en dépit des escalades verbales, nous assistons jusque-là à des épisodes d’un conflit à basse intensité. À moins que la minable prestation de Joe Biden face à Donald Trump ne soit perçue, par l’état-major israélien, comme l’occasion rêvée d’une offensive en direction du Litani.
Trois p’tits tours et puis s’en vont
Pourquoi cette guerre gratuite se poursuit-elle? La milice iranienne sait pertinemment qu’elle ne pourra, faute de moyens ou d’attributs divins, libérer Jérusalem ni reconquérir la Palestine occupée. Parce qu’au-delà des discours enflammés et des exhortations héroïques, surgit une réalité, celle de l’équilibre des forces ou plus précisément du déséquilibre desdites forces entre adversaires. En effet, quoiqu’on en dise, la puissance de feu (nucléaire, qui plus est) de l’État hébreu et le soutien indéfectible des États-Unis devraient dissuader le Hezb, tout Hezb divin qu’il est, de jouer son destin à quitte ou double dans un combat en champ clos. À moins d’être saisi d’un délire mégalomaniaque ou de transes bachiques.
D’ailleurs, le Hezbollah en question, en sa qualité de supplétif des forces iraniennes, n’a nullement apporté son soutien, à partir du 8 octobre, au Hamas; il n’a opéré qu’une diversion pour sauver sa face. Le minimalisme de son intervention ne nous laisse pas de doute quant aux intentions dissimulées des affidés de Téhéran, celles de ne pas se mouiller au-delà d’un certain point. Comme s’il y avait une entente secrète entre les deux pugilistes pour éviter le choc brutal et ses conséquences irrémédiables. Voilà plus de six mois que les antagonistes dansent sur un volcan et, comme par miracle, rien d’irréparable n’a été commis. D’une fois sur l’autre, Amos Hochstein reprend ses missions de bons offices au point où ils les avaient laissées puis, sur l’air de la comptine «Trois p’tits tours et puis s’en vont», regagne ses pénates à Washington. Et le Libanais, qui lui arrive d’avoir de grandes illusions, retombe, impuissant et écœuré, dans la même situation dont il a cru pouvoir s’extirper grâce à l’intervention américaine. Il se retrouve «Gros-Jean comme devant», d’après Monsieur de La Fontaine.
Si le Hezbollah a fait usage de ses armes, ce n’est pas par solidarité arabe (pensez-vous?), ni pour soutenir les causes justes, ni pour épauler les opprimés (al-mustad’afoun) sur cette terre! Si la milice iranienne s’est constituée partie prenante du conflit, c’est pour apporter la preuve que ses armes sont indispensables à sa politique de résilience.
Mais bas les masques! En réalité, le Hezbollah ne garde ses armes que pour tenir le Liban en otage. Tout ce scénario bien calibré n’est que bluff. On nous rétorquera que le prix payé est élevé, dépassant les 400 victimes dont la majorité ne sont pas des civils. Et alors? La milice de Téhéran n’est-elle pas disposée à sacrifier 500 de ses combattants ou séides tous les quelques semestres pour mieux enserrer le Liban? Pour mettre en joue notre pays, pour lui garder un pistolet sur la tempe!
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1- Zvi Bar’el, “Despite escalating threats, Iran isn’t rushing toward a direct clash with Israel”, Haaretz, 30 juin 2024.
2- Amos Harel, “Fear of a full-blown conflict in Lebanon looms, with members of Israel’s government stoking it”, Haaretz, 1 juillet 2024.
3- Ibid.
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