Neuf heures de vol et une distance d’environ 2.000 km parcourue. Le drone nommé «Jaffa» (Yaffo/Tel-Aviv sud), lancé à l’aube du vendredi en direction de Tel-Aviv, dans une attaque revendiquée par les Houthis du Yémen, n’a pas été intercepté. Coup de chance ou nouvelle technologie militaire?
Il est 3h10 du matin. À Hayarkon, et plus précisément au coin de l’avenue Ben-Yehuda et de la rue Shalom-Aleichem, une explosion retentit, se produisant non loin de la branche locale du consulat américain, dont l'ambassade a été relocalisée en 2019 à Jérusalem. Selon un bilan provisoire, un mort et une dizaine de blessés ont été signalés, dont six pour chocs psychologiques.
Détecté mais non intercepté, le drone, un Samad-3, de fabrication iranienne et qui a une portée déclarée de 1.500 à 2.000 kilomètres, aurait subi des développements, réussissant ainsi à contourner les systèmes d’interception de l’État hébreu. Or, entre Saada, le bastion des Houthis au Yémen et Tel-Aviv, la distance de vol est d'environ 1.850 kilomètres, affirme Mohammed el-Bacha, chercheur sur la péninsule Arabique au centre de réflexion Navanti Group. Indétectable par les radars, comme l’ont confirmé les Houthis dans leur communiqué vendredi, le drone qui porte le nom de Jaffa aurait survolé la mer à basse altitude.
«Le fait qu’il ait parcouru près de 2.000 kilomètres sans être intercepté représente un exploit militaire important pour le groupe yéménite de l'axe de la Résistance», note M. El-Bacha. Affirmation que partage le général à la retraite, Raouf Sayah qui déclare que «les armes des Houthis, qui proviennent principalement de l’Iran, ont connu un développement considérable». Il n’est pas étonnant, selon lui, qu’un drone, tel que le Samad-3 puisse atteindre sa cible, surtout qu’avec les moyens technologiques avancés, un drone, même détecté, peut atteindre ses objectifs. Comment? Il n’aurait tout simplement pas été évalué comme «hostile» ou «intrusif», communiquant des informations erronées sur sa trajectoire ou sur sa nature, explique le général Sayah. Aucune sirène d’alerte n’ayant été déclenchée, les forces israéliennes qui ont rejeté l’hypothèse d’un dysfonctionnement des systèmes de détection évoquent une «erreur humaine», le drone ayant été repéré. Aujourd’hui, une enquête est menée par les autorités israéliennes pour élucider l’affaire et «en faire payer le prix aux responsables».
Coup de chance?
Si les Houthis parlent de victoire c'est parceque c'est la première fois qu'un de leur drones atteint Tel Aviv. Cependant, et pour certains observateurs, la réussite de leur tentative est le fruit du hasard, les systèmes de défense israélienne ayant intercepté, depuis le début de la guerre à Gaza, des milliers de projectiles. «Il s'agit d'un coup de chance pour les Houthis et il est à noter que la tentative d'une attaque coordonnée avec les milices d'Irak, encouragée par l'Iran, est un échec», estime Jean Sébastien Guillaume, fondateur du cabinet Celtic Intelligence. Il faut dire que «le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, s’est entretenu par téléphone, le 15 juillet dernier, avec le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, avant de contacter, le lendemain, soit le 16 juillet, le président du Conseil politique suprême des Houthis, Mehdi Machat pour assurer aux supplétifs iraniens la continuité de l'axe de la resistance après l'élection du président iranien», souligne M. Guillaume. Il convient de souligner, à cet égard, que dans la nuit de jeudi à vendredi, un drone en provenance de l’Irak a été abattu en dehors de l’espace aérien israélien, ce qui pourrait confirmer l’hypothèse d’une attaque coordonnée.
«D’après moi, il est quasi impossible que l’attaque ait été perpétrée à partir du Yémen», souligne le général à la retraite Maroun Hitti, qui considère que le drone a été lancé depuis l’Irak, le Liban ou la Syrie. «C’est aussi pour brouiller les pistes et éviter des représailles contre l’un des trois pays que les Houthis l’ont revendiquée», signale-t-il. Or, selon les propos d’un responsable des forces israéliennes, «il est peu probable que l’attaque ait été menée depuis le nord d’Israël», écartant ainsi la possibilité d’une agression depuis le Liban. Et d’ajouter: «Nous n'excluons toutefois aucune possibilité.»
À la question de savoir si cette attaque constituera un tournant dans le conflit qui perdure depuis le 7 octobre dernier, le général Sayah prévoit que des attaques similaires puissent se reproduire, dans un contexte où les parties prenantes tentent d'exercer une pression accrue afin d'obtenir un maximum de prérogatives dans le cadre des négociations en cours.
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