Moscou n’a pas réussi à s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques depuis la chute de l’Union soviétique au début des années 90. De plus, la Russie n’a pu accepter la perte de son rôle stratégique sur la scène internationale ni son déclin en tant que l’un des deux pôles majeurs, faisant ainsi des États-Unis la seule puissance dominante.
Cette «rude épreuve» – puisqu’elle «touche à la fierté» nationale – a été celle, aussi, d’autres grandes puissances telles que la France, la Turquie, ou la Grande Bretagne – ayant jadis dominé pays et continents – qui se retrouvent désormais reléguées à un rang inférieur sur le plan de l’hégémonie mondiale. Certes, le Royaume-Uni et la France conservent une certaine influence à l’échelle internationale, compte tenu de leur passé et de leur statut de membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, mais il n’en va pas de même pour la Turquie – en dépit de son influence grandissante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Cela dit, l’expérience russe se distingue profondément, en ce sens que Moscou jouissait d’une influence considérable pendant la guerre froide. Après la chute de l’Union soviétique, elle a hérité du siège au Conseil de sécurité ainsi que du poids international de l’Union soviétique, bien que ses pratiques, politiques et approches aient évolué.
Néanmoins, le dénominateur commun entre «l’ancien» et le «nouveau» Moscou demeure l’hostilité envers l’Occident, incarné par les États-Unis et l’Europe, un camp également hostile à la Russie. Bien que les guerres par procuration qui ont marqué la guerre froide dans plusieurs pays se soient aujourd’hui relativement atténuées, leur spectre demeure présent, la rivalité entre la Russie et les États-Unis étant toujours d’actualité à bien des égards.
Selon la nouvelle politique étrangère russe élaborée l’an dernier sous la houlette du président Vladimir Poutine, «les États-Unis sont, plus que n’importe quel autre pays, à l’origine des politiques hostiles à la Russie et constituent la plus grande menace au développement de l’humanité». Plus encore, «l’élimination de toute forme d’hégémonie exercée par les États-Unis et d’autres pays ennemis constituera la priorité première de la Russie». De même, ce célèbre document précise clairement que «la Russie se concentrera sur la consolidation des relations et la promotion de la coordination à tous les niveaux avec les grandes puissances amies, telles que la Chine et l’Inde».
En effet, M. Poutine a renforcé les relations bilatérales avec la Chine et a même étendu ses alliances jusqu’à la Corée du Nord, dans l’espoir de former une force internationale capable de contrecarrer Washington et ses politiques. Le Kremlin perçoit toujours l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) – qui étend son influence vers l’est – comme une menace voire une provocation constante. Ainsi, M. Poutine n’a pas hésité à envahir l’Ukraine dans le but de contrer ce que les Russes considèrent comme une «condescendance occidentale», symbolisée par les positions de l’Europe et des États-Unis.
Sur base de ce qui précède, l’on peut résumer les piliers de la politique étrangère russe aux principes suivants: redonner à la Russie ses lettres de noblesse sur le plan international, faire face à l’Occident et aux États-Unis en évitant un confrontation à grande échelle et une guerre nucléaire, diriger le «monde russe» incarné par la civilisation russe avec l’Eurasie comme arrière-cour, développer les relations avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, rejeter les lignes de division dans l’Asie-Pacifique et poursuivre la guerre en Ukraine jusqu’à ce qu’un «règlement acceptable» soit atteint.
Il ne fait aucun doute qu’en dépit de l’affaiblissement de la Russie du fait de l’effondrement de l’Union soviétique et de la montée en puissance du libéralisme au détriment du camp socialiste, la Russie conserve une influence significative. À l’heure actuelle, la question principale est de savoir comment traiter avec la Russie, un pays qui a son lot d’appréhensions que certains considèrent comme légitimes, tandis que d’autres les perçoivent comme des tentatives infructueuses de réaffirmer sa présence sur la scène internationale.
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