Haniyé n’est plus. Quelle marge de manœuvre pour l’Iran?

À la suite de l'assassinat d'Ismaïl Haniyé en Iran mercredi, la région pourrait se retrouver au bord de la guerre, une réponse iranienne semblant probable et pouvant entraîner l'ensemble de ce qu'on appelle «l’axe de la résistance» dans le conflit.
Aux premières heures de mercredi, Israël a frappé un bâtiment à Téhéran, tuant le chef du Hamas, Ismaïl Haniyé. Cette attaque fait suite à une frappe israélienne à Beyrouth mardi, qui a entraîné la mort de deux enfants et de trois femmes, et blessé 74 autres personnes, selon les derniers chiffres. La région se trouve désormais au bord de l’escalade redoutée depuis le 7 octobre.
Le Guide suprême iranien, l’ayatollah Khameneï, a promis une «punition sévère» pour Israël après l’assassinat de Haniyé. Le puissant Corps des gardiens de la révolution a annoncé que cette action «sera suivie d’une réponse dure et douloureuse» de la part de l’Iran et de tout l’«axe de la résistance».
En avril, une frappe israélienne sur un bâtiment du consulat iranien avait tué sept personnes, déclenchant une réponse majeure et sans précédent de l’Iran sous forme d’attaques de missiles et de drones contre Israël.
Cependant, cette situation est encore plus périlleuse. L’attaque directe d’Israël contre l’Iran et l’assassinat du plus haut dirigeant du Hamas interviennent moins de douze heures après une frappe israélienne à Beyrouth, ayant également conduit à l’assassinat du deuxième haut dirigeant du Hezbollah.
Il est désormais clair que l’Iran réagira; reste à savoir quelle sera l’ampleur de sa riposte et si cela entraînera une conflagration régionale.
Selon Yeghia Tashjian, Associate Fellow au Issam Fares Institute for Public Policy and International Affairs (institut Issam Farès pour la politique publique et les affaires internationales), cet assassinat a franchi une ligne rouge établie par l’Iran après l’attaque de missiles en avril, rendant peu probable un retour au calme. CNN avait rapporté à l’époque que l’attaque iranienne d’avril contre Israël était très orchestrée; des drones et des missiles avaient été lancés à 1.000 milles de distance afin de laisser le temps à Israël de réagir et les États-Unis avaient été préalablement informés.

Selon le Centre d’études stratégiques et internationales, cette attaque était stratégiquement calibrée pour démontrer la capacité de l’Iran à cibler Israël tout en signalant son intention de le faire en cas de nouvelles attaques. Ce signal marquait une ligne rouge implicite – qu’Israël a maintenant franchie – ce qui rend, de facto, la politique de dissuasion de l’Iran inefficace.
Une autre réponse orchestrée semble peu probable, car l’Iran devra respecter la ligne rouge qu’il a fixée pour rétablir sa dissuasion. Selon Tashjian, plusieurs pressions internes et régionales pousseront l’Iran à répondre.
Le président nouvellement élu de l’Iran, Pezeshkian, un réformiste, devra «faire preuve de fermeté» pour affronter les critiques des conservateurs qui craignent qu’il soit «trop mou» en matière de politique étrangère, selon Tashjian.
Tashjian souligne que cet assassinat de grande envergure à Téhéran, survenu quelques heures seulement après l’investiture du président, est une «humiliation totale pour l’Iran, les Gardiens de la révolution et leurs agences de renseignement». Leur incapacité à protéger l’un de leurs alliés les plus importants au cœur de leur capitale, lors de l’un des jours les plus marquants du calendrier politique, met en lumière leurs faiblesses et leur incapacité à protéger et à soutenir leur soi-disant «axe de la résistance».
Sur le plan régional, l’Iran ressentira la nécessité de prouver qu’il «maîtrise toujours la situation», selon Tashjian. Par conséquent, une riposte coordonnée de tout l’axe de la résistance est très probable. Selon Mohammed al-Basha, analyste au Navanti Group basé aux États-Unis, nous pourrions assister à «une réaction conjointe du Hezbollah au Liban pour venger Fouad Chokr, des Houthis au Yémen pour riposter au bombardement du port de Hodaïda et de la résistance islamique en Irak, augmentant ainsi le potentiel d’une nouvelle escalade» dans toute la région.
Téhéran serait presque certainement impliqué directement, selon Al-Basha, à la suite de la publication de Khamenei sur X, affirmant qu’il est de leur «devoir de se venger». Bien que la cible exacte de l’Iran ne soit pas encore déterminée, les options les plus probables incluent «les bases militaires ou de renseignement israéliennes», indique Tashjian. Les bases militaires américaines en Syrie pourraient également être visées, en raison de la perception selon laquelle les États-Unis auraient peut-être approuvé l’opération ou, à tout le moins, n’auraient pas exercé suffisamment de pression sur Benjamin Netanyahou pour l’arrêter.
La fragile dynamique géopolitique qui prévalait depuis octobre entre l’Iran, l’axe de la résistance et Israël semble s’effondrer. Israël a frappé le Yémen pour la première fois ces dernières semaines; il a frappé Beyrouth mardi et, maintenant, c’est l’Iran qui est visé.
Selon Al-Basha, ce sont ces «seuils de conflit en constante évolution... qui rendent les prochains jours déterminants pour la stabilité régionale».
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