Quatre ans, déjà… Quatre années se sont écoulées depuis la tragédie de la méga explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Quatre ans que les magistrats chargés de l’enquête ne parviennent toujours pas à mener à bien et à clore leurs investigations du fait des pressions et des menaces continues, à peine voilées, du Hezbollah.
Cette explosion apocalyptique du 4 août constitue l’une des manifestations les plus meurtrières et les plus répugnantes de la stratégie de destruction, de déconstruction et d’obstruction systématique pratiquée par la formation pro-iranienne depuis de nombreuses années, plus spécifiquement depuis 2005, date du retrait syrien qui lui a pratiquement laissé le champ libre sur le terrain libanais.
Comment ne pas crier haut et fort sa colère et sa rage face à un tel drame marqué par un bilan qui dépasse tout entendement? 224 tués (235, selon le site Beirut 607), dont des adolescents, des enfants et de jeunes cadres dans la fleur de l’âge; 7.000 blessés; 150 handicapés; 77.000 habitations ravagées; 300.000 déplacés; 178 établissements universitaires et scolaires, ainsi que 26 hôpitaux et dispensaires endommagés; et non moins de 15 milliards de dollars de dégâts et de pertes, selon les chiffres fournis par le collectif des parents des victimes de l’explosion.
L’insistance du Hezbollah à entraver et à bloquer l’enquête, sans jamais manifester le moindre scrupule à ce propos, illustre de manière probante sa lourde responsabilité politique, sécuritaire et morale dans cette affaire. Il est de notoriété publique que c’est lui qui contrôlait concrètement le port de Beyrouth et c’est donc lui qui avait la haute main sur la gigantesque cargaison de nitrate d’ammonium entreposée de manière abjecte et criminelle au port. La responsabilité du parti pro-iranien dans cette tragédie est d’autant plus évidente qu’il s’est avéré, à en croire diverses sources concordantes fiables, que ce nitrate d’ammonium était progressivement transféré en Syrie en vue de la fabrication des barils d’explosifs qui étaient lâchés sur les civils dans les localités échappant au contrôle du régime Assad.
Indépendamment de cet aspect portant sur la méprisable implication dans le conflit syrien, la tragédie du 4 août a accentué et décuplé le profond ressentiment d’une très large faction des Libanais à l’égard du Hezbollah… Et pour cause: ce parti, véritable tête de pont des Gardiens de la révolution islamique iranienne à la frontière avec Israël, a démontré avec le drame du port qu’il n’a aucune sorte de considération, aucun égard, pour la population du pays du Cèdre. Il l’a d’ailleurs prouvé, aussi, quotidiennement, depuis le 8 octobre dernier, en confirmant son obstination à prendre le Liban en otage, en entraînant les Libanais dans une vaste aventure guerrière stérile qui ne les concerne en aucune façon, ni de près, ni de loin. Cette aventure guerrière qui dure depuis dix mois, qui va crescendo et qui risque de dégénérer en une conflagration à grande échelle, a provoqué la mort (inutile) de non moins de 450 jeunes miliciens. Elle a par ailleurs transformé plusieurs villages en ruines, a forcé à l’exode 100.000 habitants du Liban-Sud et a ruiné encore davantage l’économie nationale, déjà au plus bas.
Face à cette ligne de conduite déconnectée des réalités libanaises et des intérêts de la population les plus élémentaires, il devient difficile de ne pas soulever certaines interrogations d’ordre existentiel. Pour qui, pour quoi, tous ces sacrifices, sans aucun horizon, sans aucune limite? Dans quel but le peuple libanais devrait-il endurer toutes ces épreuves qui lui sont imposées par la force des armes? Pour le Hezbollah, la réponse est évidemment claire, puisque le parti a, d’emblée, adopté comme postulat, dans sa charte politique approuvée au milieu des années 1980, qu’il faisait acte d’allégeance absolue au Guide suprême de la révolution iranienne. Mais en imposant manu militari aux Libanais son projet transnational placé exclusivement au service des ambitions régionales démesurées du régime des mollahs, la formation pro-iranienne suscite au sein de la population un profond sentiment d’hostilité d’autant plus légitime et justifié que les Libanais subissent, seuls – avec les Palestiniens – depuis plus d’un demi-siècle, les affres et les retombées meurtrières du conflit proche-oriental.
En s’obstinant à maintenir son déni des intérêts vitaux du pays du Cèdre, le Hezbollah ne semble pas prendre conscience d’un facteur auquel il ne saurait échapper: le profond ressentiment à son égard, qu’il entretient et renforce lui-même par son attitude arrogante et méprisante, et qui se retournera tôt ou tard dangereusement contre lui. Greffer, par la force des baïonnettes, sur un tissu social un élément dont la posture idéologique et la ligne de conduite sont aux antipodes des spécificités historiques et culturelles du pays, finira par aboutir un jour, inéluctablement, à un violent phénomène de rejet.
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