Que se passera-t-il si le Liban est inscrit sur la liste grise du Gafi?

Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban, Wassim Mansouri, se rendra à Washington au cours de la première semaine de septembre prochain, dans l’espoir d'éloigner le Liban de la liste grise du Groupe d'action financière (Gafi, ou Financial Action Task Force), établie pour la surveillance des crimes financiers. Ce déplacement intervient quelques jours avant la réunion déterminante où l'organisme fera la distinction entre les pays respectant les procédures et ceux qui n'ont pas réalisé les progrès requis à cet égard.
Le Liban a bénéficié, à plusieurs reprises, de délais de grâce accordés par le Gafi l'année dernière, à la demande de la Banque du Liban (BDL), dans l'espoir que le gouvernement libanais et les autorités officielles prennent les mesures nécessaires pour éviter l'inclusion du Liban sur la liste grise.
À ce jour, aucune des promesses de réformes faites par le gouvernement libanais n'a été tenue. De plus, le Parlement n'a pas réussi à adopter les lois et législations que le Gafi considère comme essentielles pour renforcer le système financier libanais et les lacunes persistent dans les réformes judiciaires concernant le blanchiment d'argent.
Quant aux mesures prises par la Banque du Liban, le dernier rapport publié par le Gafi confirme que les actions exceptionnelles mises en œuvre par la BDL sont conformes aux exigences de l'organisme en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cependant, le maillon faible demeure l'incapacité des gouvernements successifs et du Parlement à adopter les législations nécessaires, ainsi que les lacunes au niveau des réformes judiciaires en vue de poursuivre ceux que la région considère comme corrompus.
Liban... quel destin?
M. Mansouri portera ses dossiers auprès des centres de décision, cherchant à les convaincre d'accorder davantage de temps au Liban avant de l'inclure sur la liste grise. Il expliquera une nouvelle fois l'importance des mesures prises par la BDL et les banques, en conformité avec les règles internationales concernant les flux financiers, les transferts et le blanchiment d'argent. Il soulignera, par ailleurs, que le fait de placer le Liban sur la liste grise pourrait renforcer l'évasion fiscale, accroître le blanchiment d'argent et compromettre les efforts de la BDL dans ce domaine.

Cependant, une fois de plus, le Gafi et le Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) interrogeront M. Mansouri sur les progrès réalisés par l'État en matière de réformes, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption et les décisions judiciaires relatives aux affaires de blanchiment d'argent. Quant aux groupes paramilitaires, les informations indiquent des progrès limités dans ce domaine et M. Mansouri prévoit de s'attaquer à cette question dans les prochaines étapes.
Lorsque le Gafi inscrit un pays sur la liste grise, cette décision place généralement les activités financières et bancaires de ce pays sous une surveillance internationale et financière renforcée. Les autorités internationales sont alors habilitées à examiner toutes les opérations de transfert d'argent du pays vers l'étranger, en vérifiant leur origine et leurs objectifs, y compris les transferts effectués par l'État et la Banque centrale. De plus, cela comporte le risque de voir les banques correspondantes suspendre leurs relations avec les banques libanaises et de bloquer l'entrée de nouveaux investissements et fonds sur le marché libanais.
Ces derniers mois, il semble que le gouverneur par intérim de la Banque du Liban ait réussi à convaincre les banques correspondantes traitant avec le Liban, dont le nombre est passé d’une à six, des mesures prises par la BDL pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cela signifie que les opérations bancaires et les transferts vers et depuis le Liban ne devraient pas être affectés, même si le Gafi insiste à inclure le Liban sur la liste grise. En effet, de nombreux pays à travers le monde, comme les Émirats et la principauté de Monaco, ont connu une situation similaire avant d’être retirés de la liste grise après avoir mis en œuvre les réformes requises.
Dans ce cadre, M. Mansouri a visité les ministères américains des Affaires étrangères et des Finances, ainsi que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, pour convaincre les décideurs que les mesures prises par la BDL et les banques respectent les exigences du Gafi en matière de législation internationale et de transparence.
D'après certaines sources proches de M. Mansouri, il a averti les décideurs que placer le Liban sur la liste grise nuirait aux efforts de la Banque du Liban, favoriserait le blanchiment d'argent et isolerait financièrement et économiquement un pays déjà en difficulté. Bien que M. Mansouri ait réussi à convaincre certains interlocuteurs lors de ses rencontres aux États-Unis, il n'a pas pu garantir un report complet de l'inscription du Liban sur la liste grise.
Cependant, les banques correspondantes restent persuadées de la nécessité de maintenir leurs relations avec le Liban, même en cas d'inscription sur la liste grise. Le Gafi et les banques correspondantes estiment que le vrai problème réside non pas dans la BDL ou les banques, mais dans le gouvernement et les autorités judiciaires. Par conséquent, le Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) s'engage à maintenir les relations financières et bancaires avec le Liban et à éviter toute mesure punitive contre les opérations bancaires normales. Ainsi, l'inscription du Liban sur la liste grise pourrait simplement servir à inciter les autorités libanaises à réagir rapidement aux risques croissants, afin d'éviter qu'ils ne s'aggravent.
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