Nidaa Abou Mrad, des étincelles libanaises illuminent la Sorbonne

Nidaa Abou Mrad continue de porter haut le flambeau de l’excellence scientifique à travers des recherches pionnières et une coopération prestigieuse entre l’Université Antonine et Sorbonne Université.
L'histoire du Liban a été façonnée par des visionnaires qui ont osé rêver au-delà des sentiers battus et des frontières imposées. En gravissant les échelons de la réussite, ils ont fièrement élevé ce pays martyrisé vers les cimes du rayonnement régional et international. Alors que cet éclat d’antan semble désormais un lointain souvenir, nous pleurons un pays dont la grandeur semble nous échapper, un pays que nous n’aurions pas mérité. Le Liban d’Henri Goraïeb, des frères Rahbani, de Fairouz, d'Élie Choueiri et de Bassam Saba, le Liban de Mikhaïl Naïmy, de Gibran Khalil Gibran et de Ghassan Tueni, le pays de Michael DeBakey, de Peter Medawar et de tant d’autres. Alors que le pays semble frôler le gouffre, certains continuent de se battre, contre vents et marées, pour l’éveiller de sa léthargie et prouver au monde entier que le Liban n'est pas mort. Nidaa Abou Mrad en est un parfait exemple.

Recherches multidisciplinaires


Professeur en musicologie, docteur en médecine et doyen de la Faculté de musique et de musicologie (FMM) de l’Université Antonine (UA), Nidaa Abou Mrad vient d’être nommé pour deux ans à la «Chaire de Professeur Senior en musicologie, neuropsychologie de la musique et neuromusicothérapie» à Sorbonne Université (SU), pour mener à bien un projet innovant de formation et de recherche axé sur la thématique «Musique, neurosciences et thérapie». Il a été choisi pour cette mission en raison de ses recherches sur la grammaire générative musicale des monodies modales et ses relations avec la neuropsychologie cognitive de la musique. À cela s’ajoute la mise en place d’un enseignement de la musicothérapie à l’UA, expertise qu’il mettra à profit pour instaurer un master «Musique et thérapie» à SU.
«Je suis ravi et honoré de cette nomination qui vient couronner ma carrière, tout en me permettant de continuer à assumer mes fonctions à la Faculté de musique et de musicologie de l’UA», déclare le musicologue à Ici Beyrouth. Ses travaux lui ont permis de développer la théorie sémiotique modale, couronnée par le prix d’excellence scientifique 2017 du Conseil national de la recherche scientifique libanais (CNRS-L). Cette théorie, qui propose un nombre restreint de règles pour décrire et prédire l’élaboration des compositions et des significations musicales dans différentes traditions musicales modales, a donné lieu à deux hypothèses concernant le traitement neurocognitif de la musique modale: la première associe l’émotion globale d’une composition à la structure de son échelle mélodique et à son tempo, tandis que la seconde établit un lien entre la signification des phrases musicales et leur structuration profonde qui génère des états de tension et de détente, supposés être perçus comme tels.

Application thérapeutique


Ces hypothèses ont été validées par des études expérimentales avec des enfants et des jeunes libanais et français, menées, sous la direction de Nidaa Abou Mrad par les chercheurs (Hayaf Yassine, Nathalie Abou Jaoudé, Carmen Saadé et Rawan Dimachki) du Centre de recherche sur les traditions musicales à l’UA, en collaboration avec d’éminents chercheurs (Frédéric Billiet et Jean-Marc Chouvel) de l’Institut de recherche en musicologie (IReMus, SU et CNRS-F) et avec le soutien du CNRS-L. «Dès lors, nos équipes ont mis en place plusieurs protocoles sur l’application thérapeutique de ces résultats dans le domaine de la réduction du stress et de la douleur et de la réhabilitation, qui sont en cours de réalisation par nos doctorants, et qui viennent nourrir la formation en musicothérapie que la Faculté de musique et de musicologie de l’UA dispense en licence et en master», souligne le chercheur.
En outre, Nidaa Abou Mrad a développé l’hypothèse d’une grammaire générative musicale qui serait commune dans ses structures profondes aux trois systèmes mélodiques (modal, pentatonique et tonal) et qui produirait des significations selon des schémas convergents. Il souhaite pouvoir explorer, avec des neuropsychologues de la musique, le traitement cérébral cognitif et émotionnel de la perception de ces significations, en veillant à implémenter les résultats de ces recherches dans des processus thérapeutiques. «C’est en gros le projet de recherche qui sous-tend ma nomination à SU», précise-t-il.

Expertise Nord-Sud


Nidaa Abou Mrad s’en dit redevable à la présidente de SU, Pr. Nathalie Drach-Temam, qui a créé cette année cette Chaire de professeur senior, et au directeur de l’UFR musique et musicologie, Pr. Frédéric Billiet, qui a soutenu sa candidature. Celle-ci a également été parrainée par Pr. Théodora Psychoyou, directrice de l’IReMus et du Collegium Musicae, et par les éminents professeurs émérites Nicolas Meeùs et Jean During qui ont recommandé sa candidature. «Je voudrais tout particulièrement remercier le recteur de l’UA, père Michel Saghbiny, et le secrétaire général de l’UA, père Ziad Maatouk, qui m’ont accordé leur généreux soutien, poursuit-il, et adresser ma gratitude à Viviane, mon épouse, pour son appui crucial.»
Et le professeur Abou Mrad de conclure: «Ce qui est notable dans ce processus de coopération, c'est que contrairement au modèle d’expertise Nord-Sud, usuel entre la France et le Liban, il s’agit ici d’une expertise universitaire forgée à l’UA, qui va contribuer au développement d’une nouvelle voie de recherche et de formation interdisciplinaire à la Sorbonne. En tant qu’universitaire libanais, je ne puis qu’en être ravi.»
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