©Crédit photo: Indranil Mukherjee/AFP
À Malegaon, ville industrielle au nord de Bombay, une scène cinématographique alternative émerge, portée par des réalisateurs passionnés et inventifs. Loin des paillettes de Bollywood, «Mollywood» propose un cinéma ancré dans le quotidien des habitants.
Dans l’ombre de Bombay, la capitale indienne du divertissement, se trouve Malegaon, une cité ouvrière située à environ 180 km au nord. C’est ici, loin des studios rutilants de Bollywood, qu’une nouvelle génération de cinéastes indépendants se fait un nom. Leur créativité et leur détermination donnent naissance à «Mollywood», une scène cinématographique alternative qui puise son inspiration dans la vie quotidienne des habitants.
Shaikh Nasir, 50 ans, est l’un des pionniers de ce mouvement. Natif de Malegaon, il s’est fait connaître grâce à son film Malegaon Ka Superman (2008), dans lequel un superhéros lutte contre le tabagisme. Réalisé avec un budget minimal et des moyens de fortune – des bicyclettes en guise de travelling, des charrettes pour porter les caméras – le long métrage a ouvert la voie à un cinéma inventif et populaire.
«Le cinéma est, et a toujours été, notre échappatoire à la vie de tous les jours et à nos luttes quotidiennes», explique Shaikh Nasir. Avant de se lancer dans la réalisation, il produisait des vidéos de mariage et se qualifiait lui-même de «cinéphile au chômage». Un jour, il a décidé de sauter le pas et de réaliser un film avec les moyens du bord.
Crédit photo: Indranil Mukherjee/AFP
Le succès de Malegaon Ka Superman, produit en hindi et dans d’autres langues régionales, a dépassé toutes les attentes. Les travailleurs d’usines et les journaliers de la ville ont découvert le film dans des salles obscures où l’entrée coûte bien moins cher que dans les cinémas conventionnels.
Seize ans après ce premier succès, Shaikh Nasir s’apprête à présenter un nouveau long métrage au Festival international du film de Toronto. Superboys of Maelgaon, produit avec un budget digne de Bollywood, retrace le parcours du réalisateur et de son équipe, qui «ont transformé leur ville natale en une improbable usine à rêves». L’acteur Adarsh Gourav, révélé dans Le Tigre blanc (2021), incarnera Shaikh Nasir à l’écran.
Si le piratage vidéo a affecté les bénéfices de Malegaon Ka Superman, poussant Shaikh Nasir à changer temporairement de métier, l’essor d’internet a permis l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs. Mukeen Arshad, ancien collaborateur du réalisateur, a ainsi lancé deux chaînes YouTube où il diffuse des contenus humoristiques.
Le développement du web a également permis aux femmes de s’exprimer dans un milieu autrefois très masculin. «Les choses sont devenues beaucoup plus faciles, en particulier pour les femmes qui n’avaient pas les moyens de montrer leur talent», se réjouit l’actrice Roma Momin, qui rêve toujours de percer à Bollywood.
Aleem Tahir, 52 ans, acteur dans l’un des premiers films de Shaikh Nasir, fait partie des rares artistes de Malegaon à avoir intégré l’industrie du cinéma hindi. Mais pour lui, «ce n’est que le début». La success story de Shaikh Nasir et l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs laissent présager un bel avenir pour Mollywood, ce cinéma alternatif qui a su transformer une cité ouvrière en un vivier de talents.
Avec AFP
Crédit photo: Indranil Mukherjee/AFP
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