Trente ans après la disparition tragique de Maroun Baghdadi, la réalisatrice Feyrouz Serhal nous entraîne dans un voyage émouvant au cœur de Beyrouth, sur les traces de ce pionnier du cinéma libanais qui a révolutionné le 7e art pendant la guerre civile des années 70 et 80. Maroun Returns to Beirut, son premier long-métrage documentaire, qui a fait sa première mondiale hier à la prestigieuse Mostra de Venise, est une ode vibrante à un artiste visionnaire, une ville éternelle et un art qui ont façonné l’histoire du pays du Cèdre.
Maroun Returns to Beirut, premier long-métrage documentaire de Feyrouz Serhal, marque le 30e anniversaire de la mort soudaine et tragique de Maroun Baghdadi, cinéaste visionnaire qui a révolutionné le 7e art libanais pendant la guerre civile des années 70 et 80. À travers ce film, la cinéaste nous invite à une excursion d’une journée à Beyrouth, ville qui a profondément marqué le parcours de vie et de création de Baghdadi.
Feyrouz Serhal
Au fil de ses rencontres avec les proches du réalisateur, témoins privilégiés de son époque troublée, Serhal met en lumière l’homme derrière la caméra. Plus qu’un simple portrait, le film offre une réflexion passionnante sur un demi-siècle d’histoire libanaise et la façon dont le cinéma peut magnifiquement en raconter les soubresauts.
Lorsque la productrice Cynthia Choucair lui a proposé de se pencher sur Maroun Baghdadi, Feyrouz Serhal a immédiatement été séduite par l’idée de consacrer un film à cet autre réalisateur. L’opportunité de mieux connaître cet artiste, au-delà de son œuvre, était trop belle.
Serhal s’est plongée dans un visionnage intensif des films de Baghdadi, frappée par l’omniprésence de Beyrouth. Cette passion dévorante du cinéaste pour sa ville lui a inspiré l’idée de l’y ramener le temps d’une journée, trente ans après sa disparition, à la rencontre de ses anciens compagnons de route.
Pour dresser un portrait complet et nuancé de Maroun Baghdadi, le choix des intervenants était crucial. Feyrouz Serhal a sélectionné avec soin des personnes clés ayant travaillé avec lui, l’ayant accompagné et ayant marqué sa vie. Sa femme, l’actrice Soraya Baghdadi, l’écrivain Hassan Daoud, l’historien Fawwaz Traboulsi, le producteur Élie Adabachi ou encore la cinéaste Joana Hadjithomas apportent des éclairages variés et complémentaires sur l’homme et l’artiste dans son contexte.
Les lieux de tournage, soigneusement choisis, sont autant de décors chers à Maroun Baghdadi et familiers à Feyrouz Serhal: les rives du fleuve, le centre-ville fantomatique, la bouillonnante rue Hamra… Filmer Beyrouth aujourd’hui, après les terribles épreuves traversées par la ville ces dernières années, était un grand défi émotionnel. Si la capitale libanaise avance malgré les difficultés, les séquelles de la crise et de l’explosion meurtrière d’août 2020 restent palpables sous la beauté de façade. Les problèmes soulevés dans les films de Baghdadi n’ont rien perdu de leur acuité.
Épaulée par la monteuse Maria Malek, Feyrouz Serhal a dû relever le défi de réduire un premier montage de quatre heures à deux heures, sans perdre la substantifique moelle des entretiens passionnants réalisés. Un travail d’orfèvre qui a nécessité du recul et où les films de Maroun Baghdadi ont servi de boussole pour garder le cap.
Maroun Returns to Beirut offre une réflexion stimulante sur le cinéma libanais à travers le prisme de l’un de ses plus illustres représentants. Feyrouz Serhal, en tant que cinéaste contemporaine, s’interroge sur son positionnement face à ce monument un peu intimidant. Si les conditions de tournage se sont améliorées, les défis restent nombreux pour les réalisateurs libanais. La cinéaste a dû faire preuve de flexibilité, sans renier son intégrité artistique, pour mener à bien son projet.
Au fil de cette immersion intense dans l’univers de Maroun Baghdadi, Feyrouz Serhal a développé une connexion profonde avec celui-ci, malgré leurs différences. Au-delà de leur passion commune pour le 7e art, le cinéaste a indubitablement marqué la réalisatrice, qui ressort de cette aventure profondément touchée et inspirée.
Avec Maroun Returns to Beirut, Feyrouz Serhal signe un documentaire vibrant et nécessaire, qui ravive la mémoire d’un immense artiste tout en dressant le portrait kaléidoscopique d’une ville éternelle. Une ode à la résilience de Beyrouth et du cinéma libanais, dont Maroun Baghdadi reste l’un des phares les plus brillants.
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