La stratégie du grignotage, dans l’optique de gangrener progressivement, à petits pas, les différents rouages de l’État et de l’édifice politico-communautaire du pays… Telle est la ligne de conduite qu’affiche, sans scrupules, en continu, le Hezbollah. Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a parfaitement illustré la situation à cet égard dans son homélie dominicale prononcée au cours de la messe célébrée, en ce 15 septembre, en mémoire des martyrs de la résistance libanaise (les Forces libanaises), à Mayfouk: «Certaines formations (allusion à peine voilée au parti pro-iranien) veulent faire du Liban un territoire vide pour mener à bien leur projet au mépris de l’État, de la Constitution et de toute loi»(…). Et d’ajouter, fort à propos: «Les Libanais sont la cible d’une invasion qui est pire que l’occupation.»
Percevoir le pays du Cèdre comme un vaste et simple terrain vague, «propriété privée» et tête de pont des Gardiens de la révolution islamique iranienne: c’est ce qui ressort du comportement adopté, sans relâche depuis de nombreuses années, par le directoire du Hezbollah et des pôles qui gravitent dans son orbite.
L’ancien député hezbollahi Nawaf Moussaoui – qui avait été déchu par son parti de son siège parlementaire et «mis au placard» après ses débordements sectaires lors d’une séance à la Chambre – a opéré un retour (sans doute commandé) sur la scène locale pour monter de plusieurs crans dans les manœuvres d’intimidation pratiquées par les suppôts du régime des mollahs. Dévoilant sans détour les méthodes (bien connues) de son parti, il a souligné ouvertement que tout président de la République qui contredirait la politique suivie par le Hezbollah «ne pourra pas vivre»! Et comme pour bien clarifier le fond de sa pensée, M. Moussaoui a tenu à rappeler le précédent de Bachir Gemayel (qu’il n’a pas daigné désigner par son nom), allant même jusqu’à souligner que l’assassin du président-martyr avait, par son acte meurtrier, «accompli son devoir national»!
Lorsqu’un responsable partisan haut placé se permet de faire montre d’autant de mépris et de dédain pour la sensibilité d’une très large faction de la population (pas seulement chrétienne, comme l’ont illustré les multiples réactions indignées de nombre de responsables politiques et d’internautes d’autres communautés), cela signifie que l’on ne désire pas édifier un État et reconstruire un pays avec les autres composantes de la société.
Peut-on encore s’étonner dans un tel contexte des réactions des activistes, de cadres supérieurs et d’intellectuels de diverses communautés, notamment chrétiennes, qui n’ont pas hésité à souligner que le «vivre ensemble» n’est plus envisageable avec une faction qui adopte de telles pratiques et qui tient le même langage que M. Moussaoui? Une faction qui apporte, jour après jour, des preuves supplémentaires que son seul projet est de servir les desseins hégémoniques et sectaires des mollahs de Téhéran. Et dans cette optique tout est permis: assassinats (comme le relève M. Moussaoui lui-même); stratégie de déconstruction de l’État et de tous les secteurs vitaux et toutes les structures politico-communautaires du pays; décisions unilatérales entraînant tout le pays dans des guerres qui ne concernent les Libanais ni de près ni de loin, et qui ne servent que les intérêts de Téhéran; tentatives de changements démographiques; menaces; intimidation; pressions miliciennes; pratiques économiques hautement douteuses…
Comment serait-il possible, dans de telles conditions, d’engager un dialogue et d’élaborer un projet national sur des bases équilibrées, saines et durables avec un parti, prétendument local, qui ne «joue» pas sur le terrain libanais…? Un parti dont l’idéologie et la charte politique, élaborée lors de sa fondation au milieu des années 1980, lui imposent de faire acte d’allégeance absolue, pour les questions d’ordre stratégique, au leader suprême et non contestable d’une puissance régionale… Un leader qui se dote d’une «légitimité» divine, loin de toute considération populaire…
Certains responsables occidentaux sont parfois tentés de se laisser entraîner dans la realpolitik et de faire montre de complaisance envers le directoire du Hezbollah ou le régime des mollahs de Téhéran. C’est toutefois ignorer, ou feindre d’ignorer, qu’il s’agit là de la meilleure façon de perpétuer une situation d’instabilité chronique et d’entretenir un vivier terroriste qui ne saurait se cantonner au Liban ou à la région, mais qui finira par s’étendre, tôt ou tard, à plusieurs grandes métropoles et localités occidentales. Certains pays de l’Union européenne, dont plus particulièrement l’Allemagne ces derniers jours, ont commencé à réagir face au spectre de l’islam politique stimulé, entre autres, par la République islamique iranienne et certains de ses instruments radicaux…
Dénoncer l’islamophobie et «l’amalgame», c’est compréhensible; mais faire preuve de cécité face à la montée du terrorisme djihadiste et intégriste, cela devient dangereux… Et fatal pour les droits humains et les valeurs humanistes universelles.
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