En proie à une crise financière et à des menaces constantes de grèves qui affectent profondément son bon fonctionnement, l’Université libanaise (UL) a réussi, au fil des ans, à surmonter tous les obstacles, se classant première parmi les six universités libanaises qui répondent aux critères du «QS World University Rankings» et qui ont été évaluées dans le classement mondial 2025. Elle est également passée de la 577e place à la 567e place en l’espace d’un an, malgré les nombreuses difficultés auxquelles elle a été confrontée.
Création de l’UL : un jalon dans l’histoire de l’éducation au Liban
Née d’un mouvement populaire et estudiantin libanais, dans un contexte d’après-guerre, l’UL marque une étape cruciale dans l’évolution du système éducatif au Liban. Seule université publique dans un pays qui compte plus de 230.000 étudiants, l’UL accueille à elle seule environ 80.000 étudiants, soit 40% de la totalité des universitaires. Elle compte également 1650 professeurs vacataires et 2.500 professeurs contractuels rémunérés à l’heure, qui réclament aujourd’hui un changement de statut.
Nous sommes en 1951, lorsqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et après l’indépendance du Liban en 1943, la nécessité de créer une institution publique capable de garantir une éducation accessible à tous devient de plus en plus pressante. À l’époque, l’accès à l’enseignement supérieur est relativement limité et principalement dominé par les universités privées. C’est alors qu’alimenté par des revendications sociales et syndicales majeures, un mouvement estudiantin favorable à la création d’une université publique voit le jour. Après une série de grèves générales et des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, le gouvernement libanais se réunit le 5 février et approuve, le 3 décembre 1951, sous la présidence de Béchara el-Khoury, la création d'une université publique par décret.
L’objectif initial de cette démarche était de permettre l'accès à l'enseignement supérieur à tous les Libanais, indépendamment de leur classe sociale ou de leur religion. Devenue un pilier essentiel de la démocratisation de l’éducation, l’UL a connu une rapide expansion dans les décennies qui ont suivi sa mise en place. Alors que ses premières facultés ont été celles des lettres et des sciences humaines, suivies des facultés de droit et de sciences politiques, de sciences et de médecine, d’autres y ont été ajoutées, couvrant ainsi un large éventail de disciplines.
Des instituts et centres de recherche y ont également été intégrés, contribuant à son élargissement et à son développement. Aujourd’hui, l’institution compte 16 facultés et trois écoles doctorales. L’Institut supérieur des sciences appliquées et économiques (ISSAE-CNAM), en collaboration avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en France, fait, en outre, partie intégrante de l’UL.
Des défis majeurs
Bien que l’Université libanaise soit largement reconnue pour son rôle central dans l’éducation publique, elle a aussi été le théâtre de nombreux défis. Les crises économiques successives au Liban ont affecté les budgets alloués à l’université, entraînant parfois des grèves des professeurs et des étudiants protestant contre la détérioration des conditions de travail et d’apprentissage.
Les ingérences politiques et l’instrumentalisation de l’institution à des fins desservant les autorités au pouvoir ont souvent été préjudiciables à son indépendance. La gestion de l’UL a souvent été influencée par des tensions politiques, reflétant les divisions sectaires du pays. Néanmoins, et malgré toutes ces entraves, l’université continue d’assurer sa mission d’éducation publique, accueillant, chaque année, des dizaines de milliers d’étudiants.
Un budget en deçà des besoins réels de l’université
Le manque de financement est un des défis majeurs qui se sont exacerbés depuis la crise économique qui a frappé le pays en 2019. Fixé à 55 millions de dollars pour l’année 2024, le budget de l’UL ne suffit pas pour combler le besoin réel de l’institution estimé à 75 millions de dollars. Entre 2019 et 2023, les fonds alloués à l’UL sont passés de 240 millions de dollars à 26 millions de dollars. Pour combler cet écart, le ministère de l’Éducation a élaboré un plan nécessitant des moyens de financement dépendant des capacités du gouvernement et visant notamment à transformer l’UL en une université axée sur la production, plutôt que sur la recherche uniquement. Pour 2025, et selon le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, la part du budget octroyée à l’UL est estimée à 80 millions de dollars.
Enseignants contractuels et enseignants vacataires
Le dossier des enseignants contractuels rémunérés à l’heure et qui demandent à être reconnus comme vacataires à temps plein continue de faire l’objet d’une grande polémique. Lundi, le comité représentatif des professeurs contractuels de l’UL a annoncé «une grève générale et ouverte à partir du premier jour de l’année universitaire 2024-2025» jusqu’à ce que ses revendications soient enfin approuvées par le Conseil des ministres.
Or, ce dossier a été soumis, à plusieurs reprises, à l’ordre du jour du Conseil des ministres, en vain. Aujourd’hui, un nouveau projet soigneusement élaboré en concertation avec le recteur de l’université, Bassam Badran, attend toujours d’être présenté au gouvernement. Il concerne entre 1.200 et 1.250 professeurs, composés de 55% de musulmans et 45% de chrétiens. Il tient compte de cinq critères essentiels, comme l’avait précédemment affirmé le ministre sortant de l’Éducation: le besoin de l’université, la compétence des enseignants, leur expérience, leur ancienneté et l’équilibre confessionnel, a souligné le ministre sortant. Le gouvernement se résoudra-t-il à se pencher sur le dossier de l’UL dont la pérennité dépend largement de ses capacités à soutenir l’institution financièrement et administrativement?
Commentaires