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- Israël-Liban: entre guerre psychologique et préparation opérationnelle
©(ARCHIVES) Un hélicoptère israélien Apache patrouille au-dessus de la frontière libanaise près de la ville de Kiryat Shmona, le 12 octobre 2023. (Photo Jalaa MAREY / AFP)
Au pays du Cèdre, août 2024 fut particulièrement chaud. Pas seulement d’un point de vue météorologique, mais surtout du point de vue géopolitique.
Le double assassinat de Fouad Chokr, dans la banlieue-sud de Beyrouth, et d’Ismaïl Haniyé, à Téhéran, fit planer tout au long du mois la menace d’une guerre régionale. Avec le Liban comme l’un de ses champs de bataille – une fois n’est pas coutume.
Toutefois, les dernières semaines laissèrent entrevoir une accalmie. La riposte iranienne à la mort de Haniyé, tant crainte, se fait toujours attendre. Celle du Hezbollah à la frappe ayant tué son commandant militaire, le 25 août, fit figure de coup d’épée dans l’eau.
La plupart des experts prédirent alors un cantonnement des hostilités au Liban-Sud, doublé de frappes occasionnelles sur les positions de la formation pro-iranienne dans la Békaa.
Dans le reste du pays, même les bangs supersoniques finirent par disparaître du quotidien des Libanais. Tandis qu’en Israël, les divisions politiques semblaient prendre le dessus, jusqu’au sein du gouvernement.
Mais ce redoux fut de courte durée, la première quinzaine de septembre témoignant d’un regain des tensions. Nouvelle escalade à la frontière libano-israélienne, déclarations belliqueuses des responsables israéliens, retour du ballet diplomatique… ce mois-ci pourrait finalement s’avérer brûlant.
Offensive psychologique dans les mots…
Jeudi 5 septembre, le ministre israélien des Finances et figure d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, appelait au lancement d'une guerre de grande envergure contre le Liban. La guerre «ne doit cesser que lorsque le Hamas et le Hezbollah seront éliminés», affirmait-il lors d'une interview accordée à la radio israélienne.
Trois jours plus tard, dimanche 8, l'ancien membre du cabinet de guerre, Benny Gantz, estimait à Washington qu'il était temps pour Israël de s'occuper de la situation dans le nord du pays. Tandis qu’un haut responsable israélien annonçait, lors d’une interview sur la chaîne n°12, que «la campagne au Liban se rapproche» et ce, qu’un accord avec le Hamas soit signé ou non.
La semaine suivante, c’est le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lui-même qui, lors d'une réunion du cabinet de sécurité jeudi soir, déclarait se préparer «à une vaste campagne d'une intensité ou d'une autre». Tandis que son ministre de la Défense, Yoav Gallant, avertissait son homologue américain, Lloyd Austin, que la possibilité d'une solution diplomatique avec le Hezbollah «s'éloigne», selon un communiqué publié lundi par son bureau.
Enfin, à l'issue d'une réunion du cabinet de sécurité lundi soir, le bureau du Premier ministre entérinait cette position, en ajoutant «le retour en toute sécurité des habitants du nord dans leurs maisons» aux objectifs de guerre d'Israël existants.
…et dans les actes
Aux mots s’ajoutent, depuis, des actes visant le même objectif: harceler psychologiquement la population libanaise, entre résurgence encore timide des bangs supersoniques et multiplication des bombardements intensifs à la frontière.
Fait notable, une brigade israélienne a largué, par drone, des tracts sur plusieurs localités du Sud, enjoignant leurs habitants à évacuer la zone. Si l’unité en question semble avoir agi sans l’approbation du commandement, son opération a eu des répercussions concrètes au sein de l’opinion libanaise.
En parallèle, l’armée israélienne continue sa préparation à la frontière libano-israélienne. Depuis le début du mois, elle multiplie les exercices terrestres et aériens, simulant une opération terrestre au pays du Cèdre.
Cela inclut notamment des manœuvres impliquant des héliportages à l'intérieur de zones peuplées, simulant un scénario dans lequel Israël ferait face à des attaques au sein de ses propres agglomérations. Autrement dit, l’État hébreu se prépare à de potentielles infiltrations de l’unité Radwan en réaction à son offensive.
Une hypothèse d’autant plus prise au sérieux par le ministère israélien de la Défense. En effet, celui-ci a indiqué que des équipements et des armes ont été distribués à 97 «escadrons de sécurité civile» dans les communautés du nord d'Israël proches de la frontière libano-israélienne. Composées de volontaires, ceux-ci ont pour mission d’épauler localement les forces de sécurité.
«Fait accompli» diplomatique
Au niveau international, l’État hébreu semble accentuer ses efforts pour préparer ses plus proches alliés à l’éventualité d’une offensive terrestre.
Dimanche 8 septembre, le responsable du Commandement américain pour le Moyen-Orient (Centcom), le général Michael Kurilla, était en Israël pour discuter de la situation sécuritaire. L’occasion fut saisie par l’état-major israélien pour présenter à son invité «les plans opérationnels» pour le Liban, selon des informations publiées sur le compte X de l’armée israélienne.
Une éventualité qui semble néanmoins se transformer progressivement en préparation concrète. Lundi, M. Gallant déclarait à l'envoyé américain chargé des négociations pour le Liban, Amos Hochstein, que l’unique solution pour ramener chez eux en toute sécurité les résidents du nord d’Israël ne pouvait être atteinte que par la voie militaire.
La veille, c’est à son homologue américain, Lloyd Austin, qu’il assurait que la possibilité d'une solution diplomatique pour mettre fin aux affrontements entre Israël et le Hezbollah «s'éloigne».
Divisions au sein du cabinet israélien
Cette dernière sortie du ministre de la Défense a pourtant de quoi surprendre. En effet, celui-ci demeurait, jusqu’à présent, le principal détracteur d’une offensive en territoire libanais au sein du cabinet de sécurité.
Au cours des derniers jours, le fossé entre MM. Gallant et Netanyahou semblait même s’être accentué. Au point que le second envisageait sérieusement de remercier le premier, surtout en cas d’approbation d’une offensive selon plusieurs médias israéliens. Une information qui fut néanmoins démentie ultérieurement par un «responsable diplomatique», selon le média KAN News.
D’autant plus que cette divergence ne se résume pas au niveau gouvernemental, puisqu’elle existe aussi au sein même de l’état-major. Au général Ori Gordin, responsable du commandement régional du Nord du pays et partisan d’une offensive élargie, s’oppose le chef d’état-major, Herzli Halevi, qui partage les positions de M. Gallant.
Quoi qu’il en soit, il est important de préciser qu’il ne s’agit pas des premières menaces israéliennes de ce genre contre le pays du Cèdre. Jusqu’à présent, celles-ci ne se sont pas concrétisées par une extension significative du conflit – au-delà de bombardements localisés en profondeur et d’assassinats ciblés.
Il est donc possible que l’ensemble des déclarations et préparations côté israélien relève moins d’un prélude à un conflit majeur qu’à des formes de pressions exacerbées en vue d’une résolution avantageuse du conflit pour l’État hébreu. Et ce, tant à l’égard des alliés occidentaux que de la population libanaise.
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Le double assassinat de Fouad Chokr, dans la banlieue-sud de Beyrouth, et d’Ismaïl Haniyé, à Téhéran, fit planer tout au long du mois la menace d’une guerre régionale. Avec le Liban comme l’un de ses champs de bataille – une fois n’est pas coutume.
Toutefois, les dernières semaines laissèrent entrevoir une accalmie. La riposte iranienne à la mort de Haniyé, tant crainte, se fait toujours attendre. Celle du Hezbollah à la frappe ayant tué son commandant militaire, le 25 août, fit figure de coup d’épée dans l’eau.
La plupart des experts prédirent alors un cantonnement des hostilités au Liban-Sud, doublé de frappes occasionnelles sur les positions de la formation pro-iranienne dans la Békaa.
Dans le reste du pays, même les bangs supersoniques finirent par disparaître du quotidien des Libanais. Tandis qu’en Israël, les divisions politiques semblaient prendre le dessus, jusqu’au sein du gouvernement.
Mais ce redoux fut de courte durée, la première quinzaine de septembre témoignant d’un regain des tensions. Nouvelle escalade à la frontière libano-israélienne, déclarations belliqueuses des responsables israéliens, retour du ballet diplomatique… ce mois-ci pourrait finalement s’avérer brûlant.
Offensive psychologique dans les mots…
Jeudi 5 septembre, le ministre israélien des Finances et figure d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, appelait au lancement d'une guerre de grande envergure contre le Liban. La guerre «ne doit cesser que lorsque le Hamas et le Hezbollah seront éliminés», affirmait-il lors d'une interview accordée à la radio israélienne.
Trois jours plus tard, dimanche 8, l'ancien membre du cabinet de guerre, Benny Gantz, estimait à Washington qu'il était temps pour Israël de s'occuper de la situation dans le nord du pays. Tandis qu’un haut responsable israélien annonçait, lors d’une interview sur la chaîne n°12, que «la campagne au Liban se rapproche» et ce, qu’un accord avec le Hamas soit signé ou non.
La semaine suivante, c’est le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lui-même qui, lors d'une réunion du cabinet de sécurité jeudi soir, déclarait se préparer «à une vaste campagne d'une intensité ou d'une autre». Tandis que son ministre de la Défense, Yoav Gallant, avertissait son homologue américain, Lloyd Austin, que la possibilité d'une solution diplomatique avec le Hezbollah «s'éloigne», selon un communiqué publié lundi par son bureau.
Enfin, à l'issue d'une réunion du cabinet de sécurité lundi soir, le bureau du Premier ministre entérinait cette position, en ajoutant «le retour en toute sécurité des habitants du nord dans leurs maisons» aux objectifs de guerre d'Israël existants.
…et dans les actes
Aux mots s’ajoutent, depuis, des actes visant le même objectif: harceler psychologiquement la population libanaise, entre résurgence encore timide des bangs supersoniques et multiplication des bombardements intensifs à la frontière.
Fait notable, une brigade israélienne a largué, par drone, des tracts sur plusieurs localités du Sud, enjoignant leurs habitants à évacuer la zone. Si l’unité en question semble avoir agi sans l’approbation du commandement, son opération a eu des répercussions concrètes au sein de l’opinion libanaise.
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En parallèle, l’armée israélienne continue sa préparation à la frontière libano-israélienne. Depuis le début du mois, elle multiplie les exercices terrestres et aériens, simulant une opération terrestre au pays du Cèdre.
Cela inclut notamment des manœuvres impliquant des héliportages à l'intérieur de zones peuplées, simulant un scénario dans lequel Israël ferait face à des attaques au sein de ses propres agglomérations. Autrement dit, l’État hébreu se prépare à de potentielles infiltrations de l’unité Radwan en réaction à son offensive.
Une hypothèse d’autant plus prise au sérieux par le ministère israélien de la Défense. En effet, celui-ci a indiqué que des équipements et des armes ont été distribués à 97 «escadrons de sécurité civile» dans les communautés du nord d'Israël proches de la frontière libano-israélienne. Composées de volontaires, ceux-ci ont pour mission d’épauler localement les forces de sécurité.
«Fait accompli» diplomatique
Au niveau international, l’État hébreu semble accentuer ses efforts pour préparer ses plus proches alliés à l’éventualité d’une offensive terrestre.
Dimanche 8 septembre, le responsable du Commandement américain pour le Moyen-Orient (Centcom), le général Michael Kurilla, était en Israël pour discuter de la situation sécuritaire. L’occasion fut saisie par l’état-major israélien pour présenter à son invité «les plans opérationnels» pour le Liban, selon des informations publiées sur le compte X de l’armée israélienne.
Une éventualité qui semble néanmoins se transformer progressivement en préparation concrète. Lundi, M. Gallant déclarait à l'envoyé américain chargé des négociations pour le Liban, Amos Hochstein, que l’unique solution pour ramener chez eux en toute sécurité les résidents du nord d’Israël ne pouvait être atteinte que par la voie militaire.
La veille, c’est à son homologue américain, Lloyd Austin, qu’il assurait que la possibilité d'une solution diplomatique pour mettre fin aux affrontements entre Israël et le Hezbollah «s'éloigne».
Divisions au sein du cabinet israélien
Cette dernière sortie du ministre de la Défense a pourtant de quoi surprendre. En effet, celui-ci demeurait, jusqu’à présent, le principal détracteur d’une offensive en territoire libanais au sein du cabinet de sécurité.
Au cours des derniers jours, le fossé entre MM. Gallant et Netanyahou semblait même s’être accentué. Au point que le second envisageait sérieusement de remercier le premier, surtout en cas d’approbation d’une offensive selon plusieurs médias israéliens. Une information qui fut néanmoins démentie ultérieurement par un «responsable diplomatique», selon le média KAN News.
D’autant plus que cette divergence ne se résume pas au niveau gouvernemental, puisqu’elle existe aussi au sein même de l’état-major. Au général Ori Gordin, responsable du commandement régional du Nord du pays et partisan d’une offensive élargie, s’oppose le chef d’état-major, Herzli Halevi, qui partage les positions de M. Gallant.
Quoi qu’il en soit, il est important de préciser qu’il ne s’agit pas des premières menaces israéliennes de ce genre contre le pays du Cèdre. Jusqu’à présent, celles-ci ne se sont pas concrétisées par une extension significative du conflit – au-delà de bombardements localisés en profondeur et d’assassinats ciblés.
Il est donc possible que l’ensemble des déclarations et préparations côté israélien relève moins d’un prélude à un conflit majeur qu’à des formes de pressions exacerbées en vue d’une résolution avantageuse du conflit pour l’État hébreu. Et ce, tant à l’égard des alliés occidentaux que de la population libanaise.
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