Douze jours qui ont changé le Moyen-Orient
Les bombardiers furtifs B-2 Spirit, engagés dans les opérations militaires américaines en Iran, étaient déployés depuis la base aérienne de Whiteman. Le 22 juin, ils ont frappé trois sites nucléaires iraniens. ©Getty Images via AFP

En annonçant l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu, Donald Trump a sifflé la fin de la partie.

Il aura suffi de douze jours pour modifier totalement la géopolitique de la région.
Douze jours de guerre entre Israël et l’Iran, après des années d’affrontements de l’ombre, d’ultimatums tonitruants et de lignes rouges tacites.

Douze jours qui ont redessiné les équilibres stratégiques au Moyen-Orient et, paradoxalement, permis à tous les acteurs de prétendre sauver la face, notamment l’Iran, et ce, contre toute évidence.


Tout a commencé par la campagne israélienne de bombardements massifs et ininterrompus contre les infrastructures nucléaires, les sites balistiques, les zones militaires sensibles et les positions des Gardiens de la révolution. Des frappes méthodiques qui ont aussi permis d’éliminer une vingtaine de savants et d’ingénieurs liés au programme nucléaire iranien.
Téhéran, habitué à faire la guerre par procuration, a été piqué au cœur et a tenté de faire bonne figure en ripostant. Des salves de missiles et de drones, parfois massives, ont été tirées en direction d’Israël. L’immense majorité a été interceptée, mais certains projectiles ont traversé le Dôme de fer. Des victimes et des dégâts matériels ont été enregistrés à Tel-Aviv, à Haïfa… La guerre a donc bien eu lieu, même si elle a été contenue.

Puis sont arrivés les raids des B-2 américains chargés des méga-bombes GBU. Le message adressé aux Iraniens était clair: vous n’aurez pas la bombe.
Devant cette claque, les mollahs ne pouvaient pas rester passifs. Leur «riposte» de lundi soir a donc été cosmétique: une dernière frappe symbolique sur une base américaine au Qatar, sans faire de victimes. Comme un geste pour dire  «Nous avons réagi», sans déclencher un engrenage fatal. Ce qui aurait pu devenir une guerre régionale généralisée a été, en fin de compte, un affrontement limité mais décisif.
Cette «riposte» semble avoir acté la mise en retrait de l’aile dure du régime, adepte du «messianisme apocalyptique», au profit d’une branche «réaliste» dont l’objectif est limpide: sa propre survie.

Le résultat? Tout le monde revendique une forme de victoire.
Israël a atteint l’un de ses objectifs les plus stratégiques depuis des décennies: neutraliser, ou du moins retarder lourdement, le programme nucléaire iranien.
Les États-Unis ont démontré qu’ils étaient la seule superpuissance incontestée.
L’Iran, de son côté, n’a pas vu son régime tomber. Il a encaissé, réagi, proclamé qu’il avait rendu œil pour œil, et va désormais pouvoir négocier sans humiliation totale, du moins en apparence. Car dans la réalité, il s’agit d’une défaite complète.

Bientôt vont s’ouvrir les portes des négociations. Comme par enchantement, le ministre iranien des Affaires étrangères s’est rendu hier à Moscou. Poutine, toujours prompt à jouer les arbitres dans les crises déclenchées par d’autres, pourrait faciliter un nouvel accord. Celui-ci permettrait à l’Iran de conserver un programme nucléaire civil, mais avec un enrichissement réalisé à l’étranger, dans des installations sous contrôle. Pourquoi pas en Russie.

Mais la vraie question, celle qui reste ouverte, c’est celle de l’avenir du régime iranien. Certes, il a tenu. Mais il a aussi révélé ses failles, et vacille. Aucune ferveur populaire. Aucun élan national. Juste un peuple silencieux, épuisé.
Il faudra bien, tôt ou tard, rendre des comptes. À la population. À l’Histoire.
Les Iraniens, qui ont vu avec quelle facilité Israël a pu frapper où et quand bon lui semblait, sont désormais face à la déliquescence d’un régime totalitaire, faible à l’extérieur, mais brutal à l’intérieur. Il est probable qu’une partie du peuple, aujourd’hui incrédule, tente à nouveau de se soulever, dans l’espoir d’un soutien international un peu moins mou qu’à l’accoutumée.

Ce qui s’annonce aussi à présent, si le cessez-le-feu tient, ce n’est pas seulement la renégociation du nucléaire. C’est l’avenir même de l’architecture régionale iranienne qui est en jeu: le rôle des Houthis au Yémen, des milices chiites en Irak et, surtout, du Hezbollah. Au Liban, la milice pro-iranienne aura du mal à développer des prétextes fallacieux pour garder ses armes. À moins que son arsenal soit dirigé vers l’intérieur du pays. Et ça, ce sera tout une autre histoire.
Tous ces piliers de l’axe dit de la «résistance» seront mis sur la table. Et cette fois, peut-être, pour être démantelés.
On ne négociera pas seulement des centrifugeuses et des niveaux d’enrichissement, mais aussi les contours d’un empire de l’ombre que Téhéran bâtit depuis plus de trente ans. Ce pourrait bien être le début de la fin de l’interventionnisme iranien, qui a tant nui à quasiment tous les pays du Moyen-Orient.

L’arrogance des mollahs est peut-être enterrée sous les décombres de Fordo.

Et si le Moyen-Orient ne sera probablement jamais une région paisible, il vient de prouver qu’il peut parfois être rationnel. Même dans le fracas.

Winston Churchill a dit :
«Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le début de la fin. Mais c’est peut-être la fin du début.»
La route est longue. Allez! On s’accroche.

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