Du jamais vu… Un coup de Jarnac qui entrera sans doute dans l’histoire universelle des guerres et des opérations militaires spectaculaires soigneusement ciblées. L’attaque israélienne du 17 septembre a vraisemblablement mis en jeu des impulsions électromagnétiques visant les «pagers» (bipeurs) portés par tous les responsables et les combattants de premier rang du Hezbollah. L’explosion de milliers d’appareils quasi simultanée, dans toutes les régions (jusqu’en Syrie) où évoluaient les cadres de la formation pro-iranienne, a mis en évidence l’ampleur de l’opération. Celle-ci a fait, en quelques minutes, pas moins d’une dizaine de morts et plus de 4.000 blessés dans les rangs du Hezbollah, dont 400 dans un état grave, selon un premier bilan établi par le ministère de la Santé et qui pourrait s’aggraver dans les prochaines heures.
Le spectacle de désolation dans les rues et surtout dans les hôpitaux, totalement submergés de blessés, ont ravivé dans notre mémoire la tragédie du funeste 4 août, mais sans la dévastation dans les quartiers, les destructions massives et les victimes civiles. En se laissant aller en outre à une comparaison, certes, excessive, le drame de mardi fut également, toute proportion gardée et à notre petite échelle micro-libanaise, une sorte de «Pearl Harbour» pour le Hezbollah, sous l’angle du caractère totalement inattendu et spectaculaire de l’opération et de son impact psychologique sur l’appareil militaire et le directoire du parti.
Cette attaque du 17 septembre consacre solidement «l’autre dimension» qu’a fini par prendre la guerre que le Hezbollah a lancée, de manière unilatérale et foncièrement insensée, le 8 octobre dernier… Une «autre dimension» qui est celle de l’écrasante suprématie technologique israélienne et de l’efficacité stupéfiante des opérations parfaitement ciblées menées depuis plus de onze mois contre les cadres et les miliciens de la formation pro-iranienne grâce à l’Intelligence artificielle et à des moyens mystérieux hautement sophistiqués. Sans compter la guerre de l’ombre, tout aussi spectaculaire, qui a permis l’assassinat de hauts responsables du Hezbollah, dont notamment le principal chef militaire du parti, Fouad Chokr.
La portée stratégique de l’attaque du 17 septembre se situe en outre à d’autres niveaux. Elle a illustré et confirmé les informations rapportées par des médias occidentaux selon lesquels Israël s’est doté de moyens d’attaque mettant en jeu de redoutables systèmes électromagnétiques particulièrement dévastateurs. Un avant-goût a été vraisemblablement donné par le procédé utilisé en ce 17 septembre, qui serait basé précisément, à en croire certains experts, sur des impulsions électromagnétiques.
Au chapitre des effets immédiats, la gravité de l’attaque de mardi réside dans le fait qu’elle a visé de façon très précise et neutralisé en l’espace de quelques minutes non moins de 4.000 cadres moyens et supérieurs de la formation pro-iranienne ainsi que des miliciens du Hezbollah en charge des fronts méridionaux. Les milliers de bipeurs visés par l’attaque avaient, en effet, été distribués sans doute aux cadres importants et aux grands combattants, de sorte que l’opération a porté, d’une part, un coup dur à l’épine dorsale de l’appareil militaire du parti, et, d’autre part, aura pour effet, à court terme, d’ébranler sérieusement la confiance dans le système de communication de la milice.
En un très court laps de temps, et sans même s’engager dans des combats, l’armée israélienne a ainsi fait subir au Hezbollah de lourdes pertes, sans avoir à se livrer à des bombardements aveugles et meurtriers provoquant de nombreuses pertes en vies humaines au sein de la population civile, comme c’est le cas, quotidiennement, à Gaza.
Il reste que la grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment le parti chiite réagira à l’attaque. Les milieux proches du pouvoir israélien soulignent sur ce plan qu’ils s‘attendent à une vaste offensive du Hezbollah contre Israël. N’est-ce pas là le piège dans lequel l’État hébreu voudrait entraîner l’allié des mollahs iraniens pour justifier une escalade dans la guerre à la frontière avec le Liban, afin de régler manu militari le problème de ses 80.000 déplacés du Nord?
Le gouvernement de Benjamin Netanyahou fait visiblement la sourde oreille aux conseils de prudence de Washington. Durant la courte période qui nous sépare de la mise en place de la nouvelle administration américaine, en janvier 2025, M. Netanyahou optera-t-il pour «l’autre dimension» (technologique) du conflit avec le camp iranien, à l’instar de l’attaque du 17 septembre, ou se lancera-t-il dans une opération terrestre en occupant une partie du Sud afin d’imposer une zone tampon susceptible de sécuriser sa frontière nord? Paradoxalement, ce second cas de figure constituerait la solution idéale pour le Hezbollah. Elle lui permettrait de relancer des opérations de guérilla et de reconquérir de ce fait une légitimité, depuis longtemps perdue, en jouant à nouveau la carte de la «résistance», laquelle représente pour lui son fonds de commerce et sa raison d’être, fût-elle stérile.
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