Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 marquent la fin de l’ère post-communiste, l’éclipse du telos de la «fin de l’histoire», le retour à la scène du chaos originel, le retour en force des révisionnismes idéologiques qui remettent en cause les dynamiques de démocratisation en cours et la fonction structurante des institutions internationales, ainsi que l’arbitrage des conflits. Ce qui, en d’autres termes, explique l’ascension des idéologies fondamentalistes dans l’aire islamique, la pugnacité des revanchismes nationalistes, la montée des radicalismes idéologiques principalement inspirés par le wokisme, les dérives nihilistes d’une gauche marxiste discréditée et sans récit, l’essentialisation des conflits et la remise en question des principes universalistes de la démocratie libérale et de ses institutions.
Les radicalismes islamistes ont perdu la gageure du terrorisme global, des dystopies totalitaires représentées par le régime iranien et l’État islamique créé par DAECH et de la dissémination du régime des extraterritorialités juridiques et normatives au cœur des démocraties occidentales. Néanmoins, les démocraties occidentales n’ont pas fini avec le terreau idéologique dont se nourrissent les mouvances du terrorisme islamiste et dont les effets ont été décuplés par la résurgence des nihilismes incarnés par la nouvelle gauche woke, la dérégulation des autoroutes informatiques, l’effondrement des régimes d’encadrement de la vie internationale, la prolifération des migrations induites par les conflits politiques et les crises endémiques de l’économie et de l’environnement.
L’islam sert, en quelque sorte, de métalangage qui structure les apories des sociétés islamiques en proie à des conflits existentiels de tout ordre. La nouvelle stratégie des islamismes militants cherche à étendre ses extraterritorialités normatives et juridiques en s’associant à la gauche radicale dans un commun combat contre l’État de droit, la Charte universelle des droits humanitaires et le socle anthropologique et civilisationnel qui leur sert d’étayage. L’ordre politique démocratique est visé dans sa raison d’être au profit d’une stratégie de subversion totalitaire qui en conteste la légitimité. Nous faisons face à des défis identiques à ceux de l’ère communiste retranscrits en termes empruntés à la doxa islamiste et ses sources scripturaires.
Les conflits mondiaux en cours illustrés par ceux de l’Ukraine, de Gaza et du Liban, du Soudan et du Venezuela se déploient sur un continuum aussi stratégique qu’idéologique qui rend compte de leurs dynamiques endogènes et coalescentes. Le conflit ukrainien s’inscrit dans l’imaginaire conflictuel d’une Russie post-communiste qui n’a pas réussi, trente-quatre ans après la chute de l’empire soviétique, à se reconstruire sur la base d’un schéma intégré d’État de droit, d’une économie de marché normalisée et d’une approche désidéologisée, décomplexée et fonctionnelle des enjeux internationaux (Otan, UE, rapports avec les anciens pays satellisés, etc.) Les legs absolutistes du tsarisme et du communisme, les rapports de vassalité avec les pays colonisés et ceux de la sphère idéologique, l’absence d’une civilité démocratique pour régir les rapports politiques, la culture de la violence et du cynisme institutionnalisé, et la normalisation de l’ensauvagement à tous les niveaux, ont été reconduits sous la forme d’une autocratie mafieuse faisant fi de toutes considérations démocratiques et éthiques.
Les conflits avec l’Ukraine (2014, 2021), la Géorgie (2008), la CEE, l’Otan et les États-Unis sont loin d’être des atteintes délibérées à la souveraineté de la Russie, des menaces stratégiques à sa sécurité nationale ou de mépris à son endroit. Le véritable enjeu est celui d’une politique de revanche en vue de réhabiliter la stature impériale perdue à cause des échecs systémiques d’un régime totalitaire qui s’est épuisé de l’intérieur. L’externalisation du blâme en direction des démocraties occidentales n’est qu’une stratégie de diversion, alors que les véritables menaces sont à repérer du côté de la Chine et des républiques islamiques de l’Asie centrale.
Les scotomes d’un dictateur psychopathe ne peuvent que répercuter les échecs de la transition post-soviétique en Russie et les réflexes d’un totalitarisme agonisant qui n’a d’autre recours que de compromettre la sécurité des démocraties libérales et d’en exploiter les failles. C’est sur ce même axe que s’articulent les dynamiques destructrices des dictatures latino-américaines de gauche (Venezuela, Cuba, Nicaragua, etc.) qui recyclent la doxa marxiste décharnée et qui n’ont plus rien à offrir que des friches de criminalité organisée et de terrorisme d’État comme substituts fonctionnels à l’État de droit.
Le régime islamique iranien est une des variantes de la transition post-communiste qui s’est greffée sur un schéma de bipolarité conflictuelle (Orient-Occident) qui reproduit les impasses du totalitarisme contemporain, sa culture politique opérationnelle (power technology) et les délires d’un imaginaire islamique qui se positionne de manière agonistique vis-à-vis d’un Occident qui est à la source de tous les maux (Gharbzadegi, les toxines occidentales). C’est sur la base de cette trame et de ses conjugaisons plurielles que la politique de répression interne et d’expansionnisme externe s’organise, la stratégie à double détente de l’agonisante révolution iranienne.
La stratégie de déstabilisation de la révolution iranienne se ressource dans une dystopie meurtrière et son double, une stratégie de conquête qui se sert des communautés chiites arabophones comme leviers de troubles civils et de mainmise progressive sur les États (Yémen, Irak, Syrie, Liban, Gaza, Territoires palestiniens, Bahreïn, Koweït, etc.) Il est inconcevable de démêler cet écheveau inextricable de conflits à moins de séparer les enjeux, de contenir et défaire les politiques de subversion et d’engager les procès de stabilisation géopolitique et de réformes structurelles dans des sociétés pâtissant de dislocations multiples.
Les entreprises de déstabilisation montées conjointement et de manière élective entre ces acteurs se situent sur un continuum idéologique et stratégique qu’il faudrait patiemment déconstruire et détruire moyennant des politiques d’endiguement, des sanctions économiques, des alliances militaires et un appui résolu aux oppositions de l’intérieur dans ces pays où les sociétés civiles, embryonnaires ou élaborées, doivent être soutenues en vue de paver la voie à des choix de transition démocratique, de paix négociée et de reconstruction des matrices de l’État de droit comme garant ultime des droits humanitaires.
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