Les sudistes demeurés dans les villages frontaliers, abandonnés à leur sort
©Photo by Rabih DAHER / AFP

 
À la suite de l'escalade du 23 septembre, de nombreux habitants du sud n'ont pas pu quitter leurs villages, tandis que d'autres ont craint une route devenue trop dangereuse.

La situation au Liban n’est plus la même après la journée du 23 septembre, qui a connu une escalade significative en termes de plusieurs frappes israéliennes et d’étendue géographique des raids. Même pour les habitants du sud qui côtoient les échanges de tirs depuis l’ouverture du front entre le Hezbollah et Israël le 8 octobre dernier, la donne a changé.
Le président du conseil municipal de Rmeich, Milad Alam, confie à Ici Beyrouth que les habitants des villages frontaliers de Rmeich, Debel et Aïn Ebel sont à présent «isolés», en raison du blocage des routes dû à l’intensification des bombardements.
L’accès difficile à ces localités a occasionné une pénurie de matières de base, telles que les produits alimentaires et le carburant, selon M. Alam.
«Nous essayons de subvenir aux besoins en déterminant des priorités, explique-t-il. Aujourd’hui, nous avons réussi à acheminer un stock de farine de Beyrouth jusqu’à Rmeich, en coopération avec l’armée libanaise, qui nous a accompagnés jusqu’à Tyr, à l’allée et au retour. Ce stock devrait nous servir pendant 20 à 25 jours.»
«La société Medco nous a également livré 5.000 litres de mazout, ce qui a permis de remettre en fonctionnement la boulangerie du village», poursuit-il.
Dans ce cadre, M. Alam a lancé un appel au gouvernement libanais et à l’armée libanaise afin de mettre en place des actions pour venir en aide aux familles qui sont restées dans leurs villages au Liban-Sud.
«Les parties concernées devraient œuvrer à établir des stratégies d’évacuation, installer des hôpitaux de campagne, soutenir les hôpitaux, mettre en place des dispensaires dans les villages et acheminer des médicaments», précise-t-il.
M. Alam affirme sa disposition à «coopérer avec les forces de sécurité, l’armée et la Finul afin d’acheminer les matières de première nécessité, de manière sécurisée, vers ces trois villages».
«La situation actuelle est déplorable», ajoute-t-il. «Après 11 mois de guerre et d’arrêt de travail, les familles ont dépensé toutes leurs épargnes, d’autant que, dans ces régions rurales, les travailleurs sont payés de façon journalière.»
Cependant, l’option de l’exode, très coûteuse, ne se pose pas pour les habitants de Rmeich qui ont choisi de ne pas quitter leur village et leur terre.
«Nos familles n’ont pas les capacités financières pour mener une vie à Beyrouth et assurer l’éducation de leurs enfants dans la capitale», avance-t-il.
Par ailleurs, M. Alam a déploré le manque de coopération des ONG, qui, d’après lui, ont uniquement soutenu les déplacés syriens, ignorant les besoins des habitants locaux.
«Nous avons essayé, en vain, de joindre la cellule d’urgence créée par le gouvernement libanais. Personne ne répond à nos appels», indique-t-il.
Face à cette impasse, M. Alam lance «un appel aux organisations internationales et aux États amis du Liban, en particulier l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis, pour soutenir une fois de plus le peuple libanais, partant d’un motif humanitaire et mettant de côté le versant politique».
La communauté chrétienne résiste toujours

De son côté, le père Georges Amil, curé de la paroisse Notre-Dame à Aïn Ebel, rapporte à Ici Beyrouth le rôle que joue l’Église à l’égard de ces trois villages chrétiens, Rmeich, Debel et Aïn Ebel.
«Les projets de soutien sont gérés par l'archevêché de Tyr, en collaboration avec les associations», avance-t-il. «Depuis plus d'un mois, la dernière aide alimentaire est parvenue dans nos villages et a été distribuée aux habitants. Mais pour le moment, les efforts de l'Église se concentrent plutôt sur les personnes qui ont dû se déplacer vers Beyrouth, afin de leur assurer un logement.»
Pour ce qui est des familles restées au village, «nous attendons les nouvelles initiatives qui pourraient être proposées par l’archevêché, d’autant que la dernière escalade a été très rapide», indique-t-il.
Le père Amil a réitéré la situation d’isolement qui menace ces régions difficilement accessibles en raison de l’intensification des échanges de tirs.
«Nous gardons l’espoir que l’armée libanaise réussisse à rétablir un accès sécurisé car nos paroisses n’ont pas les ressources nécessaires pour subvenir aux besoins croissants», déclare-t-il.
Il n’en reste pas moins que la nonciature apostolique au Liban constitue «une importante source de soutien importante» pour les chrétiens de la région, selon le Père Amil.
«Outre les aides livrées par l’intermédiaire de la nonciature, la présence du nonce apostolique, Mgr Paolo Borgia, a grandement contribué à ancrer les habitants dans leurs villages et leur a inspiré confiance et sécurité. Il a notamment visité Rmeich, Debel et Aïn Ebel à trois reprises depuis le début de la guerre», affirme le curé.
«Notre présence dans ces trois villages est une preuve du soutien de l’Église. Il semble qu’il y ait une recommandation tacite pour préserver ces villages, qui demeurent, pour le moment, à l’écart des échanges directs de tirs», révèle-t-il.
Du côté de Marjayoun
Durant la journée du 23 septembre, l’escalade s’est fait sentir à Marjayoun pour la première fois. Les bombardements israéliens ont commencé à s’en rapprocher.
«Jusque-là, la région de Marjayoun a constitué un refuge pour les habitants des villages avoisinants, raconte Rima, qui n’a pas quitté son village depuis le début de la guerre. Mais lundi, la situation a radicalement changé.»
«Les parents paniqués ont récupéré leurs enfants qui étaient à l’école», poursuit-elle.
«La maison de mon frère a été endommagée à cause du ciblage d’une habitation avoisinante, raconte-t-elle. La nuit de lundi était particulièrement violente, d’autant qu’une maison abritant des missiles a été ciblée près de Marjayoun. Les armes ont continué à exploser toute la nuit.»
Depuis, la famille de Rima a décidé de louer une maison à Hasbaya «où il devient difficile de trouver un logement, en raison des déplacements massifs des régions nouvellement bombardées».
Beaucoup de familles qui s’étaient réfugiées dans les alentours de Marjayoun, fuyant leurs villages ciblés, ont été contraints de se déplacer à nouveau, selon elle.
«Les boutiques ferment vers 14h et l’approvisionnement en produits alimentaires commence à faiblir en raison des nouveaux bombardements, rendant l’accès à la région devenant plus difficile», explique-t-elle. «Les habitants de Marjayoun tiennent bon tant bien que mal, mais cherchent des issues au cas où la situation s’aggraverait davantage.»
Quant à la présence du Hezbollah à proximité des zones résidentielles, elle demeure la cause principale de la peur des habitants.
«En général, les membres du Hezb se cachent surtout dans les zones forestières, les champs ou les vergers ainsi que dans les villages désertés», confie Rima. «Mais parfois, il est difficile de prévoir dans quels endroits ils pourraient se réfugier ou par quel moyen de transport ils pourraient se déplacer. Il nous est arrivé de les apercevoir, parfois stationnés sous un arbre, sur la route principale, ce qui installe en nous une peur permanente», conclut-elle.
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