Que se passe-t-il à la bourse de Beyrouth ?
Les raisons de l’attrait d’un placement en bourse dans la conjoncture de la crise libanaise sont simples. Les acheteurs d’actions cherchent à fuir la dévaluation de leur argent et à éviter toute forme de haircut sur leurs dépôts bancaires.
L’indice des prix de la bourse de Beyrouth a enregistré une hausse de 43% au cours des neuf premiers mois de 2021, principalement grâce à l’amélioration des prix des actions A et B de Solidere, qui ont augmenté respectivement de 59,5% et 56% sur la même période. La valeur des transactions a augmenté de 59%, passant de 185 millions de dollars pour les neuf premiers mois de 2020 à 295 millions de dollars pour la période correspondante de 2021. Solidere a accaparé la part du lion avec 90% du total de l’activité boursière entre janvier et septembre 2021. Quant au stock des actions bancaires, la moyenne de la performance de leur indice de leur cours a tourné autour de 18,1% entre fin décembre 2020 et fin septembre 2021.

Un phénomène prévisible.
« L’embellie que connait la bourse de Beyrouth est tirée du scénario classique des pays dont la monnaie nationale est en dépréciation », déclare M. Fadi Khalaf, ancien président de la bourse de Beyrouth, qui donne l’exemple de la bourse d’Egypte qui a profité d’une hausse de 300% entre 2016 et 2018 pendant la crise monétaire qui a secoué le pays du Nil. « Mais, fait-il remarquer, la bourse d’Egypte était préparée à accueillir les transferts des dépôts locaux et des investissements étrangers. Ce qui n’est pas le cas pour la bourse de Beyrouth. » La bourse de Beyrouth se serait mieux comporter si elle présentait plus de profondeur et était davantage liquide. En 2019, au début de la crise monétaire au Liban, la capitalisation de la bourse de Beyrouth représentait moins de 10% des dépôts bancaires libellés en dollars d’un montant de 170 milliards de dollars. De plus, la bourse de Beyrouth souffre d’un choix limité d’entreprises dont les actions sont cotées. Ce qui rend l’opération de réallocation des fonds bloqués dans les banques plus problématique pour l’investisseur. Jusqu’à nouvel ordre, seules vingt-trois entreprises sont listées sur la bourse de Beyrouth.
En réponse à une question, M. Fadi Khalaf souligne que le ratio price-to-book (PNB) est un ratio à utiliser avec précaution, y recourir dans le cas du Liban est aléatoire. «Tant que la répartition des pertes entre l’Etat, les banquiers et les déposants n’est pas définie, l’évaluation de la qualité des actifs des banques sera imprécise. D’où la précarité d’une estimation du cours d’une action bancaire rapporté à sa valeur comptable.»


Les prix des actions encore faibles
Une source de Fidus n’écarte pas l’hypothèse d’un gain de prix des actions boursières au vu de la conjoncture qui prévaut dans le pays. Selon celle-ci, les placements dans la bourse sont dus à l’incidence du taux élevé d’escompte appliqué aux chèques bancaires libellés en dollars libanais ou dollars bancaires, un taux qui tourne aujourd’hui autour de 17%. Maintenir ses dépôts à la banque ou les placer à la bourse de Beyrouth ? Tout dépend de la psychologie de l’opérateur libanais en termes de gestion spéculative de son portefeuille et de sa valorisation de sa prime de risque. « Les prix des actions des secteurs bancaire et de l’immobilier cotées à la bourse de Beyrouth sont encore faibles malgré l’éclaircie récente. L’échange des actions est effectué en dollars libanais et l’appréciation est donc relative », fait remarquer la source susmentionnée. Ceci dit, l’action de la Société Libanaise pour le Développement et la Reconstruction du Centre-ville de Beyrouth, Solidere, détient un patrimoine immobilier important. Elle a notamment des participations dans Solidere International et Zaytouna Bay. Elle est propriétaire de milliers de mètres carrés au centre-ville de Beyrouth. Depuis 2019, elle a effacé ses dettes, enregistré des gains quoique relativement timides, et a procédé à une restructuration supprimant une centaine d’emplois. « Tout porte à croire à une anticipation évolutive du prix de ses actions, si l’on prend en compte le fait que le Libanais considère le secteur immobilier comme une valeur refuge », déclare un autre expert des marchés. Les cours de ses actions A et B se sont envolés depuis début 2020, s’échangeant aujourd’hui plus ou moins autour de 30$.

Un cadre de développement économique
Déjà en 2001, un haut fonctionnaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) en visite au Liban avait attiré l’attention des responsables à l’époque sur le fait que l’économie libanaise opérait sur une seule roue en l’absence d’une roue de secours. Ce qui aujourd’hui signifierait entre autres un développement de la bourse de Beyrouth comme cadre d’action pour le développement du cycle économique du Liban. Rectifier le tir est toujours possible dans la mesure où il n’est jamais trop tard pour bien faire.

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