Aux États-Unis, la présidence de Donald Trump (2016-2020) a été marquée par ses fréquentes remarques agressives sur les migrants, ainsi que par ses politiques migratoires restrictives. En 2018, il avait notamment mis en place une politique de séparation des familles de migrants, dans le cadre d’une opération « tolérance zéro » face à l’immigration irrégulière. Il avait en outre réduit le plafond du nombre de personnes pouvant demander l’asile aux États-Unis à 15 000 cas, contre 85 000 lors de la dernière année de la présidence de Barack Obama (2008-2016). Il avait enfin instauré les Protocoles de protection des migrants (MPP dans son acronyme anglo-saxon) à partir de 2019. Ce programme a renvoyé près de 70 000 demandeurs d’asile à la frontière-nord du Mexique, le temps de la résolution de leur cas par les juges américains. Le processus s’est prolongé des mois, voire des années, souvent dans des villes mexicaines où les refuges sont saturés, et les narcotrafiquants à l'affût de personnes vulnérables à extorquer.
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Violence généralisée
L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier 2021 a suscité l'espoir sur base de ses promesses de campagne qui consistaient à suspendre les politiques instaurées par son prédécesseur, ainsi qu'à restaurer le système d’asile américain. Il a également proposé une solution régionale, grâce à un « Plan Marshall » de 4 milliards de dollars, pour s’attaquer aux racines de l’immigration illégale depuis la région connue sous le nom de « Triangle-Nord » de l’Amérique centrale (composé du Salvador, du Honduras et du Guatemala). Cette région, longtemps sous le contrôle et l’influence des États-Unis tout le long du XXe siècle, est sortie exsangue des conflits régionaux liés à la guerre froide. La guerre civile salvadorienne (1979-1992) s’est soldée par la mort de 75 000 personnes et un quart des habitants du pays avait émigré aux États-Unis.
Au Guatemala, trente années de dictature militaire (1966-1996) ont provoqué la mort de 200 000 personnes provenant en majorité des peuples mayas. Un quart de siècle plus tard, la corruption, le maintien des élites, la pauvreté, la militarisation, la violence des gangs (connus sous le nom de « maras »), le narcotrafic et les défis environnementaux liés à l’extractivisme (l’exploitation des ressources naturelles) ont constitué des sources de violences qui contraignent des centaines de milliers de Centraméricains à l’exil.
Pourtant, reprenant l’expression de David Scott Fitzgerald, chercheur à l’Université de Californie à San Diego et auteur de _Refugees Beyond Reach_ (non traduit en français), la politique migratoire des USA, comme celle d’autres pays du Grand Nord (Canada, Union européenne, Australie), est celle d'un « contrôle à distance de ses frontières ». Sonja Wolf, professeure-chercheuse au Centro de Investigación y Docencia Económica Región Centro, au Mexique, partage cette analyse selon laquelle les pays d’arrivée veulent freiner l’arrivée des migrants : « Il existe donc une externalisation des frontières (...) Il y a chaque fois plus de contrôles migratoires à l’intérieur des États-Unis, mais aussi au Mexique. C’est ce qu’on appelle la frontière verticale. Tout le Mexique est devenu une frontière ».
De fait, en parcourant la route empruntée par ceux qui fuient la violence, depuis l’Amérique centrale jusqu’en Arizona aux États-Unis, nous avons constaté tout au long du chemin les effets de la stratégie US visant à bloquer l’immigration irrégulière chaque fois plus au sud de la région, convertissant au passage le Mexique en un État tampon.
Le message aux migrants
Dans ce cadre, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a adressé lors de sa visite au Guatemala en juin dernier un message clair aux migrants d’Amérique centrale : « Do not come » (Ne venez pas). Six mois après son entrée en fonction, l’administration de Joe Biden a ainsi annoncé que la frontière ne sera pas ouverte aux centaines de milliers de personnes fuyant la violence dans la région.
En réalité, ce discours s’inscrit dans le prolongement d’un projet déjà amorcé avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016. « Ce que le président Biden souhaite faire est, dans une grande mesure, dans le sillage de ce qu’Obama voulait faire », rappelle Sonja Wolf.
Loin d’une opposition franche entre démocrates et républicains, la différence entre les deux partis traditionnels concernant la politique migratoire n’est guère que rhétorique. Et pour cause : la hausse exponentielle de déportations de migrants, par exemple, avait commencé sous le mandat de Barack Obama, avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2017.
Le prochain article emmènera le lecteur au Honduras, principal pays d’où partent les migrants fuyant l’Amérique centrale, pour comprendre les racines de la violence dans cette région. Nous évoquerons de même le premier volet de la stratégie de blocage opérée par les États-Unis à travers les autorités mexicaines : la militarisation de la frontière entre le Mexique et le Guatemala.
(1) Ce voyage a été effectué par l’auteur pour le compte du Centro de Investigación y Docencia Económica au Mexique, dans le cadre de la réalisation du documentaire *The Vertical Border*, dirigé par Sonja Wolf, professeur chercheuse au sein de cette institution.
*Prochain article: Jihadistes en sandales ou terroristes internationaux, qui sont les Talibans ?
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Violence généralisée
L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier 2021 a suscité l'espoir sur base de ses promesses de campagne qui consistaient à suspendre les politiques instaurées par son prédécesseur, ainsi qu'à restaurer le système d’asile américain. Il a également proposé une solution régionale, grâce à un « Plan Marshall » de 4 milliards de dollars, pour s’attaquer aux racines de l’immigration illégale depuis la région connue sous le nom de « Triangle-Nord » de l’Amérique centrale (composé du Salvador, du Honduras et du Guatemala). Cette région, longtemps sous le contrôle et l’influence des États-Unis tout le long du XXe siècle, est sortie exsangue des conflits régionaux liés à la guerre froide. La guerre civile salvadorienne (1979-1992) s’est soldée par la mort de 75 000 personnes et un quart des habitants du pays avait émigré aux États-Unis.
Au Guatemala, trente années de dictature militaire (1966-1996) ont provoqué la mort de 200 000 personnes provenant en majorité des peuples mayas. Un quart de siècle plus tard, la corruption, le maintien des élites, la pauvreté, la militarisation, la violence des gangs (connus sous le nom de « maras »), le narcotrafic et les défis environnementaux liés à l’extractivisme (l’exploitation des ressources naturelles) ont constitué des sources de violences qui contraignent des centaines de milliers de Centraméricains à l’exil.
Pourtant, reprenant l’expression de David Scott Fitzgerald, chercheur à l’Université de Californie à San Diego et auteur de _Refugees Beyond Reach_ (non traduit en français), la politique migratoire des USA, comme celle d’autres pays du Grand Nord (Canada, Union européenne, Australie), est celle d'un « contrôle à distance de ses frontières ». Sonja Wolf, professeure-chercheuse au Centro de Investigación y Docencia Económica Región Centro, au Mexique, partage cette analyse selon laquelle les pays d’arrivée veulent freiner l’arrivée des migrants : « Il existe donc une externalisation des frontières (...) Il y a chaque fois plus de contrôles migratoires à l’intérieur des États-Unis, mais aussi au Mexique. C’est ce qu’on appelle la frontière verticale. Tout le Mexique est devenu une frontière ».
De fait, en parcourant la route empruntée par ceux qui fuient la violence, depuis l’Amérique centrale jusqu’en Arizona aux États-Unis, nous avons constaté tout au long du chemin les effets de la stratégie US visant à bloquer l’immigration irrégulière chaque fois plus au sud de la région, convertissant au passage le Mexique en un État tampon.
Le message aux migrants
Dans ce cadre, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a adressé lors de sa visite au Guatemala en juin dernier un message clair aux migrants d’Amérique centrale : « Do not come » (Ne venez pas). Six mois après son entrée en fonction, l’administration de Joe Biden a ainsi annoncé que la frontière ne sera pas ouverte aux centaines de milliers de personnes fuyant la violence dans la région.
En réalité, ce discours s’inscrit dans le prolongement d’un projet déjà amorcé avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016. « Ce que le président Biden souhaite faire est, dans une grande mesure, dans le sillage de ce qu’Obama voulait faire », rappelle Sonja Wolf.
Loin d’une opposition franche entre démocrates et républicains, la différence entre les deux partis traditionnels concernant la politique migratoire n’est guère que rhétorique. Et pour cause : la hausse exponentielle de déportations de migrants, par exemple, avait commencé sous le mandat de Barack Obama, avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2017.
Le prochain article emmènera le lecteur au Honduras, principal pays d’où partent les migrants fuyant l’Amérique centrale, pour comprendre les racines de la violence dans cette région. Nous évoquerons de même le premier volet de la stratégie de blocage opérée par les États-Unis à travers les autorités mexicaines : la militarisation de la frontière entre le Mexique et le Guatemala.
(1) Ce voyage a été effectué par l’auteur pour le compte du Centro de Investigación y Docencia Económica au Mexique, dans le cadre de la réalisation du documentaire *The Vertical Border*, dirigé par Sonja Wolf, professeur chercheuse au sein de cette institution.
*Prochain article: Jihadistes en sandales ou terroristes internationaux, qui sont les Talibans ?
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