Les services de renseignement français ont récemment connu un remaniement, avec le limogeage du général Vidaud, auparavant à la tête de la Direction des Renseignements Militaires (DRM). Une série de développements internationaux non anticipés lui sont imputés, tels que la guerre en Ukraine, le coup d'État au Mali, ou encore le revirement australien sur le contrat des sous-marins français. Une crise qui met en lumière des rivalités persistantes entre les services, mais aussi une concentration des moyens sur la lutte anti-terrorisme, au détriment des autres secteurs du renseignement.
Le timing pouvait difficilement être pire. Le limogeage la semaine dernière du patron du renseignement militaire français provoque des remous, dans un service agacé d'être pointé du doigt comme dans l'ensemble de la communauté des espions. Voir le patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) partir au bout de sept mois à peine - et à dix jours du premier tour de la présidentielle - n'a pas manqué de surprendre.
"La DRM a commencé à s’engager dans une réforme majeure (...) J’ai estimé que le général Vidaud n’était pas le mieux placé pour l'assurer", a déclaré à l'AFP le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. "Pour des raisons administratives, il a souhaité anticiper son départ du service actif. J’ai accepté sa décision".
Depuis les années 2000, les différentes officines ont appris à travailler ensemble et le renseignement est devenu une authentique politique publique. Mais les cultures restent différentes, les moyens asymétriques. Et la lumière que prend la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) agace parfois du côté de la DRM.
"Ca va laisser des traces. Il va falloir éclaircir le rôle de chacun", ajoute l'ex-haut responsable. "Il n'est pas normal que la DRM porte le chapeau. Ce qui se passe dans la tête des généraux et l'état de l’armée russe, c’est la DRM. Ce qui se passe dans la tête de Poutine, c’est la DGSE".
La crise ukrainienne révèle les failles du renseignement français
À l'évidence, la question ukrainienne a pesé.
"Je ne sais pas si on peut dire que la DRM s’est trompée", tempère une source à l'état-major des armées. "L’analyse qui a été de dire que le coût politique, humain et financier serait exorbitant pour la Russie s'est révélée exacte. Nous pensions que les Russes n’iraient pas (...) mais ils y sont quand même allés".
D'autres ont pensé la même chose. Les Israéliens avaient eux-mêmes écarté l'hypothèse d'une invasion. Et les Anglo-saxons, qui en étaient convaincus, assuraient que Kiev tomberait en trois jours, souligne Nathan Sales, expert au Soufan Group, une société de consultance basée à New York. "Le renseignement est une science imparfaite", fait-il valoir, jugeant les services français "exceptionnellement capables".
Michael Shurkin, un ancien de la CIA et très bon connaisseur des armées françaises, refuse lui aussi d'accabler l'espionnage tricolore. "Il est aussi possible qu'ils aient fait remonter ce qu'ils savaient, mais que l'information ait été mal interprétée ou que les politiques (aient conservé) leurs idées préconçues".
Dans l'exécutif, la gêne est perceptible. Si le renseignement français a fait sa mue depuis 50 ans, si les Unes des journaux n'évoquent plus ses bavures, si les espions ne sont plus considérés comme des voyous, "ça tombe très mal", admet une source proche du dossier.
Une stratégie à revoir
A l'issue des élections présidentielle et législatives, un nouveau ministre des Armées sera nommé. Le patron de la DGSE, Bernard Emié, pourrait passer le flambeau après un mandat de cinq ans. Les deux plus gros services extérieurs seront donc dirigés par de nouvelles personnalités.
"Je suis sidéré" par ce limogeage, commente un ancien espion passé au privé. "La communauté du renseignement soutient la DRM. C'est un mauvais message envoyé à la communauté et aux militaires" alors que "la guerre est à nos portes (et que) l’élection arrive".
Et de s'agacer à son tour des reproches tombés sur les services ces derniers mois, après diverses crises non anticipées (Ukraine, coups d'État au Mali et au Burkina Faso, revirement australien sur le contrat des sous-marins nucléaires français).
Il rappelle que les agences surveillent ce que les politiques leur demandent de surveiller. Et que la focale a été mise pendant 20 ans sur la lutte anti-terroriste, affaiblissant d'autres thématiques. "Le contre-terrorisme a pris le pouvoir en 200. Depuis, tous les budgets, tous les mecs brillants, y sont partis", assure l'ancien espion. "On paie cette erreur aujourd'hui".
Avec AFP
Le timing pouvait difficilement être pire. Le limogeage la semaine dernière du patron du renseignement militaire français provoque des remous, dans un service agacé d'être pointé du doigt comme dans l'ensemble de la communauté des espions. Voir le patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) partir au bout de sept mois à peine - et à dix jours du premier tour de la présidentielle - n'a pas manqué de surprendre.
"La DRM a commencé à s’engager dans une réforme majeure (...) J’ai estimé que le général Vidaud n’était pas le mieux placé pour l'assurer", a déclaré à l'AFP le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. "Pour des raisons administratives, il a souhaité anticiper son départ du service actif. J’ai accepté sa décision".
Depuis les années 2000, les différentes officines ont appris à travailler ensemble et le renseignement est devenu une authentique politique publique. Mais les cultures restent différentes, les moyens asymétriques. Et la lumière que prend la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) agace parfois du côté de la DRM.
"Ca va laisser des traces. Il va falloir éclaircir le rôle de chacun", ajoute l'ex-haut responsable. "Il n'est pas normal que la DRM porte le chapeau. Ce qui se passe dans la tête des généraux et l'état de l’armée russe, c’est la DRM. Ce qui se passe dans la tête de Poutine, c’est la DGSE".
La crise ukrainienne révèle les failles du renseignement français
À l'évidence, la question ukrainienne a pesé.
"Je ne sais pas si on peut dire que la DRM s’est trompée", tempère une source à l'état-major des armées. "L’analyse qui a été de dire que le coût politique, humain et financier serait exorbitant pour la Russie s'est révélée exacte. Nous pensions que les Russes n’iraient pas (...) mais ils y sont quand même allés".
D'autres ont pensé la même chose. Les Israéliens avaient eux-mêmes écarté l'hypothèse d'une invasion. Et les Anglo-saxons, qui en étaient convaincus, assuraient que Kiev tomberait en trois jours, souligne Nathan Sales, expert au Soufan Group, une société de consultance basée à New York. "Le renseignement est une science imparfaite", fait-il valoir, jugeant les services français "exceptionnellement capables".
Michael Shurkin, un ancien de la CIA et très bon connaisseur des armées françaises, refuse lui aussi d'accabler l'espionnage tricolore. "Il est aussi possible qu'ils aient fait remonter ce qu'ils savaient, mais que l'information ait été mal interprétée ou que les politiques (aient conservé) leurs idées préconçues".
Dans l'exécutif, la gêne est perceptible. Si le renseignement français a fait sa mue depuis 50 ans, si les Unes des journaux n'évoquent plus ses bavures, si les espions ne sont plus considérés comme des voyous, "ça tombe très mal", admet une source proche du dossier.
Une stratégie à revoir
A l'issue des élections présidentielle et législatives, un nouveau ministre des Armées sera nommé. Le patron de la DGSE, Bernard Emié, pourrait passer le flambeau après un mandat de cinq ans. Les deux plus gros services extérieurs seront donc dirigés par de nouvelles personnalités.
"Je suis sidéré" par ce limogeage, commente un ancien espion passé au privé. "La communauté du renseignement soutient la DRM. C'est un mauvais message envoyé à la communauté et aux militaires" alors que "la guerre est à nos portes (et que) l’élection arrive".
Et de s'agacer à son tour des reproches tombés sur les services ces derniers mois, après diverses crises non anticipées (Ukraine, coups d'État au Mali et au Burkina Faso, revirement australien sur le contrat des sous-marins nucléaires français).
Il rappelle que les agences surveillent ce que les politiques leur demandent de surveiller. Et que la focale a été mise pendant 20 ans sur la lutte anti-terroriste, affaiblissant d'autres thématiques. "Le contre-terrorisme a pris le pouvoir en 200. Depuis, tous les budgets, tous les mecs brillants, y sont partis", assure l'ancien espion. "On paie cette erreur aujourd'hui".
Avec AFP
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