Écrans du Réel: 3 questions à Nicolas Khoury
Dans son documentaire de fiction autobigraphique Fiasco (2021), Nicolas Khoury cherche des réponses aux interrogations qui le préoccupent depuis l’adolescence et conteste non sans humour, les limites sociales véhiculées par la famille et la société libanaise dans son ensemble. Projeté pour la première fois au Liban ce mercredi 13 avril, Fiasco conjugue habilement archive du passé et scènes du présent.

Pendant la moitié de sa vie, Nicolas Khoury, a utilisé la caméra comme confidente pour filmer son journal vidéo. Ce documentaire intime montre la relation forte et dysfonctionnelle à sa mère et sa sœur, à la suite de la mort de son père. Lorsque Tamara se marie et quitte la maison, Nicolas se retrouve seul face à sa mère et à ses attentes d’une «vie réussie» qu'il ne peut combler. «Ta vie est un fiasco!», lui lance-t-elle tendrement alors qu’il ne montre aucun intérêt à trouver une femme. Mais Nicolas est porteur d'une peur dont elle ignore tout...



Dans ce film autobiographique, vous parlez de votre famille. Que souhaitez-vous raconter? 

Des extraits d’un journal intime vidéo tourné depuis mon jeune âge se mêlent à des images récentes qui témoignent de la relation à la fois tendre et dysfonctionnelle que j'entretiens avec ma mère et ma sœur, des années après la mort de mon père. La caméra ne s’aventure jamais loin des environs de ma maison, cherchant des réponses aux interrogations qui me préoccupent depuis l’adolescence. Avec humour et dérision, je conteste les limites sociales véhiculées par la famille et la société libanaise dans son ensemble, me rebellant avec fermeté mais aussi douceur, aveec persévérance mais aussi légèreté. Durant plusieurs conversations filmées, nous avons ouvert des dossiers familiaux qui ont suscité des questionnements autour du caractère héréditaire de la solitude, qui semble être un thème récurrent dans notre histoire généalogique.

Crédits : Sekak Films


Comment utilisez-vous les archives familiales pour construire un récit? 

Ma caméra fait partie de ma vie quotidienne depuis l’adolescence. Ma mère et ma sœur s'y sont habituées à tel point qu'elle est devenue presque invisible. Lorsque j’ai compris que cela pouvait créer réellement des scènes spontanées, j'ai commencé à tourner la deuxième partie du film qui est l'histoire principale. Le travail d'écriture s’est fait au moment du montage. L'objectif principal était de trouver des points communs entre l'archive du passé, c’est-à-dire mes films d'adolescence, et les scènes du présent. Ce montage parallèle entre le présent et le passé a donné une nouvelle dimension aux personnages qui ressemblent davantage à des personnages de fiction, et dont on peut réellement sentir l’évolution au cours du film.

Que dit votre film sur le statut de la femme libanaise et la place du fils au sein d'une société patriarcale? 

Je considère Fiasco comme un film sur la femme, à travers le personnage de ma mère et son rapport à la solitude. Dans notre société, la solitude semble être un tabou. En tant que fils, je me sens incapable d'aller au-delà de la formule «femme et enfants» qui reste le seul symbole d'une vie réussie dans cette société. Ne pas s'y conformer conduit à la marginalisation, et donc au traumatisme de la peur de la solitude. Le mariage semble être la seule échappatoire, procurant un sentiment d'appartenance, de paix et de sécurité. Mais si cette injonction ne semble pas convenir à mon caractère et à mon identité, comment puis-je fuir la solitude, surtout dans un pays comme le nôtre?

Fiasco sera projeté pour la première fois au Liban ce mercredi 13 avril à 20h30 au cinéma Montaigne à l’Institut français de Beyrouth en présence du réalisateur.
Commentaires
  • Aucun commentaire