Des clichés lumineux de fenêtres libanaises, des photos de plafonds colorés qui menacent de s’écrouler: c’est le travail de James Kerwin, photographe britannique de 40 ans qui capture les lieux abandonnés. Il a publié toute une série de photos de bâtiments libanais désaffectés dans son superbe ouvrage intitulé Abandoned Lebanon, le Liban abandonné.
Comment avez-vous fait vos débuts dans la photo? Pourquoi en être venu à photographier des urbex?
J’ai débuté la photographie en 2018. J’ai appris tout seul, d’abord avec un mode manuel: tout le monde peut apprendre l’art de la photographie par lui-même. J’apprends encore tous les jours de nouvelles techniques, de nouvelles astuces.
J’ai commencé par photographier des mariages, puis des cuisines pour une marque qui en vendait. Ayant travaillé dans l’architecture depuis 2013, j’ai naturellement été attiré par la photographie de bâtiments.
Je ne capture pas que des urbex (urban exploration), mais je veux surtout faire découvrir de merveilleux endroits qui sont cachés et peu montrés au grand public. J’aime me rendre dans les endroits où personne ne met les pieds.
J’aime l’esthétique, cela m’importe peu si les bâtiments sont intacts ou non: je suis davantage à la recherche de belles couleurs, de textures, de lieux qui dégagent une atmosphère particulière.
Pourquoi le Liban?
Déjà, en Angleterre, on ne peut pas être photographe à part entière. C’est un métier assez précaire, il faut avoir deux métiers en même temps. Je suis donc parti en 2018, et c’est cette année-là que j’ai découvert le Liban pour la première fois.
Je me suis rendu compte qu’il y avait ici un nombre inimaginable de bâtiments abandonnés et de lieux qui n’ont pas été partagés.
Il n’y avait pas tellement de photographes, à l’international, qui venaient ici, peut-être parce que le Liban n’a pas la réputation d’être un pays sûr. J’aime l’idée de montrer à mon public un autre côté du pays, leur en montrer aussi la beauté.
J’y suis ensuite retourné plusieurs fois, et j’aime toujours autant y déceler de nouveaux joyaux cachés.
C’est étonnant de voir combien un même endroit évolue d’une année à l’autre, par exemple avec la végétation qui s’installe dans les maisons: c’est génial de capturer cette transformation.
Comment trouvez-vous ces endroits cachés?
Avant de venir pour la première fois, j’avais fait quelques recherches. Parfois je scrolle sur Instagram et je vois de beaux endroits qui m’attirent. J’essaie de trouver la localisation en reconnaissant une église sur la photo, ou un bâtiment identifiable. Ensuite je cartographie l’endroit et j’y vais!
Je fais aussi des virées en voiture pour repérer de jolis coins. Lorsque je tombe sur des maisons à l’abandon, j’essaye de me renseigner auprès des petits commerces à côté pour obtenir le numéro du propriétaire et obtenir l’autorisation d’aller y shooter.
Toutes ces recherches, c’est en sorte une combinaison de recherches sur internet et d’exploration sur place.
Je ne partage pas tous mes spots: je ne veux pas que certains deviennent des lieux de squats ou qu’ils soient vandalisés.
Comment est venue l’idée de la création d’un livre?
Lorsque je poste des photos du Liban sur les réseaux sociaux, ça marche bien, peut-être même plus que dans d’autres pays. C’était à l’origine juste un projet de série: je n’avais absolument pas prévu d’en faire un livre, mais ça a fait un peu effet boule de neige.
Maintenant, j’organise des tours avec des photographes amateurs: je les emmène dans des endroits que j’ai déjà photographiés et je leur apprends quelques techniques.
Y a-t-il des photographes qui ont inspiré votre travail?
J’ai une grande admiration pour le travail de Robert Polidori. C’est un photographe québécois qui est venu au Liban immédiatement après la guerre civile. Il a capturé les habitations détruites avec ses clichés tous réalisés à l’argentique.
Selon moi, il a particulièrement intéressé les gens parce qu’il a pris le risque de venir directement après le désastre. Ses photos sont belles, mais pas exceptionnelles, artistiquement parlant; j’aime surtout le fait que son travail soit controversé.
Après un désastre, une guerre, une catastrophe, le photographe qui se rendra directement sur le terrain et prendra les meilleures photos en un temps record deviendra très connu. C’est intéressant! J’aime sa manière de faire les choses, il est un peu le précurseur de l’urbex.
À votre tour d’inspirer de futurs photographes: quels conseils donneriez-vous à un jeune qui voudrait se lancer dans la photographie?
Il faut croire en soi, bien sûr, c’est indispensable. C’est un job qui coûte de l’argent: je dépense énormément dans mes voyages. Il m’est arrivé une nuit de traverser l’Europe, puis de revenir, juste pour prendre quelques clichés. Si on travaille dur et que l'on comprend ce qu'on veut réaliser, on y arrive.
Il faut être passionné, et les gens finiront par s’intéresser à votre travail.
Je pense qu’il faut aussi prendre des risques pour progresser. Il ne faut pas en avoir peur, c’est la chose la plus importante dans la vie.
La connaissance aussi! Il faut s’informer pour s’améliorer. Chacun a un domaine dans lequel il est bon et qu’il peut transmettre aux autres.
C’est aussi important de développer son propre style, ses propres envies: ce n’est pas en copiant qu’on devient un bon photographe. Il faut regarder les choses d’un œil différent pour se démarquer: tout est question de la perspective par rapport à ce que l'on voit et capture.
https://www.agendaculturel.com/article/redecouvrir-le-liban-a-travers-la-camera-de-james-kerwin
Article rédigé par Clémence Buchsenschutz
Comment avez-vous fait vos débuts dans la photo? Pourquoi en être venu à photographier des urbex?
J’ai débuté la photographie en 2018. J’ai appris tout seul, d’abord avec un mode manuel: tout le monde peut apprendre l’art de la photographie par lui-même. J’apprends encore tous les jours de nouvelles techniques, de nouvelles astuces.
J’ai commencé par photographier des mariages, puis des cuisines pour une marque qui en vendait. Ayant travaillé dans l’architecture depuis 2013, j’ai naturellement été attiré par la photographie de bâtiments.
Je ne capture pas que des urbex (urban exploration), mais je veux surtout faire découvrir de merveilleux endroits qui sont cachés et peu montrés au grand public. J’aime me rendre dans les endroits où personne ne met les pieds.
J’aime l’esthétique, cela m’importe peu si les bâtiments sont intacts ou non: je suis davantage à la recherche de belles couleurs, de textures, de lieux qui dégagent une atmosphère particulière.
Pourquoi le Liban?
Déjà, en Angleterre, on ne peut pas être photographe à part entière. C’est un métier assez précaire, il faut avoir deux métiers en même temps. Je suis donc parti en 2018, et c’est cette année-là que j’ai découvert le Liban pour la première fois.
Je me suis rendu compte qu’il y avait ici un nombre inimaginable de bâtiments abandonnés et de lieux qui n’ont pas été partagés.
Il n’y avait pas tellement de photographes, à l’international, qui venaient ici, peut-être parce que le Liban n’a pas la réputation d’être un pays sûr. J’aime l’idée de montrer à mon public un autre côté du pays, leur en montrer aussi la beauté.
J’y suis ensuite retourné plusieurs fois, et j’aime toujours autant y déceler de nouveaux joyaux cachés.
C’est étonnant de voir combien un même endroit évolue d’une année à l’autre, par exemple avec la végétation qui s’installe dans les maisons: c’est génial de capturer cette transformation.
Comment trouvez-vous ces endroits cachés?
Avant de venir pour la première fois, j’avais fait quelques recherches. Parfois je scrolle sur Instagram et je vois de beaux endroits qui m’attirent. J’essaie de trouver la localisation en reconnaissant une église sur la photo, ou un bâtiment identifiable. Ensuite je cartographie l’endroit et j’y vais!
Je fais aussi des virées en voiture pour repérer de jolis coins. Lorsque je tombe sur des maisons à l’abandon, j’essaye de me renseigner auprès des petits commerces à côté pour obtenir le numéro du propriétaire et obtenir l’autorisation d’aller y shooter.
Toutes ces recherches, c’est en sorte une combinaison de recherches sur internet et d’exploration sur place.
Je ne partage pas tous mes spots: je ne veux pas que certains deviennent des lieux de squats ou qu’ils soient vandalisés.
Comment est venue l’idée de la création d’un livre?
Lorsque je poste des photos du Liban sur les réseaux sociaux, ça marche bien, peut-être même plus que dans d’autres pays. C’était à l’origine juste un projet de série: je n’avais absolument pas prévu d’en faire un livre, mais ça a fait un peu effet boule de neige.
Maintenant, j’organise des tours avec des photographes amateurs: je les emmène dans des endroits que j’ai déjà photographiés et je leur apprends quelques techniques.
Y a-t-il des photographes qui ont inspiré votre travail?
J’ai une grande admiration pour le travail de Robert Polidori. C’est un photographe québécois qui est venu au Liban immédiatement après la guerre civile. Il a capturé les habitations détruites avec ses clichés tous réalisés à l’argentique.
Selon moi, il a particulièrement intéressé les gens parce qu’il a pris le risque de venir directement après le désastre. Ses photos sont belles, mais pas exceptionnelles, artistiquement parlant; j’aime surtout le fait que son travail soit controversé.
Après un désastre, une guerre, une catastrophe, le photographe qui se rendra directement sur le terrain et prendra les meilleures photos en un temps record deviendra très connu. C’est intéressant! J’aime sa manière de faire les choses, il est un peu le précurseur de l’urbex.
À votre tour d’inspirer de futurs photographes: quels conseils donneriez-vous à un jeune qui voudrait se lancer dans la photographie?
Il faut croire en soi, bien sûr, c’est indispensable. C’est un job qui coûte de l’argent: je dépense énormément dans mes voyages. Il m’est arrivé une nuit de traverser l’Europe, puis de revenir, juste pour prendre quelques clichés. Si on travaille dur et que l'on comprend ce qu'on veut réaliser, on y arrive.
Il faut être passionné, et les gens finiront par s’intéresser à votre travail.
Je pense qu’il faut aussi prendre des risques pour progresser. Il ne faut pas en avoir peur, c’est la chose la plus importante dans la vie.
La connaissance aussi! Il faut s’informer pour s’améliorer. Chacun a un domaine dans lequel il est bon et qu’il peut transmettre aux autres.
C’est aussi important de développer son propre style, ses propres envies: ce n’est pas en copiant qu’on devient un bon photographe. Il faut regarder les choses d’un œil différent pour se démarquer: tout est question de la perspective par rapport à ce que l'on voit et capture.
https://www.agendaculturel.com/article/redecouvrir-le-liban-a-travers-la-camera-de-james-kerwin
Article rédigé par Clémence Buchsenschutz
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