Depuis sept mois, l’espace culturel et civique Zico House dépoussière les plus grands moments de ses vingt-sept années d'activité.
Dans le cadre d’un projet historique de constitution d’archives, Hassane Al Choubassi présente, le 21 avril à 20h30, le premier évènement: sa conférence-performance Work (not) in-progress, une rétrospective des œuvres inachevées de l'artiste depuis sa première exposition à la Zico House en avril 2001, Khamriyat el-Choubassi. L’intervention traitera d'un ensemble d'essais «en cours» qui ont conduit au néant, mettant en scène le développement du «non-travail» de l'artiste sur une période de vingt et un ans.
Crédits: Zico House
Une initiative pionnière
Hassane Al Choubassi est professeur de communication et media à l’International University of Beirut. «Cette conférence-performance aborde toutes les œuvres qu’il a pensé réaliser sans le faire, posant la question: faut-il archiver les œuvres non réalisées?» explique Mustapha Yamout alias Zico, fondateur et directeur de Zico House, lors d’une interview à Ici Beyrouth. Elle inaugure de manière physique le projet d’archives virtuel entamé grâce au soutien de l’Arab Fund for Arts and Culture et Al Mawred Cultural Ressource, en même temps que la rénovation du bâtiment touché par l’explosion du 4 août 2020. D’autres actions suivront, réalisées par des artistes, mais pas seulement: «Tout le monde a des choses qui peuvent être archivées. Chaque archive personnelle est une goutte dans l’océan des archives de ce pays, et documente ce qui s’est passé, ce qu’on a subi et comment on a résisté», poursuit Zico.
Les mardi et jeudi de chaque semaine, les archives des événements passés sont postés sur la page Instagram et de Zico House. Danse cinéma, théâtre, expositions, installations, concerts, festivals, ateliers, projets littéraires, ces archives retracent vingt-sept années d’activité à travers des affiches, des photos ou des articles de presse digitalisés, introduits par un petit texte en versions anglaise, française et arabe. Les mois à venir prévoient le lancement d’un nouveau site Internet qui deviendra une plateforme pour les projets liés aux archives.
Fondée en 1995, quelques années après la fin officielle de la guerre civile, dans l’optique de faire de ce magnifique bâtiment Art nouveau un espace dédié à l’art et aux initiatives citoyennes, Zico House a tout d’abord été un point d’ancrage pour d’autres projets. Christine Tohme et Marwan Rechmaoui, aujourd'hui directeurs d’Ashkal Alwan, mais aussi Ghassan Maasri, fondateur de Mansion, ont été, aux côtés de Mustapha Yamout et d’autres, les initiateurs de la vie artistique actuelle. «Nous étions sans le savoir un incubateur, à l’avant-garde de ce que tout ce qui s’est passé ensuite. Notre façon de penser était nouvelle et a ouvert beaucoup d’horizons. À l’époque de la reconstruction dominée par Rafic Hariri où l’argent était roi, nous voulions proposer des outils pour une pensée citoyenne, alternative à la société de consommation», poursuit Zico.
Écrire ses mémoires
Le bâtiment de Zico House a traversé les époques, s’adaptant à chaque fois au contexte. Lors de l’agression israélienne en 2006, il est devenu un centre de secours pour les gens. Il a de longue date accueilli diverses associations travaillant avec les enfants ou les minorités telle Helm, la première à lutter pour les droits des LGBT, à casser les barrières au sein de la société.
Conscient de ses capacités d’accueil limitées, Mustapha Yamout s’est mis à organiser des événements hors-les-murs, tels le Street Festival dans l’espace public Mawsam, offrant une programmation de deux mois dans de grands théâtres, ou encore Tashbeek, un bus arpentant tout le pays pour collecter des histoires de guerre et œuvrer à la réconciliation. «Je me suis plus récemment confronté à des échecs, en essayant de travailler avec les municipalités et les régions, ou en tentant de regrouper des associations citoyennes sur des projets communs. Les gens n’étaient pas prêts. Aussi, depuis sept ans, je ne fais plus de grands projets et Zico House fonctionne sans programmation… Quand je regarde ce qu’on a fait, je me demande comment c’était possible. On organisait 25 à 40 événements par an sans s’en rendre compte, à des moments très difficiles», confie-t-il.
Zico a ainsi décidé de se plonger dans le passé, pour constituer une base permettant de rebondir ensuite. «C’est quelque chose de très émouvant de piocher dans l’histoire. Il y a beaucoup de choses que j’ai oubliées. C’est important car, quoi qu’on fasse dans ce pays, on revient toujours à zéro. Je fais ce travail pour moi, mais aussi pour que cette ville continue d’exister. Il faut que chacun sorte ses trésors et montre à ceux qui ne le savent pas, ou l’ont oublié, ce qui s’est passé. Ça redonne l’espoir et ça prouve que c’est possible.»
Et de conclure: «Avant son assassinat, Lokman Slim a dit: “Il faut sortir toutes les archives du pays car c’est dangereux de les y laisser”. Les gens ont fait des choses dans tous les domaines, on a beaucoup travaillé et voilà où on en est. Il faut vider les armoires et tout digitaliser pour le préserver, pour que notre histoire reste. Car on ne sait pas ce qui va se passer demain. Cette phase est nécessaire, ce pays a besoin de transparence, pas de culture orale. On pourra ensuite juger de ce que chacun a fait, et l’apprécier ou le critiquer à sa juste valeur.»
Dans le cadre d’un projet historique de constitution d’archives, Hassane Al Choubassi présente, le 21 avril à 20h30, le premier évènement: sa conférence-performance Work (not) in-progress, une rétrospective des œuvres inachevées de l'artiste depuis sa première exposition à la Zico House en avril 2001, Khamriyat el-Choubassi. L’intervention traitera d'un ensemble d'essais «en cours» qui ont conduit au néant, mettant en scène le développement du «non-travail» de l'artiste sur une période de vingt et un ans.
Crédits: Zico House
Une initiative pionnière
Hassane Al Choubassi est professeur de communication et media à l’International University of Beirut. «Cette conférence-performance aborde toutes les œuvres qu’il a pensé réaliser sans le faire, posant la question: faut-il archiver les œuvres non réalisées?» explique Mustapha Yamout alias Zico, fondateur et directeur de Zico House, lors d’une interview à Ici Beyrouth. Elle inaugure de manière physique le projet d’archives virtuel entamé grâce au soutien de l’Arab Fund for Arts and Culture et Al Mawred Cultural Ressource, en même temps que la rénovation du bâtiment touché par l’explosion du 4 août 2020. D’autres actions suivront, réalisées par des artistes, mais pas seulement: «Tout le monde a des choses qui peuvent être archivées. Chaque archive personnelle est une goutte dans l’océan des archives de ce pays, et documente ce qui s’est passé, ce qu’on a subi et comment on a résisté», poursuit Zico.
Les mardi et jeudi de chaque semaine, les archives des événements passés sont postés sur la page Instagram et de Zico House. Danse cinéma, théâtre, expositions, installations, concerts, festivals, ateliers, projets littéraires, ces archives retracent vingt-sept années d’activité à travers des affiches, des photos ou des articles de presse digitalisés, introduits par un petit texte en versions anglaise, française et arabe. Les mois à venir prévoient le lancement d’un nouveau site Internet qui deviendra une plateforme pour les projets liés aux archives.
Fondée en 1995, quelques années après la fin officielle de la guerre civile, dans l’optique de faire de ce magnifique bâtiment Art nouveau un espace dédié à l’art et aux initiatives citoyennes, Zico House a tout d’abord été un point d’ancrage pour d’autres projets. Christine Tohme et Marwan Rechmaoui, aujourd'hui directeurs d’Ashkal Alwan, mais aussi Ghassan Maasri, fondateur de Mansion, ont été, aux côtés de Mustapha Yamout et d’autres, les initiateurs de la vie artistique actuelle. «Nous étions sans le savoir un incubateur, à l’avant-garde de ce que tout ce qui s’est passé ensuite. Notre façon de penser était nouvelle et a ouvert beaucoup d’horizons. À l’époque de la reconstruction dominée par Rafic Hariri où l’argent était roi, nous voulions proposer des outils pour une pensée citoyenne, alternative à la société de consommation», poursuit Zico.
Écrire ses mémoires
Le bâtiment de Zico House a traversé les époques, s’adaptant à chaque fois au contexte. Lors de l’agression israélienne en 2006, il est devenu un centre de secours pour les gens. Il a de longue date accueilli diverses associations travaillant avec les enfants ou les minorités telle Helm, la première à lutter pour les droits des LGBT, à casser les barrières au sein de la société.
Conscient de ses capacités d’accueil limitées, Mustapha Yamout s’est mis à organiser des événements hors-les-murs, tels le Street Festival dans l’espace public Mawsam, offrant une programmation de deux mois dans de grands théâtres, ou encore Tashbeek, un bus arpentant tout le pays pour collecter des histoires de guerre et œuvrer à la réconciliation. «Je me suis plus récemment confronté à des échecs, en essayant de travailler avec les municipalités et les régions, ou en tentant de regrouper des associations citoyennes sur des projets communs. Les gens n’étaient pas prêts. Aussi, depuis sept ans, je ne fais plus de grands projets et Zico House fonctionne sans programmation… Quand je regarde ce qu’on a fait, je me demande comment c’était possible. On organisait 25 à 40 événements par an sans s’en rendre compte, à des moments très difficiles», confie-t-il.
Zico a ainsi décidé de se plonger dans le passé, pour constituer une base permettant de rebondir ensuite. «C’est quelque chose de très émouvant de piocher dans l’histoire. Il y a beaucoup de choses que j’ai oubliées. C’est important car, quoi qu’on fasse dans ce pays, on revient toujours à zéro. Je fais ce travail pour moi, mais aussi pour que cette ville continue d’exister. Il faut que chacun sorte ses trésors et montre à ceux qui ne le savent pas, ou l’ont oublié, ce qui s’est passé. Ça redonne l’espoir et ça prouve que c’est possible.»
Et de conclure: «Avant son assassinat, Lokman Slim a dit: “Il faut sortir toutes les archives du pays car c’est dangereux de les y laisser”. Les gens ont fait des choses dans tous les domaines, on a beaucoup travaillé et voilà où on en est. Il faut vider les armoires et tout digitaliser pour le préserver, pour que notre histoire reste. Car on ne sait pas ce qui va se passer demain. Cette phase est nécessaire, ce pays a besoin de transparence, pas de culture orale. On pourra ensuite juger de ce que chacun a fait, et l’apprécier ou le critiquer à sa juste valeur.»
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