La politique arabe, pomme de discorde de la présidentielle
©La candidate Marine Le Pen place en priorité la lutte contre l'islamisme, l'immigration clandestine et la protection des Chrétiens d'Orient dans la région. (AFP)
Si elle n'est pas un sujet majeur de l'élection présidentielle, la politique arabe de la France pourrait bien être bouleversée à l'issue de ce scrutin. Les deux candidats, s'ils partagent la nécessité d'œuvrer en médiateur sur la question palestinienne, ont des positions radicalement différentes sur le conflit syrien, les relations avec l'Iran, les pays du Golfe et la présence américaine dans la région. 

Accaparée par le pouvoir d’achat, la campagne présidentielle française s’est, pour l’heure, assez peu attardée sur les orientations de politique étrangère des candidats. Et lorsque c’était le cas, il s’agissait principalement de développements sur la guerre en Ukraine, les relations avec la Russie ou le rôle de la France au sein de l’OTAN.

Les candidats se sont peu exprimés sur la « politique arabe » de la France, qui a largement été traitée comme un sujet de politique interne. En effet, dans les programmes des candidats, les relations avec les pays arabes sont essentiellement couvertes dans les rubriques concernant le droit d’asile, la laïcité, la lutte contre le communautarisme et l’immigration, plutôt que dans le cadre de la politique étrangère de la France.

Ainsi, le programme officiel de Marine le Pen ne dédie que quatre lignes à la région arabe, tandis que celui d’Emmanuel Macron ne mentionne pas du tout la diplomatie française au Moyen-Orient. Lors du grand débat du second tour, les pays arabes sont restés aux abonnés absents.

Deux visions différentes pour la France dans le monde

Le président Macron appelle à constituer une Europe forte dans laquelle la France jouerait un rôle moteur, en sa qualité de puissance nucléaire et de membre permanent du Conseil de Sécurité. Une politique étrangère qui laisse la part belle au multilatéralisme, à l’OTAN, au renforcement d’une « Europe souveraine capable de peser sur le cours du monde », et au rôle de la France comme puissance médiatrice dans les conflits internationaux.

Il affirme que la proximité de la France avec les États-Unis et ses alliés est une « chance », ce qui n’empêche pas que la France doive mener une politique étrangère « indépendante, humaniste et européenne ».

De son côté, Marine le Pen met en avant la nécessité d’adopter une politique étrangère basée sur un double rejet : ni « soumission à Moscou », ni « suivisme » à l’égard de l’administration Biden. Dans les faits, ces orientations se traduiraient par un attachement au bilatéralisme, au primat de la souveraineté nationale sur les engagements européens, à la fermeture des frontières et à la lutte acharnée contre les sources de l’islamisme.

De même, la candidate du Rassemblement Nationale prône un rapprochement avec Moscou et le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN.

Le Liban, allié inconditionnel pour les deux candidats

Dans les deux cas, le Liban restera un allié historique de la France et un pays qu’il faut soutenir face aux dangers internes et externes. Les deux candidats possèdent par ailleurs des liens personnels importants avec le pays, qu’ils ont tous deux visité par le passé.


Selon le président sortant, la France restera « engagée » au Liban, ce qui présuppose une continuité de la politique suivie durant le quinquennat : médiation entre les différentes forces politiques et internationales, appui financier conditionné à l’implémentation de réformes, aide humanitaire. Il s’agit de même de maintenir des contacts avec toutes les parties politiques et internationales, dont le Hezbollah et l’Iran, pour arriver à une sortie de crise par le haut.

De son côté, Marine Le Pen appelle à « consolider les partenariats stratégiques » avec des pays comme le Maroc, l’Égypte, Israël, mais aussi le Liban.  Lors d’une conférence de presse, la candidate d’extrême-droite a mis en avant un Liban « cher à son cœur et à ses priorités », soulignant son attachement sentimental à ce pays en lien avec la protection des Chrétiens d’Orient et de la francophonie.

Elle compte mener des discussions avec l’Iran, l’Arabie Saoudite et Israël pour un « Liban libre et indépendant », qu’elle souhaite soutenir sans « nuire aux liens avec Israël ». Des mots qui pourraient entrer en contradiction avec sa volonté, en parallèle, de normaliser les relations avec la Syrie sans contrepartie et de se rapprocher de l’Iran, dont elle juge les ambitions nucléaires légitimes.

Un potentiel bouleversement de la "politique arabe" de la France

Pour la candidate souverainiste, la France a trois priorités dans la région : combattre à tout prix le fondamentalisme islamiste, contenir l'immigration clandestine et protéger les Chrétiens d’Orient. Ces objectifs passent par le soutien aux régimes qualifiés d’autoritaires dans la région, comme l’Égypte, la Syrie de Bachar al-Assad ou encore l’Iran, qualifiés de véritables « digues contre le terrorisme islamiste ». Elle appelle à cet égard à la fin du soutien aux milices anti-régime en Syrie et à la réouverture de l'ambassade française en Syrie.

Par ailleurs, elle condamne les interventions occidentales contre la Libye en 2011, dont le régime était selon elle un « verrou protégeant l’Europe de l’afflux de réfugiés subsahariens », et contre l’Irak en 2003 qu’elle a qualifiée d’« aventurisme stratégique ». Une position qui va de pair avec sa volonté de ne pas se mettre sous la coupe des États-Unis, « nation la plus discréditée dans cette partie du monde », tandis que Moscou serait au contraire un interlocuteur essentiel au Moyen-Orient.

Pour Marine Le Pen, combattre l’islamisme, c’est aussi rompre les relations avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui ont « financé les fondamentalistes islamistes à travers le monde » et constituent « le cœur nucléaire de l’islamisme mondial ». Cependant, la candidate souhaite renforcer les relations avec les Émirats Arabes Unis qui, selon elle, sont une des forces combattant le terrorisme islamiste dans la région.

Le candidat Macron entend, lui, poursuivre la politique menée lors du quinquennat, marquée par le pragmatisme et l’équilibrisme. Sur la question syrienne, il reste fidèle à une ligne dure contre le régime de Damas, continuant de conditionner la reconstruction du pays et la normalisation des relations avec la Syrie à la mise en œuvre de la transition politique. Même chose pour la question palestinienne, ré-affirmant l’impératif de la solution à deux États malgré l'adoption de mesures sensiblement pro-sionistes lors de son mandat.

Le président souhaite mener une « position de dialogue » avec l’Iran et l’Arabie Saoudite, conditionnant le retour à l’accord sur le nucléaire au respect de la stabilité régionale et des engagements de l’Iran pris en 2015. Cependant, l’approfondissement des liens stratégiques avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, premiers acheteurs d’armes de la France, compte parmi les priorités du président, tout en évitant d'entrer dans les conflits intra-Golfe.

Sur la question migratoire, le candidat appelle à la réforme du statut de Schengen, et veut imposer comme condition à l'octroi de visas aux ressortissants maghrébins, l'accueil par leur pays d'origine des clandestins chassés de France. De même, il voit en l'Europe un levier d'action essentiel afin de "stabiliser la Libye et juguler les trafics d'êtres humains" en Méditerranée.
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