Une multitude de militants, notamment provenant de l'extrême-droite française, sont partis combattre en Ukraine contre la Russie. De quoi perpétuer de vieilles traditions idéologiques françaises de l'ultradroite, qui part défendre les "vrais" nationalistes chrétiens, autrement dit les fascistes et néonazis.
L'engagement de certains militants aux côtés des forces armées ukrainiennes dans la guerre contre la Russie relève d'un "certain romantisme révolutionnaire" et perpétue une vieille tradition de l'extrême droite française, explique à l'AFP Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'ultradroite.
QUESTION: Au nom de quelle ligne idéologique une partie de l'ultradroite française a-t-elle pris fait et cause pour l'Ukraine dans la guerre avec la Russie ?
REPONSE: "Il y a d'abord l'idée que Poutine est un autocrate qui persécute, en Russie, les +vrais+ nationalistes, fascistes et néonazis.
L'Ukraine est également vue comme une région entièrement européenne et chrétienne: historiquement, sa partie occidentale, dont la Galicie (sud-ouest), a été une terre austro-hongroise, hongroise puis polonaise et associée au grand duché de Lituanie. Alors que la Russie est vue comme un immense bazar culturel, où on trouve des Tchétchènes (musulmans, NDLR), mais aussi de nombreuses ethnies ne correspondant pas au type physique indo-européen, notamment en Sibérie. La question ethnique et religieuse est primordiale.
Enfin, les pro-Ukrainiens sont attirés par la tradition nationaliste ukrainienne et le mythe de l'armée insurrectionnelle de Stepan Bandera, qui pendant la Seconde Guerre mondiale collabora avec l'Allemagne nazie (avant de s'y opposer) et lutta contre l'Armée rouge soviétique.
Q: Une autre partie de l'extrême droite française est en revanche pro-russe...
R: "Les +Eurasistes+ considèrent que toute la Russie a sa valeur intrinsèque, du moins que l'Europe s'étend de l'Atlantique à l'Oural selon la vieille théorie, qui n'est pas d'extrême droite. Ce sont les admirateurs d'Alexandre Douguine (nationaliste russe qui influence une partie de l'extrême droite française, NDLR).
Il y a aussi les +Eurosibériens+, sur une ligne politique qui provient essentiellement de Guillaume Faye (intellectuel d'extrême droite français), repris par Jean-Marie Le Pen. Elle recoupe pour beaucoup le vieux fantasme de l'origine boréale (qui vient du Nord) des peuples indo-européens, théorie assez répandue dans ce milieu mais dont la consistance scientifique est assez faible.
Evidemment, ce parti pris pour la Russie s'explique aussi par l'attirance pour Poutine l'autocrate, l'homme fort, et une détestation congénitale des Etats-Unis et de ce qu'ils représentent.
Les pro-Russes retrouvent aussi une forme de paganisme en Russie, où il y a effectivement des groupes païens assez actifs - mais comme en Ukraine du reste.
Le fait que le président ukrainien Zelensky soit juif compte également, de même bien sûr que les liens historiques d'une partie de l'extrême droite française avec la Russie de Poutine.
Q: L'engagement auprès de l'armée ukrainienne ou du régiment Azov constitue-t-il le prolongement de la tradition de volontariat armé de l'extrême droite française ? Dans les années 1970, certains militants avaient rejoint au Liban les phalanges chrétiennes, ou dans les années 1990 en Yougoslavie les Croates catholiques contre les Serbes orthodoxes...
R: "La vision est la même, celle d'un certain romantisme révolutionnaire, une fascination pour les soldats perdus. Les configurations militaires sont cependant différentes.
On peut néanmoins rapprocher la légion des volontaires étrangers ukrainiens de la légion internationale croate. Elle était microscopique, peu engagée en première ligne car ses combattants manquaient souvent d'expérience militaire et étaient peu habitués à manier l'armement croate, différent de celui de l'armée française.
La maîtrise de la langue est également quelque chose de fondamental: quand vous montez au front, en général c’est mieux de comprendre les ordres qui vous sont donnés.
Enfin, il n'était pas question de laisser des volontaires étrangers en première ligne pour défendre la patrie. Ces gens ne sont pas internationalistes, ce ne sont pas des brigades internationales. Chacun lutte pour sa patrie, et ils n’ont pas l'intention de se laisser voler la vedette par des gens qui sont au fond des pièces rapportées."
Propos recueillis par Nicolas KIENAST
Avec AFP
L'engagement de certains militants aux côtés des forces armées ukrainiennes dans la guerre contre la Russie relève d'un "certain romantisme révolutionnaire" et perpétue une vieille tradition de l'extrême droite française, explique à l'AFP Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'ultradroite.
QUESTION: Au nom de quelle ligne idéologique une partie de l'ultradroite française a-t-elle pris fait et cause pour l'Ukraine dans la guerre avec la Russie ?
REPONSE: "Il y a d'abord l'idée que Poutine est un autocrate qui persécute, en Russie, les +vrais+ nationalistes, fascistes et néonazis.
L'Ukraine est également vue comme une région entièrement européenne et chrétienne: historiquement, sa partie occidentale, dont la Galicie (sud-ouest), a été une terre austro-hongroise, hongroise puis polonaise et associée au grand duché de Lituanie. Alors que la Russie est vue comme un immense bazar culturel, où on trouve des Tchétchènes (musulmans, NDLR), mais aussi de nombreuses ethnies ne correspondant pas au type physique indo-européen, notamment en Sibérie. La question ethnique et religieuse est primordiale.
Enfin, les pro-Ukrainiens sont attirés par la tradition nationaliste ukrainienne et le mythe de l'armée insurrectionnelle de Stepan Bandera, qui pendant la Seconde Guerre mondiale collabora avec l'Allemagne nazie (avant de s'y opposer) et lutta contre l'Armée rouge soviétique.
Q: Une autre partie de l'extrême droite française est en revanche pro-russe...
R: "Les +Eurasistes+ considèrent que toute la Russie a sa valeur intrinsèque, du moins que l'Europe s'étend de l'Atlantique à l'Oural selon la vieille théorie, qui n'est pas d'extrême droite. Ce sont les admirateurs d'Alexandre Douguine (nationaliste russe qui influence une partie de l'extrême droite française, NDLR).
Il y a aussi les +Eurosibériens+, sur une ligne politique qui provient essentiellement de Guillaume Faye (intellectuel d'extrême droite français), repris par Jean-Marie Le Pen. Elle recoupe pour beaucoup le vieux fantasme de l'origine boréale (qui vient du Nord) des peuples indo-européens, théorie assez répandue dans ce milieu mais dont la consistance scientifique est assez faible.
Evidemment, ce parti pris pour la Russie s'explique aussi par l'attirance pour Poutine l'autocrate, l'homme fort, et une détestation congénitale des Etats-Unis et de ce qu'ils représentent.
Les pro-Russes retrouvent aussi une forme de paganisme en Russie, où il y a effectivement des groupes païens assez actifs - mais comme en Ukraine du reste.
Le fait que le président ukrainien Zelensky soit juif compte également, de même bien sûr que les liens historiques d'une partie de l'extrême droite française avec la Russie de Poutine.
Q: L'engagement auprès de l'armée ukrainienne ou du régiment Azov constitue-t-il le prolongement de la tradition de volontariat armé de l'extrême droite française ? Dans les années 1970, certains militants avaient rejoint au Liban les phalanges chrétiennes, ou dans les années 1990 en Yougoslavie les Croates catholiques contre les Serbes orthodoxes...
R: "La vision est la même, celle d'un certain romantisme révolutionnaire, une fascination pour les soldats perdus. Les configurations militaires sont cependant différentes.
On peut néanmoins rapprocher la légion des volontaires étrangers ukrainiens de la légion internationale croate. Elle était microscopique, peu engagée en première ligne car ses combattants manquaient souvent d'expérience militaire et étaient peu habitués à manier l'armement croate, différent de celui de l'armée française.
La maîtrise de la langue est également quelque chose de fondamental: quand vous montez au front, en général c’est mieux de comprendre les ordres qui vous sont donnés.
Enfin, il n'était pas question de laisser des volontaires étrangers en première ligne pour défendre la patrie. Ces gens ne sont pas internationalistes, ce ne sont pas des brigades internationales. Chacun lutte pour sa patrie, et ils n’ont pas l'intention de se laisser voler la vedette par des gens qui sont au fond des pièces rapportées."
Propos recueillis par Nicolas KIENAST
Avec AFP
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