Icône marquante des nuits parisiennes, de la chanson et du cinéma. Régine, « la femme au boa » s’est éteinte à 92 ans, après avoir vécu une vie pleine de rebondissements. Elle a traversé le meilleur comme le pire avec le courage des battantes.
S’il y avait un titre de chanson qui pourrait la résumer, ce serait sans hésitation « I will survive » de Gloria Gaynor. Parce que Régine a été une survivante tout le long de sa vie, au sens propre comme au sens figuré, bravant les injustices du sort…
Régina Zylbergerg est née le 26 décembre 1929 à Anderlecht (Belgique), de parents juifs polonais. À Aix-en-Provence, en 1941, elle échappe à la déportation grâce à des Français non juifs, à qui elle vouera une reconnaissance éternelle.
À la Libération, la famille se retrouve à Paris, où le père ouvre un bar à Belleville. Sa fille prend goût aux sorties dans les boîtes de la capitale.
Un ami lui confie l’animation d’une discothèque dans le centre de Paris, rue de Beaujolais, « le Whisky à gogo », où elle rencontre un débutant nommé Serge Gainsbourg. La jeune fille sait y mettre de l’ambiance, s’amuse parfois à danser avec un verre plein sur la tête, mais se targue de ne jamais boire d’alcool.
En 1956, elle inaugure sa première discothèque, « Chez Régine », dans le Quartier latin. Suivra l’ouverture à Montparnasse du « New Jimmy’s », la boîte où l’on danse des twists endiablés. « Le temps passé à dormir est du temps perdu », assurait cette infatigable fêtarde.
Des boîtes de nuit dans les capitales branchées
Surnommée « la Grande Zoa », elle ouvre des boîtes de nuit à New York et Monaco, puis au Brésil et en Malaisie. Régine, alors coiffée d’un mulet aussi rouge que son boa, gérera au total une vingtaine de discothèques. Andy Warhol, Liza Minelli, les Rothschild ou les Kennedy fréquentent ses clubs.
Elle découvre le music-hall dans les années 60. Après être passée par l’Olympia, elle chante au Carnegie Hall de New York en 1969, devenant -avec notamment Édith Piaf-une des rares Françaises à avoir conquis l’Amérique.
À Paris, elle montera ensuite sur la scène de Bobino ou de la Cigale.
Parallèlement, avec son second mari, l’homme d’affaires Roger Choukroun, épousé en 1969, elle poursuit le business. Elle a notamment l’idée de créer une carte de membre pour que ses clients puissent aisément aller de club en club autour du monde. Jusqu’à 20 000 personnes auront cette carte, payée fort cher, dans les années 1980.
Le couple investit dans l’hôtellerie, la restauration, lance des lignes de vêtements, de parfums, parraine des croisières luxueuses...
Régine sait mobiliser les « célébrités », pour des causes importantes à ses yeux comme la lutte contre la drogue, lançant l’association « SOS Drogue international ».
Régine en compagnie de Jacques Chirac - Crédit: Pierre Verdy/AFP
Légion d’honneur et découverte de stupéfiants dans son célèbre « Palace »
En 2008, son « ami », le président Nicolas Sarkozy, qu’elle accompagne en déplacement en Israël, l’élève au rang d’officier de la Légion d’honneur.
Ironie du sort, une perquisition cause en 1996 la fermeture du « Palace », club mythique qu’elle possédait depuis quatre ans, après la découverte de produits stupéfiants. En 2004, elle se sépare de la plupart de ses clubs. Et divorce de son mari.
Deux ans plus tard, elle perd son fils unique, le journaliste Lionel Rotcajg, né d’un premier mariage.
« Je suis exhibitionniste. Mais j’ai toujours été malheureuse avec dignité », lâche-t-elle, soucieuse de ne pas étaler sa peine sur la place publique.
En 2009, elle doit vendre sa discothèque « Chez Régine » de la rue de Ponthieu, longtemps rendez-vous incontournable de la jeunesse dorée parisienne près des Champs-Élysées. Celle qui disait dépenser une fortune chaque jour affirme alors être « ruinée ».
Ce qui ne l’empêche pas de multiplier talk-shows et concerts. Enveloppée de son légendaire boa, à 86 ans, elle chantait encore en 2016 aux Folies-Bergères avec son entrain coutumier, « Je survivrai », reprise du tube de Gloria Gaynor.
Régine était connue du public pour des chansons comme « La grande Zoa », « Azzurro », « Les p’tits papiers » ou « Patchouli Chinchilla ».
Charles Aznavour, Barbara, Henri Salvador ou Françoise Sagan ont signé des tubes pour cette battante à la voix envoûtante et légèrement éraillée, à la personnalité pragmatique, mélancolique et pleine d’humour.
Elle a aussi fait du cinéma, figurant au générique d’une dizaine de films, comme Jeu de massacre d’Alain Jessua, Robert et Robert de Claude Lelouch ou Les ripoux de Claude Zidi.
Zoom sur ses chansons phares…
« Les P’tits papiers » (1965) « Lais-ssez par-ler/Les p’tits papiers »... Cette chanson, une des douze que lui a écrites Serge Gainsbourg, reste l’un des titres les plus connus de la chanteuse. Pour la composer, Gainsbourg s’inspire de la chanson « Les Petits pavés », Régine lui rappelant Fréhel, leur passion commune.
La reine des boîtes de nuit est aussitôt conquise par ce titre sur un air de ragtime qui rappelle Scott Joplin. La chanson est ponctuée à chaque deuxième strophe du mot « papier » suivi d’un adjectif différent à chaque fois.
Régine l’interprétera également en duo et la chanson fera l’objet de nombreuses reprises, notamment par Jane Birkin.
« La Grande Zoa » (1966) : Ode colorée et joyeuse au monde de la nuit et à la figure du travesti. Sur un texte de Frédéric Botton, c’est la chanson qui résume le mieux Régine et sa gouaille de titi parisien. Le tube raconte les virées nocturnes d’une femme mystérieuse et tape-à-l'oeil avec ses « bijoux », ses « chinchillas » et son « boa autour du cou ». On découvre au fur et à mesure de la chanson que la dame, avec « ce grand cou-là », est un travesti qui fréquente la « place Blanche » et ses lieux de rencontres homosexuelles.
« Ouvre la bouche, ferme les yeux » (1968): « Tu verras, ça glissera mieux... ». Une autre chanson irrévérencieuse écrite par son grand ami Serge Gainsbourg, le roi de la provocation. L’auteur des « Sucettes » joue là, une fois encore, sur l’ambiguïté. «C’est fou, l’effet que cette chanson-là a sur les gens ! Ils la croient drôle, avec un arrière-plan sexuel, alors qu’elle montre avant tout l’amertume et le tragique de la vie », disait Régine.
« Azzuro » (1969): Régine reprend en français ce tube d’Adriano Celentano, sorti en 1968. Composée par Paolo Conte, la chanson est aussitôt entrée dans l’imaginaire collectif des Italiens.
Eddy Marnay l’adapte en français pour la chanteuse. Ce sera l’un des plus gros succès de Régine, qui le réenregistre en plusieurs versions.
« Les Femmes, ça fait pédé » (1978): Pour ce titre encore scandaleux, Serge Gainsbourg choisit une nouvelle fois Régine et sa gouaille pour l’interpréter même s’il hésite un peu en lui glissant : « je ne sais pas si cette chanson est faite pour toi, si tu vas avoir le culot ». Avec des paroles qui retournent avec humour, comme un clin d’œil, les préjugés à l’égard des homosexuels, souvent moqués pour leur gestuelle jugée efféminée : « Les femmes, ça fait pédé, c’est très efféminé/Tellement efféminé, qu’ça fait pédé... Et quand ça bouge des hanches/ça fait marcher les PDG ».
L’hommage de Pierre Palmade
« La reine de la nuit s’en va : fermeture pour cause de longue et grande carrière », indique un communiqué écrit, à la demande de la famille, par l’humoriste Pierre Palmade, ami proche de Régine depuis de nombreuses années.
« Partie avec sa boule à facettes et sa gouaille chaude et rassurante », Régine « avait fait danser pendant plus de 30 ans dans ses boîtes de nuit les stars du monde entier »...
Le chanteur Renaud, qui lui a écrit plusieurs titres, considérait qu’elle était la dernière représentante historique de la chanson française, connue.
Son prénom est devenu ainsi « l’emblème des nuits folles jusqu’au petit matin, elle-même dansant sur la piste jusqu’à la fermeture », poursuit Pierre Palmade.
Avec le départ de Régine, la page des nuits parisiennes mythiques est définitevement tournée...
S’il y avait un titre de chanson qui pourrait la résumer, ce serait sans hésitation « I will survive » de Gloria Gaynor. Parce que Régine a été une survivante tout le long de sa vie, au sens propre comme au sens figuré, bravant les injustices du sort…
Régina Zylbergerg est née le 26 décembre 1929 à Anderlecht (Belgique), de parents juifs polonais. À Aix-en-Provence, en 1941, elle échappe à la déportation grâce à des Français non juifs, à qui elle vouera une reconnaissance éternelle.
À la Libération, la famille se retrouve à Paris, où le père ouvre un bar à Belleville. Sa fille prend goût aux sorties dans les boîtes de la capitale.
Un ami lui confie l’animation d’une discothèque dans le centre de Paris, rue de Beaujolais, « le Whisky à gogo », où elle rencontre un débutant nommé Serge Gainsbourg. La jeune fille sait y mettre de l’ambiance, s’amuse parfois à danser avec un verre plein sur la tête, mais se targue de ne jamais boire d’alcool.
En 1956, elle inaugure sa première discothèque, « Chez Régine », dans le Quartier latin. Suivra l’ouverture à Montparnasse du « New Jimmy’s », la boîte où l’on danse des twists endiablés. « Le temps passé à dormir est du temps perdu », assurait cette infatigable fêtarde.
Des boîtes de nuit dans les capitales branchées
Surnommée « la Grande Zoa », elle ouvre des boîtes de nuit à New York et Monaco, puis au Brésil et en Malaisie. Régine, alors coiffée d’un mulet aussi rouge que son boa, gérera au total une vingtaine de discothèques. Andy Warhol, Liza Minelli, les Rothschild ou les Kennedy fréquentent ses clubs.
Elle découvre le music-hall dans les années 60. Après être passée par l’Olympia, elle chante au Carnegie Hall de New York en 1969, devenant -avec notamment Édith Piaf-une des rares Françaises à avoir conquis l’Amérique.
À Paris, elle montera ensuite sur la scène de Bobino ou de la Cigale.
Parallèlement, avec son second mari, l’homme d’affaires Roger Choukroun, épousé en 1969, elle poursuit le business. Elle a notamment l’idée de créer une carte de membre pour que ses clients puissent aisément aller de club en club autour du monde. Jusqu’à 20 000 personnes auront cette carte, payée fort cher, dans les années 1980.
Le couple investit dans l’hôtellerie, la restauration, lance des lignes de vêtements, de parfums, parraine des croisières luxueuses...
Régine sait mobiliser les « célébrités », pour des causes importantes à ses yeux comme la lutte contre la drogue, lançant l’association « SOS Drogue international ».
Régine en compagnie de Jacques Chirac - Crédit: Pierre Verdy/AFP
Légion d’honneur et découverte de stupéfiants dans son célèbre « Palace »
En 2008, son « ami », le président Nicolas Sarkozy, qu’elle accompagne en déplacement en Israël, l’élève au rang d’officier de la Légion d’honneur.
Ironie du sort, une perquisition cause en 1996 la fermeture du « Palace », club mythique qu’elle possédait depuis quatre ans, après la découverte de produits stupéfiants. En 2004, elle se sépare de la plupart de ses clubs. Et divorce de son mari.
Deux ans plus tard, elle perd son fils unique, le journaliste Lionel Rotcajg, né d’un premier mariage.
« Je suis exhibitionniste. Mais j’ai toujours été malheureuse avec dignité », lâche-t-elle, soucieuse de ne pas étaler sa peine sur la place publique.
En 2009, elle doit vendre sa discothèque « Chez Régine » de la rue de Ponthieu, longtemps rendez-vous incontournable de la jeunesse dorée parisienne près des Champs-Élysées. Celle qui disait dépenser une fortune chaque jour affirme alors être « ruinée ».
Ce qui ne l’empêche pas de multiplier talk-shows et concerts. Enveloppée de son légendaire boa, à 86 ans, elle chantait encore en 2016 aux Folies-Bergères avec son entrain coutumier, « Je survivrai », reprise du tube de Gloria Gaynor.
Régine était connue du public pour des chansons comme « La grande Zoa », « Azzurro », « Les p’tits papiers » ou « Patchouli Chinchilla ».
Charles Aznavour, Barbara, Henri Salvador ou Françoise Sagan ont signé des tubes pour cette battante à la voix envoûtante et légèrement éraillée, à la personnalité pragmatique, mélancolique et pleine d’humour.
Elle a aussi fait du cinéma, figurant au générique d’une dizaine de films, comme Jeu de massacre d’Alain Jessua, Robert et Robert de Claude Lelouch ou Les ripoux de Claude Zidi.
Zoom sur ses chansons phares…
« Les P’tits papiers » (1965) « Lais-ssez par-ler/Les p’tits papiers »... Cette chanson, une des douze que lui a écrites Serge Gainsbourg, reste l’un des titres les plus connus de la chanteuse. Pour la composer, Gainsbourg s’inspire de la chanson « Les Petits pavés », Régine lui rappelant Fréhel, leur passion commune.
La reine des boîtes de nuit est aussitôt conquise par ce titre sur un air de ragtime qui rappelle Scott Joplin. La chanson est ponctuée à chaque deuxième strophe du mot « papier » suivi d’un adjectif différent à chaque fois.
Régine l’interprétera également en duo et la chanson fera l’objet de nombreuses reprises, notamment par Jane Birkin.
« La Grande Zoa » (1966) : Ode colorée et joyeuse au monde de la nuit et à la figure du travesti. Sur un texte de Frédéric Botton, c’est la chanson qui résume le mieux Régine et sa gouaille de titi parisien. Le tube raconte les virées nocturnes d’une femme mystérieuse et tape-à-l'oeil avec ses « bijoux », ses « chinchillas » et son « boa autour du cou ». On découvre au fur et à mesure de la chanson que la dame, avec « ce grand cou-là », est un travesti qui fréquente la « place Blanche » et ses lieux de rencontres homosexuelles.
« Ouvre la bouche, ferme les yeux » (1968): « Tu verras, ça glissera mieux... ». Une autre chanson irrévérencieuse écrite par son grand ami Serge Gainsbourg, le roi de la provocation. L’auteur des « Sucettes » joue là, une fois encore, sur l’ambiguïté. «C’est fou, l’effet que cette chanson-là a sur les gens ! Ils la croient drôle, avec un arrière-plan sexuel, alors qu’elle montre avant tout l’amertume et le tragique de la vie », disait Régine.
« Azzuro » (1969): Régine reprend en français ce tube d’Adriano Celentano, sorti en 1968. Composée par Paolo Conte, la chanson est aussitôt entrée dans l’imaginaire collectif des Italiens.
Eddy Marnay l’adapte en français pour la chanteuse. Ce sera l’un des plus gros succès de Régine, qui le réenregistre en plusieurs versions.
« Les Femmes, ça fait pédé » (1978): Pour ce titre encore scandaleux, Serge Gainsbourg choisit une nouvelle fois Régine et sa gouaille pour l’interpréter même s’il hésite un peu en lui glissant : « je ne sais pas si cette chanson est faite pour toi, si tu vas avoir le culot ». Avec des paroles qui retournent avec humour, comme un clin d’œil, les préjugés à l’égard des homosexuels, souvent moqués pour leur gestuelle jugée efféminée : « Les femmes, ça fait pédé, c’est très efféminé/Tellement efféminé, qu’ça fait pédé... Et quand ça bouge des hanches/ça fait marcher les PDG ».
L’hommage de Pierre Palmade
« La reine de la nuit s’en va : fermeture pour cause de longue et grande carrière », indique un communiqué écrit, à la demande de la famille, par l’humoriste Pierre Palmade, ami proche de Régine depuis de nombreuses années.
« Partie avec sa boule à facettes et sa gouaille chaude et rassurante », Régine « avait fait danser pendant plus de 30 ans dans ses boîtes de nuit les stars du monde entier »...
Le chanteur Renaud, qui lui a écrit plusieurs titres, considérait qu’elle était la dernière représentante historique de la chanson française, connue.
Son prénom est devenu ainsi « l’emblème des nuits folles jusqu’au petit matin, elle-même dansant sur la piste jusqu’à la fermeture », poursuit Pierre Palmade.
Avec le départ de Régine, la page des nuits parisiennes mythiques est définitevement tournée...
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