Indépendance : la déclaration de Mikati, anecdote innocente ou sombre bourde machiste ?
En ce 22 novembre 2021, notre Premier ministre, jusque là plus réputé pour ses larmes - sur le Liban - que pour ses blagues, s’est fendu d’une déclaration pour le moins inattendue. Tout faraud, il a dit, reprenant - en semblant visiblement l’apprécier - le trait d’esprit de l’un de ses amis, que « l’Indépendance ressemblait cette année à une femme divorcée qui fêterait son anniversaire de mariage ».

Au premier degré, et même au second, le rapprochement est pertinent, assez drôle et, somme toute, bien trouvé. Il vise tout bonnement à condamner ou du moins à se moquer de la célébration de quelque chose qui n’existe plus, à savoir en l’occurrence, l’indépendance de notre pays, avec son cortège sous-entendu de bienfaits, entente nationale, coopération cordiale, travail en commun pour la relève, etc.

C’était sans compter avec les féministes et les porte-voix vertueux de la société civile qui sont tombés à bras raccourcis sur celui que l’on se plaît à dénommer dans la presse « le milliardaire tripolitain ». « Comment ? Il en est encore là ?! Quelle honte ! Oser parler de femme divorcée ? Comment peut-on être encore si machiste et si arriéré ? Quel niveau vraiment ! » D’autres en ont conclu qu’il n’y avait rien à espérer d’un gouvernement dont le chef a pu proférer de telles énormités et une femme est même allée jusqu’à s’exclamer « s’il savait seulement tout ce qu’étaient capables de réaliser les femmes divorcées (!?) ».
Le parler politiquement correct serait-il tombé sur notre microcosme beyrouthin, pourtant de tradition libérale et libertine, comme jadis le Rideau de fer sur l’Europe ?


A la décharge des indignés de nos amis, la suite de la déclaration de l’infortuné premier ministre : « Alors que si cette femme avait réussi à s’entendre avec son mari, elle n’aurait pas divorcé ». Truisme en vérité, voire même platitude, caractéristique cependant de l’esprit de conciliation et d’apaisement du personnage. Mais on ne l’entendait pas de cette oreille. Re-tollé ! « Comment ?! Ce serait à la femme de faire des concessions pour s’entendre avec son mari ? Pourquoi ce n’est pas à l’homme, dites-moi, de les faire ces concessions-là ? » Et une ultra-radicale d’aller jusqu’à conclure : « Au diable le mariage avec de tels machistes ! Mieux vaut le divorce ! »

Sur une telle copie, la prof que je suis aurait noté « hors-sujet », ou encore, suivant l’excellent terme utilisé par les juristes anglo-saxons pour réfuter une preuve,       « irrelevant ».

L’opportunité de célébration d’une institution déjà défunte ne relève tout simplement pas du même champ thématique ou sémantique que le principe acquis et éminemment respectable de l’égalité des sexes. La confusion des genres dans ce cas est alors le signe d’une absence de rigueur regrettable et d’une dérive inquiétante dans la perception et l’appréhension des concepts.

En bref, ne mélangeons pas tout. Et surtout, ne nous trompons pas de bataille.
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