Melek et Warda, je n’oublierai pas votre regard troublant. Cette nuit, en fermant les yeux sur ma journée, ce sont vos visages qui me sont apparus. Joyeux, joueurs malgré tout.
Quand je suis arrivée «chez vous», j’ai été gagnée par le malaise et l’indécence de ma présence dans votre intimité.
Pourtant je suis profondément convaincue que ce que j’entreprends est juste. Mais votre regard d’enfant me percute et ne fait de mon cœur qu’une bouchée. Les larmes montent dans mes yeux fragiles, mais je les contiens devant vous.
Nous échangeons quelques mots en arabe. Quand un humain témoigne à un autre humain de ses sentiments, les mots ne sont pas indispensables. Nous nous sourions, nous nous attrapons les mains et nous ne détachons par nos regards les unes des autres.
Vos parents ne sont pas loin. Ils veillent sur vous comme le Dieu qu’ils pointent du doigt, là-haut, dans le ciel. Dans leurs regards à eux, je lis le désespoir, la résignation et la fierté.
Cet homme, ce doit être ton papa Melek, tes yeux sont les siens.
J’ai envie de hurler ma colère, j’ai envie de tous vous emmener avec nous dans les vans. Je maudis la guerre, je vomis la lâcheté et les monstres. J’admire votre courage, vous n’avez pas le choix, mais vous êtes là devant moi, debout, et vos enfants sourient jusqu’aux oreilles.
Je repars du camp de réfugiés syriens numéro 002 parce que j’y suis obligée et aussi parce que si je ne dresse pas une barrière de protection autour de moi, je vais m’effondrer. Mais je crois en mon action et il est impératif que je conserve toute mon objectivité et toutes mes forces.
Alors je claque lourdement la porte du van et j’agite la main en signe de «coucou» aux fillettes innocentes que vous êtes encore, même si j’ai décelé sur vos visages, déjà, les traits d’une maturité forcée par l’Histoire.
Je me tourne et ne vous regarde plus.
En rentrant, je vais ouvrir mon carnet et votre souvenir quittera mon esprit tourmenté, pour se coucher sur le papier.
Mais Melek et Warda, il y a peu de chances que j’oublie vos yeux troublants…
Et le regard des autres enfants de ce camp, Bassil, Mouhané, Tasnim, Fahad, Ghalia, Bayane, Baylasseme, Shaam, Ahmad, Boussayene, Rayane et les dizaines d’autres.
«Je me suis rendue dans le Camp 002 de réfugiés syriens à Taanayel le 5 avril 2022. Avec nos équipes du fonds de dotation Le Cèdre Solidarity, nous avons distribué des repas préparés par les chefs du groupe Le Cèdre Hospitality, à ces populations démunies, vivant dans la précarité. Ce moment, jamais je ne l’oublierai et mon cœur n’en sort pas indemne. Comme à chaque fois que cela se produit chez moi, l’émotion devient mots, ceux que vous venez de lire…»
Quand je suis arrivée «chez vous», j’ai été gagnée par le malaise et l’indécence de ma présence dans votre intimité.
Pourtant je suis profondément convaincue que ce que j’entreprends est juste. Mais votre regard d’enfant me percute et ne fait de mon cœur qu’une bouchée. Les larmes montent dans mes yeux fragiles, mais je les contiens devant vous.
Nous échangeons quelques mots en arabe. Quand un humain témoigne à un autre humain de ses sentiments, les mots ne sont pas indispensables. Nous nous sourions, nous nous attrapons les mains et nous ne détachons par nos regards les unes des autres.
Vos parents ne sont pas loin. Ils veillent sur vous comme le Dieu qu’ils pointent du doigt, là-haut, dans le ciel. Dans leurs regards à eux, je lis le désespoir, la résignation et la fierté.
Cet homme, ce doit être ton papa Melek, tes yeux sont les siens.
J’ai envie de hurler ma colère, j’ai envie de tous vous emmener avec nous dans les vans. Je maudis la guerre, je vomis la lâcheté et les monstres. J’admire votre courage, vous n’avez pas le choix, mais vous êtes là devant moi, debout, et vos enfants sourient jusqu’aux oreilles.
Je repars du camp de réfugiés syriens numéro 002 parce que j’y suis obligée et aussi parce que si je ne dresse pas une barrière de protection autour de moi, je vais m’effondrer. Mais je crois en mon action et il est impératif que je conserve toute mon objectivité et toutes mes forces.
Alors je claque lourdement la porte du van et j’agite la main en signe de «coucou» aux fillettes innocentes que vous êtes encore, même si j’ai décelé sur vos visages, déjà, les traits d’une maturité forcée par l’Histoire.
Je me tourne et ne vous regarde plus.
En rentrant, je vais ouvrir mon carnet et votre souvenir quittera mon esprit tourmenté, pour se coucher sur le papier.
Mais Melek et Warda, il y a peu de chances que j’oublie vos yeux troublants…
Et le regard des autres enfants de ce camp, Bassil, Mouhané, Tasnim, Fahad, Ghalia, Bayane, Baylasseme, Shaam, Ahmad, Boussayene, Rayane et les dizaines d’autres.
«Je me suis rendue dans le Camp 002 de réfugiés syriens à Taanayel le 5 avril 2022. Avec nos équipes du fonds de dotation Le Cèdre Solidarity, nous avons distribué des repas préparés par les chefs du groupe Le Cèdre Hospitality, à ces populations démunies, vivant dans la précarité. Ce moment, jamais je ne l’oublierai et mon cœur n’en sort pas indemne. Comme à chaque fois que cela se produit chez moi, l’émotion devient mots, ceux que vous venez de lire…»
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