Badguer : Perpétuer la culture des peuples menacés
La plateforme Badguer a lancé le 29 avril la cinquième édition du festival Cultural Survival in the Modern World au cœur de la banlieue arménienne de Beyrouth, Bourj Hammoud.

Pour commémorer le 24 avril, date du génocide commis il y a plus d’un siècle par les Jeunes-Turcs, mais aussi célébrer la joie de vivre, la plateforme socio-culturelle Badguer organise comme chaque année pendant deux mois, un festival dédié à la culture arménienne, allant de la poésie à l’artisanat en passant par la musique, la photo et les films.

Des peuples menacés

« C’est un appel adressé aux jeunes générations, face aux dangers menaçant les peuples qui ont une grande civilisation. Des cultures font face à un mouvement très fort d’extermination. Il faut travailler main dans la main avec tous nos moyens d’expression pour dénoncer, et pour que ça ne se répète pas », lance Arpi, directrice de Badguer et initiatrice du festival Cultural Survival in the Modern World.

À droite : Denise Jabbour et Muriel Aboulrouss, réalisatrices de la série Zyara, dont les certains épisodes liés à la communauté arménienne ont été présentés en avant-première le 7 mai à Badguer dans le cadre du festival (Crédits : Nada Ghosn)

Depuis des millénaires, le peuple arménien a bâti des couvents, des académies, des forteresses, des sculptures, des miniatures. C’est en Arménie que se trouvent les plus anciennes églises avec leurs magnifiques chants et, préalablement à cela, les origines de la culture indo-européenne.

Arpi sur la terrasse de Badguer (Crédits : Nada Ghosn)

« Les peuples sont menacés depuis des siècles en Asie Mineure, comme on l’a vu en Irak avec les Assyriens et les Chaldéens. De nombreux musées et sites archéologiques ont été pillés lors des récentes guerres. En Syrie, on compte 12 millions de déplacés. Des peuples de la région sont obligés de quitter leur territoire, et d’autres viennent les remplacer. Les Palestiniens sont en premier lieu victimes de ses assauts. Mais nous, nos cultures, sommes une richesse sur la Terre et dans l’univers », souligne Arpi.

Transmettre l’héritage culturel


Face à ces menaces, elle a choisi de consacrer sa vie à ses parents, aujourd’hui centenaires, ainsi qu’à la préservation de l’héritage culturel de ses aïeux. « Nous avons acheté cet immeuble pour y transposer l’atmosphère de notre maison. Ma grand-mère a été déportée. Elle a marché durant trois mois de l’Arménie jusqu’à la Syrie, amenant avec elle les belles histoires de son village, outre l’expérience amère qu’elle avait vécue. »

La mère d’Arpi, âgée de 101 ans à ce jour (Crédits : Nada Ghosn)

« Elle nous racontait comment elle et quelques membres de la famille étaient parvenus à se sauver. Elle évoquait toujours les danses, les chansons, les fêtes dans son village, mais aussi les plats. Nous avons voulu partager ses traditions avec tout le monde, car les maisons restent des espaces privés. Au rez-de-chaussée, nous avons transporté notre salle-à-manger, où l’on peut découvrir des spécialités. »

Badger est un musée vivant en interaction avec son public et son environnement. Située au cœur de Bourj Hammoud, réunissant avec Tyr la plus grande partie de la communauté, la structure demeure ouverte à toutes les propositions. L’un des objectifs consiste à valoriser le travail des artisans, un axe très important de la culture arménienne, à travers des visites dans les ateliers, destinées aux designers, aux chercheurs, ou aux simples touristes.

Le bâtiment de Badguer à Bourj Hammoud

« Le fait d’être artisan n’est pas tout ; il y a une culture autour. Bourj Hammoud est une ville poreuse et vibrante qui attire des travailleurs venus d’ailleurs, avec leurs traditions, leurs métiers, leurs cultures. Ces gens-là sont arrivés sans rien, emportant avec eux un héritage immatériel, un savoir-faire, des compétences, mais surtout la foi de pouvoir réaliser des choses qui attirent l’attention des gens. Ces valeurs, nous souhaitons les mettre en valeur et les transmettre par nos activités. Ce n’est pas parce que les gens ne sont plus là que leur mémoire ne doit pas continuer d’exister. »

PROGRAMME INTÉGRAL

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