L’Allemagne des années 20 au Centre Pompidou
L’exposition qui s’ouvre aujourd’hui au centre Pompidou à Paris plonge d’emblée dans l’Allemagne des années 20. Elle donne à voir le courant artistique et culturel qui a traversé le pays avant l’arrivée du nazisme. 900 œuvres et documents d’artistes, tels que ceux d’Otto Dix, Jeanne Mammen, Christian Schad à Alfred Döblin, Fritz Lang ou Bertolt Brecht, y sont exposés.

Regard froid et austère

Tous témoignent de ce courant appelé « Nouvelle objectivité » (Neue Sachlichkeit) qui pose un regard froid, distant, austère et dépourvu de toute subjectivité sur la réalité », explique Florian Ebner, commissaire de l’exposition avec Angela Lampe.

Présentées en sections thématiques, ces œuvres « dialoguent avec le travail d’un monument de la photographie allemande, August Sander », auteur d’une classification normative de la société, ajoute le commissaire.

« La Nouvelle Objectivité va devenir un slogan général du Zeitgeist (l’esprit du temps) fondé sur la rationalité, la standardisation et l’utilité. Elle gagne tous les secteurs de la société, divisée et polarisée », précise-t-il.

Après la Grande Guerre (1914-1918) « les valeurs se sont effondrées, les élites de l’empire allemand ont échoué et la jeune République de Weimar cherche à survivre en se détournant de toute fausse subjectivité », ajoute ce spécialiste.



L’exposition « fait écho à notre époque, fascinante et angoissante »

L’exposition montre notamment comment cette nouvelle conception de l’art, tout en visant à démocratiser la culture, tente de modifier ou perfectionner l’homme par la technique.

Dans l’Allemagne des années 20, on lui apprend à lire de nouvelles images (livres d’enfant, affiches, nouvelles typographies...) et on « l’éduque » grâce aux nouvelles techniques médiatiques (affiches, annonces publicitaires, photomontages, photos, exposition, radio, cinéma…) et à un théâtre ou à des opéras d’actualité (Piscator, Brecht).

« C’est une tendance à un nouveau naturalisme très froid, très distant et très éloigné de tout ressenti, de toute émotion, de toute subjectivité », confirme Angela Lampe pour qui l’exposition « fait écho à notre époque, fascinante et angoissante ».

Cela se traduit aussi bien par des formes géométriques et stylisées, des corps et visages abstraits en peinture, que dans l’urbanisme ou le design, comme en témoignent des plans et maquettes des nouvelles cités d’après-guerre construites en préfabriqué modulaire à Francfort.


Si les artistes s’intéressent au genre de la nature morte, ils représentent des cactus et des caoutchoucs, très populaires dans les années 1920 en Allemagne. Cette nature « réifiée » s’inscrit dans une fascination pour le monde des objets, produits en séries.

La personne elle-même est peinte comme « type social », à travers sa profession ou son statut. La « persona froide » désigne alors un type social qui cherche à échapper au sentiment d’humiliation en affichant un masque de froideur et d’indifférence.

Dans le monde du travail et du design, la rationalisation se traduit par des techniques importées des États-Unis (Taylorisme), qui fascinent l’Allemagne et dont les capitaux massivement investis dans son économie après-guerre vont permettre une « relative stabilisation » après une crise économique et une inflation spectaculaire, selon Mme Lampe.



Fascination pour la production industrielle de masse

Les photographies d’Albert Renger-Patzsch et les tableaux de Carl Grossberg montrent des sites industriels étincelants et témoignent de cette fascination pour la production industrielle de masse. Une cuisine aménagée, rappelant en tout point les cuisines actuelles, est présentée grandeur nature et introduit le visiteur dans le quotidien d’une femme allemande moderne qui s’émancipe.

Comme aujourd’hui, le rôle de la femme, les questions de genre, de vieillesse ou les violences et meurtres sexuels agitent la société. « L’exubérance et l’extravagance reposent sur un terreau de misère sociale », souligne Mme Lampe en évoquant nombre de tableaux exposés.

Parmi eux, ceux d’Otto Dix et particulièrement le portrait rouge de la danseuse Anita Berber ainsi que ses dessins préparatoires au « triptyque de la Grande Ville ».

L’exposition se conclut par le masque mortuaire du fils d’August Sander, exécuté par les nazis, et un film qui annonce l’exposition sur l’art dégénéré de 1937.

En contrepoint à l’exposition, le musée d’art moderne propose une programmation musicale, chorégraphique, théâtrale et cinématographique, intitulée Berlin, nos années 20 qui interroge les enjeux de société dans la capitale allemande contemporaine.

Avec AFP
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