Stations d’énergie solaire: ça sent le roussi!
Le Conseil des ministres a approuvé jeudi la proposition du ministre de l’Énergie Walid Fayad d’octroyer des licences afin de construire des stations d’énergie solaire. Un appel d’offres qui date depuis 2017.  Une décision qui a été signée avant d’être discutée. Bref, un projet qui sent le roussi comme tout ce qui touche à ce secteur. 

Le Conseil des ministres a approuvé jeudi l’offre d’accorder des licences au secteur privé afin de construire des champs d'énergie solaire et vendre de l’électricité au gouvernement libanais via EDL. C’est au secteur privé d’assurer les financements et d’effectuer les investissements nécessaires pour construire ces champs. La vente n’interviendra que dans deux ans lorsque les champs seront construits.

Depuis 2017 et 42 offres détaillées

C’est un appel d’offres qui a été lancé en octobre 2017 et tout un tapage a été organisé à l’époque pour encourager les entreprises à soumettre des offres. Le ministère avait reçu alors 264 demandes de participation. Un consultant international avait développé les cahiers de charges selon les standards de la Banque mondiale et de la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement).  Parmi ces 264 entreprises libanaises, 42 avaient présenté une offre détaillée. Un comité national a été créé par le ministère de l’Énergie avec des représentants du ministère, un représentant du ministère des Finances et deux représentants d'EDL qui ont évalué et choisi les 11 entreprises qui ont reçu les permis. La sélection s’est déroulée il y a seulement 4 mois, donc 5 ans après l’appel d’offres. Les intentions des entreprises ont été transmises au Premier trimestre en 2018. Une première évaluation des 264 entreprises a été faite et quelques mois plus tard le cahier de charges a été lancé. Ensuite, les cahiers de charges de 42 entreprises ont été remis. Des évaluations administratives, techniques, financières ont été réalisées puis des négociations pour ne retenir que 11 entreprises (Ecosys-Kaco, Dawtec-Looop-Staunch et Labwe solar farm (Hermel) Joun PV, Sibline solar farm et E/One (Mont-Liban), South water, Rimat 15 et GDS-ET-Nabatiyeh (Liban-Sud et Nabatiyé), Kfifane-Phoenix power plant et Elect-Stc-Solistis (Liban-nord et Akkar)).  Cinq ans pour octroyer des licences, c’est un peu long ! Pour Pierre Khoury, directeur du LCEC "il s’agit du temps normal”. Pas convaincant comme réponse.

Concernant le prix de vente à EDL, il a été fixé en 2018.  Le cahier de charges stipulait clairement que le prix le plus bas allait être sélectionné. Et ce prix devait être accepté par toutes les entreprises choisies. Le prix le plus bas dans la Békaa était de 5,7 cents par Kilowatt heure. Le ministère a demandé à toutes les entreprises d’adopter ce prix. Trois de la Békaa ont accepté, les autres de diverses régions libanaises n’ont pas accepté parce que le prix était trop bas. Une analyse comparative a été faite entre le prix de la Békaa et celui d’autres régions où il y a beaucoup moins de soleil. Le résultat a donné 6.27 cents pour toutes les régions et 5,7 cents pour la Békaa. Les 9 entreprises ont accepté ce prix . “Les prix ont été donnés en 2019 et sont toujours valables. Ce qui n’est plus valable, c’est le taux de change. C’est pour cette raison que le Cabinet a décidé de payer 70% en dollars frais et 30% en livres libanaises selon le taux de la plateforme sayrafa”, explique Khoury. Et s'il n’y a plus dans un an Sayrafa ? “Le Conseil des ministres a la prérogative de changer la formule”, rétorque-t-il.


Quoi qu'il en soit, si les entreprises n’arrivent pas à obtenir des financements, tout ce processus n’a plus de sens. Pour le président du LCEC, “l’idée principale est qu’il faut que les réformes soient implémentées selon les conditions du FMI. Une fois que nous aurons le chapeau du FMI le taux de change sera résolu ainsi que les investissements, sinon tout cela est à jeter à la mer”.

Qui va accepter d’investir au Liban avec toute la corruption ? Pierre Khoury souligne que c’est pour cette raison que le cabinet a donné un an pour que les entreprises trouvent les financements auprès des banques internationales en espérant que les réformes soient mises en oeuvre. “Sinon, il n’y aura rien. Ces banques ne donneront rien si de vraies réformes ne sont pas appliquées”.

Un processus long

De son côté, Fadi Sawaya, qui dirige une entreprise impliquée dans l'énergie renouvelable, souligne qu’il s’est retiré de l'adjudication de 2017 parce que le processus prenait beaucoup de temps. “Nous ne pouvions plus attendre parce-que la personne avec qui nous étions d’accord pour le terrain ne voulait plus patienter, souligne-t-il. Pour être honnête, l’appel d’offres était bien fait et ceux qui ont présenté des dossiers devaient remplir certaines conditions, mais cela a pris trop de temps. L’adjudication a eu lieu en octobre 2017. Ce n’est pas normal. Mais cela est sans doute dû aux divers problèmes au sein du ministère. C’était à leur avantage de trancher rapidement pour que l’énergie solaire soit à leur palmarès. Mais je me demande si les sociétés sont toujours intéressées".

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