Doter le pays d’un code unifié sur le statut personnel... Pour Kafa, ONG qui milite pour les droits de la femme et de l’enfant, cette question est une condition sine qua non pour édifier un État de droit, susceptible de garantir l’égalité entre les citoyens et de renforcer le sens de l’appartenance citoyenne. C’est dans cette perspective qu’à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, fixée au 25 novembre, que l’ONG a donné jeudi soir le coup d’envoi de sa campagne, placée sous le thème « Il est grand temps d’adopter un code unifié pour le statut personnel ». Cette journée marque le début de la campagne des seize jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, un événement international qui se poursuit jusqu’au 10 décembre, date de la Journée internationale des droits de l’homme.
Contrairement aux années précédentes, la campagne de Kafa ne s’achèvera pas le 10 décembre mais se poursuivra jusqu’après les législatives, son but étant de faire adopter la mouture de loi qu’elle a élaborée dans ce sens avec un groupe de nouveaux parlementaires qui la soumettraient à la Chambre.
« Le Liban a une grande faille sur le plan législatif », constate Leila Awada, avocate et co-fondatrice de Kafa. « Il n’est pas doté d’un code civil exhaustif sur le statut personnel, poursuit-elle. Il existe une loi sur l’héritage, une décision sur la transmission de la nationalité qui remonte au mandat français, mais pas une seule loi qui se pencherait sur tous les aspects du statut personnel. Or celui-ci ne se limite pas au mariage. Il s’agit d’un ensemble de règles qui régissent la vie de l’individu depuis sa naissance et jusqu’à sa mort. »
Me Awada constate que l’État libanais a toujours eu une « position neutre » à ce niveau. Il « n’a adopté aucun texte des quinze lois confessionnelles ». « Par conséquent, pour les questions relatives au statut social, les citoyens ont recours à leurs communautés qui définissent leurs droits et leurs devoirs à ce niveau, fait-elle remarquer. Ce qui a conduit à une injustice entre un citoyen et un autre et non seulement à une injustice basée sur les genres. Une injustice d’autant plus grave que ces communautés « ont consacré l’autorité patriarcale au sein de la famille ». Ainsi, un enfant porte le nom de son père et appartient de facto à sa communauté. Dans les registres d’état civil, il est inscrit dans la case de son père. Partant du même principe, une femme est inscrite sur la case d’état civil de son père et, après son mariage, sur celle de son mari. Si elle divorce, elle est de nouveau inscrite sur la case de son père. « Dans les lois communautaires, la femme reste mineure quel que soit son âge, déplore Me Awada. Elle doit obéir à l’homme, au risque d’être traitée de rebelle. »
Une démarche souverainiste
Une situation qui dénote avec le statut de la femme dans la société où elle a réussi à s’imposer et à gravir les échelons dans les différents domaines, « mais peine encore à occuper des postes-clés », note Me Awada. En cause, selon elle, « les lois confessionnelles sur le statut personnel ». « Comment lui demander de décider de l’avenir et du destin d’un peuple et d’un pays, alors qu’elle est incapable de décider pour elle-même au sein du foyer ? se demande-t-elle. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs on constate que les rares femmes qui ont accédé à l’Hémicycle appartiennent à l’élite. Ce sont les filles, mères, épouses ou sœurs de… Ce ne sont pas vraiment les femmes porteuses de causes qui y accèdent. »
Kafa estime ainsi que « les codes communautaires sur le statut personnel et l’ingérence des communautés dans la vie privée de l’individu renforcent son sens d’appartenance communautaire et non celle citoyenne ». « Il est impératif que l’État restaure son rôle, insiste Me Awada. La législation est une démarche souverainiste dont il ne peut se départir. Il est important aussi d’amender l’article 9 de la Constitution, comme l’a déjà d’ailleurs recommandé la Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes). » Cet article stipule ce qui suit : « La liberté de croyance est absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l’État respecte toutes les religions et communautés, et garantit le libre exercice des rites, à condition que cela ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il garantit également aux individus, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. » « L’organisation de la vie des individus doit relever de l’État et non des communautés », martèle encore l’avocate.
Briser les tabous
Au cours des cinq dernières années, les campagnes de sensibilisation mettant l’accent sur l’ingérence des tribunaux religieux dans la vie des individus a " permis de briser les tabous qui les entourent », estime Me Awada. « Aujourd’hui, nous avons atteint une phase où nous pouvons proposer une alternative", avance-t-elle.
Pour Kafa, l’alternative au système qui prévaut reste l’adoption par l’État d’un code unifié sur le statut personnel. « Plusieurs initiatives et projets de loi ont été soumis dans ce sens à la Chambre, souligne Me Awada. Malheureusement, les intérêts que tire chaque communauté du système entravent une telle démarche. »
En 2019, au terme d’une année de travail assidu en collaboration avec des avocates et des magistrats, Kafa avait présenté dans le cadre des activités organisées au centre-ville de Beyrouth dans la foulée du mouvement de contestation populaire du 17 octobre, sa mouture du code unifié sur le statut personnel. Depuis, elle a poursuivi sa campagne en faveur d’une telle loi sur les réseaux sociaux. « C’est la première fois dans l’histoire du Liban que les affaires relatives au statut personnel sont englobées dans un même texte de loi », se réjouit Me Awada.
Le document préparé par Kafa englobe tous les aspects de la situation sociale de l’individu : mariage, divorce, relation avec les enfants, la transmission de la nationalité, les responsabilités légales au sein de la famille… « Le texte que nous avons préparé privilégie l’autorité parentale et non patriarcale », insiste Me Awada. En ce qui concerne les questions liées au testament et à l’héritage, Kafa s’est largement basée sur la loi de l’héritage pour les communautés non musulmanes en vigueur au Liban. « Nous l’avons amendée de manière à inclure les enfants conçus hors mariage », conclut-elle.
Contrairement aux années précédentes, la campagne de Kafa ne s’achèvera pas le 10 décembre mais se poursuivra jusqu’après les législatives, son but étant de faire adopter la mouture de loi qu’elle a élaborée dans ce sens avec un groupe de nouveaux parlementaires qui la soumettraient à la Chambre.
« Le Liban a une grande faille sur le plan législatif », constate Leila Awada, avocate et co-fondatrice de Kafa. « Il n’est pas doté d’un code civil exhaustif sur le statut personnel, poursuit-elle. Il existe une loi sur l’héritage, une décision sur la transmission de la nationalité qui remonte au mandat français, mais pas une seule loi qui se pencherait sur tous les aspects du statut personnel. Or celui-ci ne se limite pas au mariage. Il s’agit d’un ensemble de règles qui régissent la vie de l’individu depuis sa naissance et jusqu’à sa mort. »
Me Awada constate que l’État libanais a toujours eu une « position neutre » à ce niveau. Il « n’a adopté aucun texte des quinze lois confessionnelles ». « Par conséquent, pour les questions relatives au statut social, les citoyens ont recours à leurs communautés qui définissent leurs droits et leurs devoirs à ce niveau, fait-elle remarquer. Ce qui a conduit à une injustice entre un citoyen et un autre et non seulement à une injustice basée sur les genres. Une injustice d’autant plus grave que ces communautés « ont consacré l’autorité patriarcale au sein de la famille ». Ainsi, un enfant porte le nom de son père et appartient de facto à sa communauté. Dans les registres d’état civil, il est inscrit dans la case de son père. Partant du même principe, une femme est inscrite sur la case d’état civil de son père et, après son mariage, sur celle de son mari. Si elle divorce, elle est de nouveau inscrite sur la case de son père. « Dans les lois communautaires, la femme reste mineure quel que soit son âge, déplore Me Awada. Elle doit obéir à l’homme, au risque d’être traitée de rebelle. »
Une démarche souverainiste
Une situation qui dénote avec le statut de la femme dans la société où elle a réussi à s’imposer et à gravir les échelons dans les différents domaines, « mais peine encore à occuper des postes-clés », note Me Awada. En cause, selon elle, « les lois confessionnelles sur le statut personnel ». « Comment lui demander de décider de l’avenir et du destin d’un peuple et d’un pays, alors qu’elle est incapable de décider pour elle-même au sein du foyer ? se demande-t-elle. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs on constate que les rares femmes qui ont accédé à l’Hémicycle appartiennent à l’élite. Ce sont les filles, mères, épouses ou sœurs de… Ce ne sont pas vraiment les femmes porteuses de causes qui y accèdent. »
Kafa estime ainsi que « les codes communautaires sur le statut personnel et l’ingérence des communautés dans la vie privée de l’individu renforcent son sens d’appartenance communautaire et non celle citoyenne ». « Il est impératif que l’État restaure son rôle, insiste Me Awada. La législation est une démarche souverainiste dont il ne peut se départir. Il est important aussi d’amender l’article 9 de la Constitution, comme l’a déjà d’ailleurs recommandé la Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes). » Cet article stipule ce qui suit : « La liberté de croyance est absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l’État respecte toutes les religions et communautés, et garantit le libre exercice des rites, à condition que cela ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il garantit également aux individus, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent, le respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux. » « L’organisation de la vie des individus doit relever de l’État et non des communautés », martèle encore l’avocate.
Briser les tabous
Au cours des cinq dernières années, les campagnes de sensibilisation mettant l’accent sur l’ingérence des tribunaux religieux dans la vie des individus a " permis de briser les tabous qui les entourent », estime Me Awada. « Aujourd’hui, nous avons atteint une phase où nous pouvons proposer une alternative", avance-t-elle.
Pour Kafa, l’alternative au système qui prévaut reste l’adoption par l’État d’un code unifié sur le statut personnel. « Plusieurs initiatives et projets de loi ont été soumis dans ce sens à la Chambre, souligne Me Awada. Malheureusement, les intérêts que tire chaque communauté du système entravent une telle démarche. »
En 2019, au terme d’une année de travail assidu en collaboration avec des avocates et des magistrats, Kafa avait présenté dans le cadre des activités organisées au centre-ville de Beyrouth dans la foulée du mouvement de contestation populaire du 17 octobre, sa mouture du code unifié sur le statut personnel. Depuis, elle a poursuivi sa campagne en faveur d’une telle loi sur les réseaux sociaux. « C’est la première fois dans l’histoire du Liban que les affaires relatives au statut personnel sont englobées dans un même texte de loi », se réjouit Me Awada.
Le document préparé par Kafa englobe tous les aspects de la situation sociale de l’individu : mariage, divorce, relation avec les enfants, la transmission de la nationalité, les responsabilités légales au sein de la famille… « Le texte que nous avons préparé privilégie l’autorité parentale et non patriarcale », insiste Me Awada. En ce qui concerne les questions liées au testament et à l’héritage, Kafa s’est largement basée sur la loi de l’héritage pour les communautés non musulmanes en vigueur au Liban. « Nous l’avons amendée de manière à inclure les enfants conçus hors mariage », conclut-elle.
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