Alba: la vie artistique pendant la guerre 1975-1990
L’Académie libanaise des Beaux-Arts (Alba) accueille du 18 au 23 mai une exposition retraçant, à partir d’une archive de 140 affiches de la collection du Macam, les expositions ayant eu lieu pendant la période de la guerre civile 1975-1990, dans une ville coupée en deux.

En mars 2001, l’Université Américaine de Beyrouth (AUB) a présenté Art Posters in Lebanon, couvrant la période des années 1960 aux années 1990. Les 177 pièces prêtées par des galeristes et collectionneurs furent par la suite données à l’université et César Nammour rédigea une présentation de ce fonds. La présente sélection se concentre sur les années 1975-1990, afin de rappeler la richesse de l’activité culturelle pendant ces années difficiles, à un moment où le Liban est à nouveau plongé dans une crise profonde qui, elle non plus, n’est pas venue à bout de la scène artistique.

Un témoignage remarquable

Industriel, urbaniste, galeriste, critique d’art et plus largement acteur du monde artistique, César Nammour a commencé à rassembler des affiches dès les années 1960. Sa collection, qui comporte plusieurs centaines de spécimens, couvre la vie culturelle et sociale au Liban sur plus d’un demi-siècle. Autour des expositions, le noyau le plus important, gravitent spectacles, foires de livres, conférences et autres manifestations.

Cet ensemble constitue un témoignage remarquable pour l’histoire de l’art moderne et contemporain. Il permet de suivre le mouvement des galeries, celles qui ouvrent, celles qui déménagent, celles qui ferment, ainsi que la fréquence avec laquelle exposent les artistes. Les noms de Shafic Abboud, Paul Guiragossian, les frères Basbous, Amine el-Bacha et Hussein Madi côtoient ainsi ceux de peintres et sculpteurs tombés dans l’oubli.

Madi, Résidence Samia Toutounji, place du Musée, 13 avril 1978 – date de fin non précisée


Un panorama de la création artistique

Le corpus offre un panorama de la création artistique, essentiellement cantonnée aux médias traditionnels que sont la peinture, le dessin, l’estampe et la sculpture. La photographie n’apparaît que trois fois, dont une à travers une collection historique. La diversité des esthétiques, propos et positionnements reste néanmoins captivante. Les acteurs par qui le courant moderne a pris son envol dans le pays entre les années 1950 et le début des années 1970 restent sur le devant de la scène.

Parallèlement, deux tendances contradictoires qui existaient avant 1975 s’amplifient, peut-être à cause de la guerre. L’une est un surréalisme lyrique exprimant une détresse apocalyptique, l’autre un classicisme parfois teinté d’impressionnisme dédié à des paysages verdoyants et des maisons libanaises qu’on a pu interpréter aussi bien comme un déni de la destruction, un rêve du paradis perdu et/ou un attachement – éventuellement nationaliste – à la terre.

Par ailleurs, on assiste à l’émergence de nouvelles expérimentations, souvent multidisciplinaires, comme celles d’Alfons Philipps, qui collabora avec le metteur en scène Mounir Abou Debs, et d’Imad Issa qui est considéré comme un pionnier du body art au Liban.

En tant qu’objets, les affiches permettent également d’appréhender l’usage des styles graphiques et typographiques. Certaines pièces permettent de plonger dans le processus de fabrication, comme les trois états du visuel de Abboud à la galerie Contact – le texte et le contour du carré, le fond bleu seul et la composition complète – qui constituent un des trésors les plus précieux de la collection.
Commentaires
  • Aucun commentaire