Cannes : « Rodéo » un film à deux roues échevelant
Porté par Julie Ledru, actrice novice qui crève l'écran, Rodéo est le film de la réalisatrice française Lola Quivoron. Son personnage féminin, elle en a « longtemps rêvé». Elle décrit sa rencontre avec l’actrice principale comme relevant de « l’ordre du miracle ».

Rodéo, le premier long-métrage de Lola Quivoron qui porte sur une bande de motards dans les marges, a été présenté aujourd’hui à Cannes. Il s’agit d’une tranche d’existence à vif assaisonnée de polar qui s’ancre dans la « bike life » et la « ride ». Des termes qui recouvrent une jeunesse adepte d’une conduite à moto acrobatique dans des espaces détournés en mode pirate, à l’instar des premières raves sauvages.

Un milieu que la trentenaire Lola Quivoron connaît sur le bout des doigts. Ce qu’on appelle aussi le cross-bitume servait déjà de toile de fond dans Au loin, Baltimore, court-métrage de fin d’études à la Femis, prestigieuse école française de cinéma. Mais dans ce « milieu complètement masculin », il lui manquait toujours ce « personnage de femme un peu voyou, qui rend les coups, brûle de sa colère intérieure ».

C’est sur Instagram qu’elle trouve la perle rare. Julie Ledru, comme son personnage, Julia, surnommée « L’inconnue », est « née avec une moto entre les jambes » il y a 27 ans, d’une famille guadeloupéenne de la région parisienne. Dès la première rencontre, les deux femmes trouvent la bonne carburation. « À l’époque, j’étais une personne seule, un électron libre, Lola a su m’écouter, ce qui ne m’arrivait pas à ce moment » confie la réalisatrice.

Julie Ledru, en se livrant, finit par débloquer un script commencé depuis quatre ans. Et s’impose comme une évidence : l’héroïne, une louve solitaire qui rejoint une meute, sans devenir mouton, ne pourra être incarnée que par cette non-professionnelle si inspirante.

Toute l’habilité de Lola Quivoron est de « pousser le curseur de la fiction » tout en brassant des thèmes qui lui tiennent à cœur : « c’est quoi être une meuf dans une société qui la renvoie toujours à une assignation ». Le regard et les jugements, la cinéaste connaît, entre ses racines en banlieue parisienne et sa sexualité. Sa compagne Antonia Buresi joue aussi dans le fil et a participé à l’écriture. « Pour moi, Julia, qui peut avoir le visage déformé par la violence et peut aussi être très belle, ce côté caméléon, c’est ça ma version contemporaine de la femme », souligne la cinéaste. Qui a encore mis un peu d’elle en plaçant l’intrigue dans la périphérie bordelaise, région qu’elle a aussi connue.


Un personnage féminin fort

« L’inconnue » est un personnage féminin fort, rarement vu à l’écran. « C’est super important de montrer une femme qui affiche sa liberté, sa posture, sa façon de parler et de s’imposer, pas forcément cordialement », abonde Julie Ledru. Les mâles alpha de la bande de motards en prennent pour leur grade.

Comment s’est-elle préparée ? « De tempérament très calme, comparé à Julia, il a fallu que j’apprenne une démarche qui n’était pas du tout la mienne et une colère qui a été la mienne, compliquée à réinvoquer, mais l’accompagnement de Lola m’a permis de ne pas avoir peur d’y aller ».

Le résultat se fait sentir à l’écran et dans sa vie. « J’ai découvert le métier de comédien, cette forme de schizophrénie que j’adore », commence Julie Ledru.

« J’avais peur de rentrer dans la colère, mais mettre une lame sous la gorge d’un gars, c’est une façon de reprendre un pouvoir, c’est court, factice, mais c’est présent, j’ai envie d’aller plus loin (à l’écran), dans la colère ou l’amour ». Pour le côté deux roues, tout était déjà là. « Je pratique la moto selon mon état d’esprit, quand je n’allais vraiment pas bien, c’était du mercredi au dimanche, voire plus, c’est comme une automédication, et quand je vais bien le week-end me suffit ».
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