C’est donc ce mardi 31 mai qu’a été donné le coup d’envoi du mandat de la nouvelle Chambre. Un Parlement pas comme les autres. Du moins dans une certaine mesure, car à plus d’un titre les élections législatives qui se sont achevées le 15 mai dernier ont présenté plusieurs points de similitude avec les scrutins précédents.
Certes, cette consultation populaire a marqué une relative évolution, dans un sens positif, au niveau de la tendance de l’électorat, mais dans le même temps les méthodes et les réflexes traditionnels sont restés solidement ancrés dans la réalité sociale, beaucoup plus que certains ne le pensaient.
Pour percevoir d’abord la moitié pleine du verre, il est indéniable que l’entrée au Parlement d’une dizaine de jeunes cadres qui se réclament du mouvement de contestation du 17 octobre 2019 et qui aspirent à ce qu’ils appellent «le changement» est un facteur qui pourrait être, dans une certaine mesure, prometteur. Le conditionnel est toutefois de mise car ces nouveaux élus n’ont pas grand-chose en commun … Ils n’ont pas un même «background» politique, ils n’ont pas tous la même vision de la situation et des priorités nationales, chacun d’eux – du moins pour la plupart – a ses propres intérêts, ses propres calculs et considérations personnelles. Il est donc fort à parier qu’il sera difficile de maintenir la cohésion politique de ce groupe, ce qui pourrait ouvrir la voie à la récupération de certains de ces «électrons libres» par un fort pôle d’attraction, comme le Hezbollah…
Cela offre un bel exemple de la différence fondamentale entre un député «indépendant» et un «électron libre» : le premier, tout en n’étant pas partisan, inscrit néanmoins sa ligne de conduite dans le cadre rassembleur d’un parti ou d’un grand bloc porteur d’un projet bien défini ; le second, par contre, n’a aucune attache, aucune vision déterminée, et risque par conséquent d’être emporté par les flots, dépendamment de la direction des vents, sans qu’il ne prenne la peine de réfléchir où les vagues risquent de l’entraîner malgré lui.
Pour rester dans la perception de la moitié pleine du verre, il est nécessaire de revenir aussi, encore une fois, sur l’avancée spectaculaire qu’ont pu enregistrer les Forces libanaises (70.000 voix préférentielles de plus que le courant aouniste et l’accroissement de son bloc parlementaire) ; cette avancée illustre l’écart en termes de succès politique entre une action menée sur base d’une vision étriquée et de calculs partisans réducteurs, et une action entreprise par des partis bénéficiant d’une structure bien ficelée, d’équipes de travail convenablement encadrées, d’une vision stratégique claire, et qui ont conscience de la nécessité de mener leur action politique en collaborant avec des indépendants ou d’autres blocs qui partagent les mêmes convictions.
Parallèlement à ces deux cas de figure qui constituent – avec la prudence et les réserves de mise – l’aspect positif du dernier scrutin, force est d’admettre que la moitié vide du verre mérite aussi attention, avec tous ses aspects négatifs. La tandem Amal-Hezbollah, d’abord, a une fois de plus réussi à verrouiller hermétiquement sa communauté. Comme lors des précédents scrutins, le parti pro-iranien n’a pas fait dans la dentelle sur ce plan. Les candidats chiites hostiles au parti pro-iranien ont été la cible du traditionnel flot de menaces, pressions, intimidation, chantage etc., de sorte que dans la pratique les élections de 2022 ont une fois de plus apporté la preuve que toute pratique démocratique et toute bataille électorale «normale» ne sont pas possibles dans les régions tombées sous l’emprise du bras armé des pasdarans iraniens.
Pour le tandem qui contrôle ces circonscriptions, la notion d’élections n’est qu’une vue de l’esprit, sans aucun rapport avec les réalités sur le terrain. Dire, par conséquent, que les députés du Hezbollah ont été «élus» et qu’il faudrait, par voie de conséquence, accepter le Hezbollah comme représentant des chiites reflète rien moins qu’une grave cécité politique.
Mais le Hezbollah n’a pas seulement faussé le jeu démocratique par le biais de pratiques miliciennes des plus agressives. La couverture qu’il accorde aux vastes opérations de contrebande aux frontières syriennes, notamment dans le secteur du Akkar, a permis au parti pro-iranien de se livrer à un large trafic d’influence qui a pesé de tout son poids dans le cours du processus électoral.
Ces pratiques peu recommandables, combinées aux opérations d’achats de voix à grande échelle, ne sont pas nouvelles, soit dit en passant. Elles ont toujours marqué tous les scrutins au Liban bien avant la guerre, mais dans le contexte actuel, les achats de voix ont atteint une dimension inégalée en raison de l’effondrement socio-économique dont pâtissent les Libanais depuis plusieurs années.
Au-delà de ces considérations «terre à terre», le bilan de ce scrutin du 15 mai a démontré qu’en dépit de la profonde crise existentielle dans laquelle se débat le pays, et malgré le fait que les Libanais sont aujourd’hui confrontés à de grandes options politiques qui engagent le sort du Liban et le destin des générations montantes, les facteurs familiaux, régionaux, claniques ainsi que les amitiés purement personnelles ont quand même dicté l’orientation et le choix de nombreux électeurs, ce qui dénote un manque total de maturité politique, déplorable dans les circonstances actuelles. Comment expliquer autrement que des candidats du parti directement responsable de l’anéantissement du secteur de l’électricité au cours des dix dernières années – dont les anciens ministres de l’Energie – aient été élus sans autre forme de procès (sans jeu de mots …) ?
L’heure est grave, le Liban et la région risquent d’être confrontés à des développements dramatiques qui pourraient refaçonner le panorama du Moyen-Orient. Face à une telle conjoncture, les calculs partisans, réducteurs et égocentriques ne doivent plus être tolérés. L’immaturité politique ne doit pas avoir sa place. Or la séance parlementaire du mardi 31 mai a prouvé que certains nouveaux élus ne semblent avoir aucune notion de ce que signifie le sens de responsabilité nationale en période de crise foncièrement existentielle.
Certes, cette consultation populaire a marqué une relative évolution, dans un sens positif, au niveau de la tendance de l’électorat, mais dans le même temps les méthodes et les réflexes traditionnels sont restés solidement ancrés dans la réalité sociale, beaucoup plus que certains ne le pensaient.
Pour percevoir d’abord la moitié pleine du verre, il est indéniable que l’entrée au Parlement d’une dizaine de jeunes cadres qui se réclament du mouvement de contestation du 17 octobre 2019 et qui aspirent à ce qu’ils appellent «le changement» est un facteur qui pourrait être, dans une certaine mesure, prometteur. Le conditionnel est toutefois de mise car ces nouveaux élus n’ont pas grand-chose en commun … Ils n’ont pas un même «background» politique, ils n’ont pas tous la même vision de la situation et des priorités nationales, chacun d’eux – du moins pour la plupart – a ses propres intérêts, ses propres calculs et considérations personnelles. Il est donc fort à parier qu’il sera difficile de maintenir la cohésion politique de ce groupe, ce qui pourrait ouvrir la voie à la récupération de certains de ces «électrons libres» par un fort pôle d’attraction, comme le Hezbollah…
Cela offre un bel exemple de la différence fondamentale entre un député «indépendant» et un «électron libre» : le premier, tout en n’étant pas partisan, inscrit néanmoins sa ligne de conduite dans le cadre rassembleur d’un parti ou d’un grand bloc porteur d’un projet bien défini ; le second, par contre, n’a aucune attache, aucune vision déterminée, et risque par conséquent d’être emporté par les flots, dépendamment de la direction des vents, sans qu’il ne prenne la peine de réfléchir où les vagues risquent de l’entraîner malgré lui.
Pour rester dans la perception de la moitié pleine du verre, il est nécessaire de revenir aussi, encore une fois, sur l’avancée spectaculaire qu’ont pu enregistrer les Forces libanaises (70.000 voix préférentielles de plus que le courant aouniste et l’accroissement de son bloc parlementaire) ; cette avancée illustre l’écart en termes de succès politique entre une action menée sur base d’une vision étriquée et de calculs partisans réducteurs, et une action entreprise par des partis bénéficiant d’une structure bien ficelée, d’équipes de travail convenablement encadrées, d’une vision stratégique claire, et qui ont conscience de la nécessité de mener leur action politique en collaborant avec des indépendants ou d’autres blocs qui partagent les mêmes convictions.
Parallèlement à ces deux cas de figure qui constituent – avec la prudence et les réserves de mise – l’aspect positif du dernier scrutin, force est d’admettre que la moitié vide du verre mérite aussi attention, avec tous ses aspects négatifs. La tandem Amal-Hezbollah, d’abord, a une fois de plus réussi à verrouiller hermétiquement sa communauté. Comme lors des précédents scrutins, le parti pro-iranien n’a pas fait dans la dentelle sur ce plan. Les candidats chiites hostiles au parti pro-iranien ont été la cible du traditionnel flot de menaces, pressions, intimidation, chantage etc., de sorte que dans la pratique les élections de 2022 ont une fois de plus apporté la preuve que toute pratique démocratique et toute bataille électorale «normale» ne sont pas possibles dans les régions tombées sous l’emprise du bras armé des pasdarans iraniens.
Pour le tandem qui contrôle ces circonscriptions, la notion d’élections n’est qu’une vue de l’esprit, sans aucun rapport avec les réalités sur le terrain. Dire, par conséquent, que les députés du Hezbollah ont été «élus» et qu’il faudrait, par voie de conséquence, accepter le Hezbollah comme représentant des chiites reflète rien moins qu’une grave cécité politique.
Mais le Hezbollah n’a pas seulement faussé le jeu démocratique par le biais de pratiques miliciennes des plus agressives. La couverture qu’il accorde aux vastes opérations de contrebande aux frontières syriennes, notamment dans le secteur du Akkar, a permis au parti pro-iranien de se livrer à un large trafic d’influence qui a pesé de tout son poids dans le cours du processus électoral.
Ces pratiques peu recommandables, combinées aux opérations d’achats de voix à grande échelle, ne sont pas nouvelles, soit dit en passant. Elles ont toujours marqué tous les scrutins au Liban bien avant la guerre, mais dans le contexte actuel, les achats de voix ont atteint une dimension inégalée en raison de l’effondrement socio-économique dont pâtissent les Libanais depuis plusieurs années.
Au-delà de ces considérations «terre à terre», le bilan de ce scrutin du 15 mai a démontré qu’en dépit de la profonde crise existentielle dans laquelle se débat le pays, et malgré le fait que les Libanais sont aujourd’hui confrontés à de grandes options politiques qui engagent le sort du Liban et le destin des générations montantes, les facteurs familiaux, régionaux, claniques ainsi que les amitiés purement personnelles ont quand même dicté l’orientation et le choix de nombreux électeurs, ce qui dénote un manque total de maturité politique, déplorable dans les circonstances actuelles. Comment expliquer autrement que des candidats du parti directement responsable de l’anéantissement du secteur de l’électricité au cours des dix dernières années – dont les anciens ministres de l’Energie – aient été élus sans autre forme de procès (sans jeu de mots …) ?
L’heure est grave, le Liban et la région risquent d’être confrontés à des développements dramatiques qui pourraient refaçonner le panorama du Moyen-Orient. Face à une telle conjoncture, les calculs partisans, réducteurs et égocentriques ne doivent plus être tolérés. L’immaturité politique ne doit pas avoir sa place. Or la séance parlementaire du mardi 31 mai a prouvé que certains nouveaux élus ne semblent avoir aucune notion de ce que signifie le sens de responsabilité nationale en période de crise foncièrement existentielle.
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