Aux abords de Notre-Dame de Paris, sur les palissades qui protègent la cathédrale, on peut découvrir, depuis novembre 2021, et ce pour une durée indéterminée, les illustrations de cinq artistes venus expliquer aux curieux les avancées d’un chantier de grande ampleur. Parmi eux, la dessinatrice et auteure franco-libanaise Zeina Abirached nous explique aujourd’hui les tenants de cette collaboration.
Aux abords de Notre-Dame de Paris, sur les palissades qui protègent la cathédrale, on peut découvrir, depuis novembre 2021, et ce pour une durée indéterminée, les illustrations de cinq artistes venus expliquer aux curieux les avancées d’un chantier de grande ampleur. Parmi eux, la dessinatrice et auteure franco-libanaise Zeina Abirached nous explique aujourd’hui les tenants de cette collaboration.
Comment avez-vous été amenée à illustrer les palissades de la cathédrale Notre-Dame de Paris?
J’ai été contactée l’année dernière par la société qui s’occupe de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. En partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée d’Angoulême, ils ont eu l’idée de proposer à quelques auteurs et dessinateurs d’animer les palissades de chantier d’illustrations des avancées des travaux.
Moi, comme j’ai écrit et dessiné Le Piano oriental, qui raconte la vie de mon grand-père qui a inventé un nouvel instrument, j’ai tout de suite pensé à raconter la dépose du grand orgue, qui d’ailleurs est un des plus grands orgues de France et qu’il a fallu retirer pièce par pièce. Graphiquement, dessiner un orgue, les tuyaux, toutes les petites pièces, me semblait intéressant et correspondre à mon style, en noir et blanc. J’ai aussi travaillé sur la dépose du grand échafaudage, qui a brûlé et qui, par son poids, menaçait la structure de la cathédrale.
Comment s’est organisé votre travail de recherche?
Pour raconter ces deux travaux, il a fallu rencontrer une partie des personnes qui ont participé à ces opérations. Étonnamment, chacun semblait avoir une histoire personnelle avec Notre-Dame, personne n’est arrivé là par hasard.
L’architecte en chef, par exemple, venait régulièrement écouter l’orgue résonner quand il était enfant; il venait à Notre-Dame spécialement pour ça. Et d’autres histoires incroyables, comme celle d’un des architectes qui, étudiant, avait décidé, de son propre chef de faire un relevé de la charpente de la cathédrale. Il venait tous les jours, pendant tout un été, pour relever les éléments, un par un. Quand la charpente a brûlé, les experts se sont rendu compte que c’était le seul relevé qui existait et celui-ci est devenu essentiel au processus de reconstruction.
La cathédrale a cela de particulier qu'elle appartient à tout le monde et en même temps à chacun d’une façon très individuelle. Dans mon travail, cela m’a permis d’envisager la globalité de l’histoire tout en retirant une certaine singularité de l’expérience personnelle des hommes et des femmes qui travaillent sur le chantier.
Vous souvenez-vous de votre réaction vis-à-vis du drame qui touchait la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019?
Je n’habitais pas loin à l’époque et, ce soir-là, je me trouvais boulevard du Montparnasse lorsque j’ai aperçu de la fumée. J’ai continué ma route, sans trop m’en soucier. Et puis, j’ai commencé à recevoir des messages de mes amis, à travers le monde, m’alertant de la situation. J’ai rebroussé chemin et suis allée voir ce qui se passait. Ça a été un terrible choc de comprendre que ce soit possible, qu’un tel monument puisse brûler. Surtout dans un pays comme la France, où les normes de sécurité sont précises et strictement respectées. Au Liban, c’est l’inverse: on a détruit le patrimoine au moment de la reconstruction. On ne peut pas être né à Beyrouth sans avoir développé une certaine familiarité avec la ruine, avec la mémoire des lieux qu’il faut raviver, parce que ces lieux sont constamment en changement. En tant que Libanais, on a cette faculté à vivre avec la ruine.
Et là, tout à coup, il y a quelque chose qui s’est télescopé dans mon intimité de Libanaise face à la destruction inopinée d’un endroit où je pensais être à l'abri. J’ai été d’autant plus touchée que c’était un élément très familier de mon paysage quotidien. Il a fallu s’habituer à une nouvelle silhouette, sans la flèche, avec les grues. Se faire à la manière dont elle se découpe désormais dans le ciel de Paris. C’est aussi pour cette raison que j’ai été particulièrement heureuse lorsque l’on m’a proposé ce projet, qui faisait tout particulièrement écho à ma sensibilité et à mon travail antérieur.
Avez-vous des projets futurs dont vous aimeriez nous parler?
Je travaille actuellement sur deux projets: un livre illustré autour du Prophète de Gibran Khalil Gibran, ainsi qu’une bande dessinée qui sera une histoire autobiographique qui se passe en partie à Beyrouth. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
Emma Moschkowitz
Cet article a été originalement publié dans l'Agenda culturel.
Aux abords de Notre-Dame de Paris, sur les palissades qui protègent la cathédrale, on peut découvrir, depuis novembre 2021, et ce pour une durée indéterminée, les illustrations de cinq artistes venus expliquer aux curieux les avancées d’un chantier de grande ampleur. Parmi eux, la dessinatrice et auteure franco-libanaise Zeina Abirached nous explique aujourd’hui les tenants de cette collaboration.
Comment avez-vous été amenée à illustrer les palissades de la cathédrale Notre-Dame de Paris?
J’ai été contactée l’année dernière par la société qui s’occupe de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. En partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée d’Angoulême, ils ont eu l’idée de proposer à quelques auteurs et dessinateurs d’animer les palissades de chantier d’illustrations des avancées des travaux.
Moi, comme j’ai écrit et dessiné Le Piano oriental, qui raconte la vie de mon grand-père qui a inventé un nouvel instrument, j’ai tout de suite pensé à raconter la dépose du grand orgue, qui d’ailleurs est un des plus grands orgues de France et qu’il a fallu retirer pièce par pièce. Graphiquement, dessiner un orgue, les tuyaux, toutes les petites pièces, me semblait intéressant et correspondre à mon style, en noir et blanc. J’ai aussi travaillé sur la dépose du grand échafaudage, qui a brûlé et qui, par son poids, menaçait la structure de la cathédrale.
Comment s’est organisé votre travail de recherche?
Pour raconter ces deux travaux, il a fallu rencontrer une partie des personnes qui ont participé à ces opérations. Étonnamment, chacun semblait avoir une histoire personnelle avec Notre-Dame, personne n’est arrivé là par hasard.
L’architecte en chef, par exemple, venait régulièrement écouter l’orgue résonner quand il était enfant; il venait à Notre-Dame spécialement pour ça. Et d’autres histoires incroyables, comme celle d’un des architectes qui, étudiant, avait décidé, de son propre chef de faire un relevé de la charpente de la cathédrale. Il venait tous les jours, pendant tout un été, pour relever les éléments, un par un. Quand la charpente a brûlé, les experts se sont rendu compte que c’était le seul relevé qui existait et celui-ci est devenu essentiel au processus de reconstruction.
La cathédrale a cela de particulier qu'elle appartient à tout le monde et en même temps à chacun d’une façon très individuelle. Dans mon travail, cela m’a permis d’envisager la globalité de l’histoire tout en retirant une certaine singularité de l’expérience personnelle des hommes et des femmes qui travaillent sur le chantier.
Vous souvenez-vous de votre réaction vis-à-vis du drame qui touchait la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019?
Je n’habitais pas loin à l’époque et, ce soir-là, je me trouvais boulevard du Montparnasse lorsque j’ai aperçu de la fumée. J’ai continué ma route, sans trop m’en soucier. Et puis, j’ai commencé à recevoir des messages de mes amis, à travers le monde, m’alertant de la situation. J’ai rebroussé chemin et suis allée voir ce qui se passait. Ça a été un terrible choc de comprendre que ce soit possible, qu’un tel monument puisse brûler. Surtout dans un pays comme la France, où les normes de sécurité sont précises et strictement respectées. Au Liban, c’est l’inverse: on a détruit le patrimoine au moment de la reconstruction. On ne peut pas être né à Beyrouth sans avoir développé une certaine familiarité avec la ruine, avec la mémoire des lieux qu’il faut raviver, parce que ces lieux sont constamment en changement. En tant que Libanais, on a cette faculté à vivre avec la ruine.
Et là, tout à coup, il y a quelque chose qui s’est télescopé dans mon intimité de Libanaise face à la destruction inopinée d’un endroit où je pensais être à l'abri. J’ai été d’autant plus touchée que c’était un élément très familier de mon paysage quotidien. Il a fallu s’habituer à une nouvelle silhouette, sans la flèche, avec les grues. Se faire à la manière dont elle se découpe désormais dans le ciel de Paris. C’est aussi pour cette raison que j’ai été particulièrement heureuse lorsque l’on m’a proposé ce projet, qui faisait tout particulièrement écho à ma sensibilité et à mon travail antérieur.
Avez-vous des projets futurs dont vous aimeriez nous parler?
Je travaille actuellement sur deux projets: un livre illustré autour du Prophète de Gibran Khalil Gibran, ainsi qu’une bande dessinée qui sera une histoire autobiographique qui se passe en partie à Beyrouth. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
Emma Moschkowitz
Cet article a été originalement publié dans l'Agenda culturel.
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