©Les semaines précédant le conflit et le mois qui suivit l'invasion russe, Emmanuel Macron a essayé à plusieurs reprises d'être un acteur essentiel de négociations - non abouties - avec Vladimir Poutine.
Les Premiers ministres britannique, canadien, portugais, le chef de la diplomatie américaine, le président polonais et ceux des pays baltes... Tous ont visité l'Ukraine mais pas Emmanuel Macron, pourtant à la tête de l'Union européenne, qui, malgré la pression, dit ne vouloir s'y rendre qu'"en temps utile".
M.Macron s'était rendu à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz, ici devant la Porte de Brandebourg aux couleurs de l'Ukraine.
"Je ferai ce déplacement"
Mardi, le chef de l'État français était encore questionné sur le sujet. "J'ai toujours eu la même réponse", a-t-il réagi. "En temps utile, dans les conditions utiles, je ferai ce déplacement." Le même jour, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba lui faisait un appel du pied appuyé : "Il est le bienvenu, peu importe quand." Et d'ajouter : "Il serait bon que M. Macron vienne pendant la présidence française de l'UE", qui s'arrête le 30 juin.
Emmanuel Macron s'était rendu à Kiev le 8 février, un jour après avoir rencontré le président russe Vladimir Poutine à Moscou, alors qu'il multipliait les efforts pour éviter un conflit. Sans succès: le 24 février, les forces russes envahissaient l'Ukraine.
Depuis lors, il n'y est pas retourné, quand d'autres, à la faveur de revers militaires russes dans le Nord ukrainien, ont fait de Kiev et sa banlieue, les villes-martyres de Boucha et d'Irpin en tête, un lieu de passage obligé pour chefs d'État ou de gouvernement étrangers.
Trois pays "reconnaissables"
Emmanuel Macron a justifié de ne pas visiter l'Ukraine en mars et avril par la campagne présidentielle en France. Mais "il aurait pu le faire le lendemain de son élection (sa réélection, le 24 avril, NDLR). Il est temps qu'il le fasse", a affirmé mercredi l'ancien président François Hollande, deux jours après que la nouvelle ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, s'est rendue à Kiev.
Emmanuel Macron n'est pas le seul dirigeant européen à s'être dérobé à l'exercice. Si le président allemand Frank-Walter Steinmeier, perçu par Kiev comme trop proche de Moscou, avait été éconduit par Kiev début avril alors qu'il souhaitait se rendre en Ukraine, le chancelier Olaf Scholz n'a toujours pas franchi le pas. L'exécutif italien non plus.
Allemagne, France et Italie sont les trois principales économies de l'UE. Berlin et Rome dépendent fortement des hydrocarbures russes. "Les trois qui n'y sont pas allés sont fortement reconnaissables", estime le chercheur François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique. "Ce sont les trois qui sont vus comme les plus accommodants" avec la Russie, poursuit-il.
La nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, en visite diplomatique à Kiev.
Ne pas "humilier" la Russie
À tort ou à raison, ils sont soupçonnés de vouloir mettre rapidement fin aux combats, a ajouté M. Heisbourg, bien que M. Macron ait toujours déclaré que les conditions de tout accord de paix dépendraient de l'Ukraine. Le dirigeant français a passé des heures au téléphone avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi qu'avec Vladimir Poutine, avec qui il garde le contact.
Il a mis en garde contre les "escalades verbales" et contre toute volonté d'"humilier" la Russie lors d'une éventuelle construction de la paix. "Je sais qu'il voulait obtenir des résultats de la médiation entre la Russie et l'Ukraine, mais il n'en a obtenu aucun", a tranché M. Zelensky mi-mai, qui s'était montré dur avant cela à l'égard du président français, suggérant qu'il avait peur de Vladimir Poutine.
Soutien continu à Kiev
M. Macron estime injuste toute critique à l'égard de la France, soulignant les livraisons d'armes effectuées par Paris et son soutien aux sanctions contre la Russie. Il dit aussi ne parler au président russe qu'en coordination avec Volodymyr Zelensky.
"La France n'a pas à rougir de son engagement envers l'Ukraine", estime Marie Dumoulin, ex-diplomate française et experte au Conseil européen des relations extérieures, qui s'est toutefois dite "surprise" qu'Emmanuel Macron ait choisi Berlin plutôt que Kiev pour son premier voyage post-électoral.
L'occasion pourrait se présenter aux environs du sommet européen des 23 et 24 juin, au cours duquel la demande de l'Ukraine de rejoindre l'UE sera examinée. "Ce n'est pas de l'indifférence, ou de la condescendance", juge une source proche de la présidence. "Il ne va pas y aller juste pour faire un selfie, mais pour quelque chose de concret."
Avec AFP
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