Thomas Saleh et Léonard Melki, deux capucins martyrisés sous l’Empire ottoman, ont été béatifiés samedi soir au cours d’une cérémonie au couvent de La Croix, à Jal el-Dib.
C’est de la funeste matrice de la Première guerre mondiale (1914-1918) qu’est née l’infinie souffrance du peuple arménien et d’autres minorités chrétiennes (syriens, chaldéens, assyriens et grecs), impitoyablement massacrés et déportés par l’Empire ottoman, à partir de 1915. Pour avoir héroïquement résisté, par amour du Christ, à la folie meurtrière et déshumanisante de ces temps, deux capucins latins, originellement maronites – et libanais avant la lettre – ont été déclarés samedi bienheureux. C’est l’héroïcité de leurs vertus que l’Église catholique a célébrée samedi soir au couvent de La Croix, à Jal el-Dib, au cours d’une cérémonie organisée par l’Église latine au Liban, la vice-province des Frères mineurs capucins et la congrégation des franciscaines de La Croix. La cérémonie a été présidée par Mgr Marcello Semeraro, préfet de la congrégation pour la cause des saints, en présence des patriarches orientaux et du vicaire des latins, César Essayan.
Originaires tous deux de Baabdate, camarades d’enfance et compagnons de première communion, Léonard Melki et Thomas Saleh étaient déjà des adultes formés quand les nationalismes et les impérialismes coloniaux se réveillèrent en Europe et dévastèrent la planète. Le génocide arménien qui leur est associé, ou plus précisément le génocide des Arméniens, fut perpétré à partir d’avril 1915. Les deux-tiers des Arméniens qui vivaient alors sur le territoire actuel de la Turquie en furent les victimes par massacres, déportations et famines. Il fut planifié et exécuté par le parti au pouvoir à l’époque, le Comité union et progrès (CUP), plus connu sous le nom de «Jeunes-Turcs», qui dirigeait l’Empire ottoman. Il coûta la vie à environ 1,2 million Arméniens d’Anatolie et d’Arménie occidentale, certains avançant le chiffre d’un 1,5 million.
Pris dans l’ouragan d’un empire en décomposition, Léonard Melki et Thomas Saleh, prêtres de l’ordre des Frères mineurs capucins, furent tués «en haine de la foi», respectivement en 1915 et 1917. Le père Léonard Melki (1881-1915) refusa d’apostasier après avoir caché le Saint-Sacrement à l’arrivée d’un détachement de police venu fouiller le couvent, à la recherche d’une fictive cache d’armes. Il fut cruellement battu et torturé une semaine durant. On lui arracha les ongles des mains et des pieds. Avec 415 autres prisonniers chrétiens de Mardin, il fut ensuite déporté vers le désert et mourut sous les balles le 11 juin 1915. Les corps des suppliciés furent ensuite jetés dans des ravins et des grottes. Dans la colonne des déportés se trouvait aussi l’évêque Ignace Maloyan (1869-1915), aujourd’hui bienheureux. Il fut tué séparément, après avoir refusé à plusieurs reprises de renier le Christ et d’embrasser l’islam.
Pour sa part, le père Thomas Saleh (1879-1917), pour avoir simplement caché un prêtre arménien, fut arrêté, soupçonné de comploter contre l’Empire ottoman, condamné à mort puis déporté en plein hiver vers Marash, sous l’escorte d’un peloton de soldats. Il mourut d’épuisement et du typhus sur la route, le 18 janvier 1917.
Les circonstances de la mort des martyrs sont communes: la barbarie humaine, la soif de pouvoir, l’aveuglement de la conscience et la lâcheté. L’héroïsme chrétien face à la mort ne l’est pas. À la folie des hommes, le martyr chrétien oppose la «folie de la Croix», qui est un irrésistible élan de fidélité au Christ et à son commandement d’amour. C’est tout le sens de l’honneur qui a été publiquement fait ce samedi, loin de tout triomphalisme mondain, à la foi, à l’espérance et à la charité que Leonard Melki et Thomas Saleh ont manifesté devant le sort qui leur était infligé.
Le retour des nationalismes
Dans sa lettre «À l’aube du IIIe millénaire», le pape Jean-Paul II, tout en se félicitant de l’effondrement de l’Union soviétique, a déclaré: «Mais après 1989, se sont manifestés de nouveaux périls et de nouvelles menaces. Dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, après la chute du communisme, est apparu le grand danger des nationalismes, comme le montrent malheureusement les événements des Balkans et d’autres zones voisines. Cela oblige les nations européennes à faire un sérieux examen de conscience, en reconnaissant qu’il y a eu des fautes et des erreurs historiques, dans les domaines économique et politique, à l’égard de nations dont les droits ont été systématiquement violés, aussi bien par les impérialismes du siècle passé que par ceux de notre siècle.»
Ces mots sont prophétiques. Le viol du droit des nations, petites et grandes, par les impérialismes réapparaît aujourd’hui aussi bien en Europe qu’autour de nous.
Songeant aux totalitarismes du XXe siècle, Jean-Paul II écrit encore: «En notre siècle, les martyrs sont revenus; souvent inconnus, ils sont comme des soldats inconnus de la grande cause de Dieu. Dans toute la mesure du possible, il faut éviter de perdre leur témoignage dans l’Église. (…) Il faut que les Églises locales fassent tout leur possible pour ne pas laisser perdre la mémoire de ceux qui ont subi le martyre, en rassemblant à cette intention la documentation nécessaire. Et cela ne saurait manquer d’avoir un caractère œcuménique marqué. L’œcuménisme des saints, des martyrs, est peut-être celui qui convainc le plus.» C’est, on l’espère, dans cet esprit que l’Église au Liban a vécu en ce samedi la béatification des deux martyrs Leonard Melki et Thomas Saleh.
C’est de la funeste matrice de la Première guerre mondiale (1914-1918) qu’est née l’infinie souffrance du peuple arménien et d’autres minorités chrétiennes (syriens, chaldéens, assyriens et grecs), impitoyablement massacrés et déportés par l’Empire ottoman, à partir de 1915. Pour avoir héroïquement résisté, par amour du Christ, à la folie meurtrière et déshumanisante de ces temps, deux capucins latins, originellement maronites – et libanais avant la lettre – ont été déclarés samedi bienheureux. C’est l’héroïcité de leurs vertus que l’Église catholique a célébrée samedi soir au couvent de La Croix, à Jal el-Dib, au cours d’une cérémonie organisée par l’Église latine au Liban, la vice-province des Frères mineurs capucins et la congrégation des franciscaines de La Croix. La cérémonie a été présidée par Mgr Marcello Semeraro, préfet de la congrégation pour la cause des saints, en présence des patriarches orientaux et du vicaire des latins, César Essayan.
Originaires tous deux de Baabdate, camarades d’enfance et compagnons de première communion, Léonard Melki et Thomas Saleh étaient déjà des adultes formés quand les nationalismes et les impérialismes coloniaux se réveillèrent en Europe et dévastèrent la planète. Le génocide arménien qui leur est associé, ou plus précisément le génocide des Arméniens, fut perpétré à partir d’avril 1915. Les deux-tiers des Arméniens qui vivaient alors sur le territoire actuel de la Turquie en furent les victimes par massacres, déportations et famines. Il fut planifié et exécuté par le parti au pouvoir à l’époque, le Comité union et progrès (CUP), plus connu sous le nom de «Jeunes-Turcs», qui dirigeait l’Empire ottoman. Il coûta la vie à environ 1,2 million Arméniens d’Anatolie et d’Arménie occidentale, certains avançant le chiffre d’un 1,5 million.
Pris dans l’ouragan d’un empire en décomposition, Léonard Melki et Thomas Saleh, prêtres de l’ordre des Frères mineurs capucins, furent tués «en haine de la foi», respectivement en 1915 et 1917. Le père Léonard Melki (1881-1915) refusa d’apostasier après avoir caché le Saint-Sacrement à l’arrivée d’un détachement de police venu fouiller le couvent, à la recherche d’une fictive cache d’armes. Il fut cruellement battu et torturé une semaine durant. On lui arracha les ongles des mains et des pieds. Avec 415 autres prisonniers chrétiens de Mardin, il fut ensuite déporté vers le désert et mourut sous les balles le 11 juin 1915. Les corps des suppliciés furent ensuite jetés dans des ravins et des grottes. Dans la colonne des déportés se trouvait aussi l’évêque Ignace Maloyan (1869-1915), aujourd’hui bienheureux. Il fut tué séparément, après avoir refusé à plusieurs reprises de renier le Christ et d’embrasser l’islam.
Pour sa part, le père Thomas Saleh (1879-1917), pour avoir simplement caché un prêtre arménien, fut arrêté, soupçonné de comploter contre l’Empire ottoman, condamné à mort puis déporté en plein hiver vers Marash, sous l’escorte d’un peloton de soldats. Il mourut d’épuisement et du typhus sur la route, le 18 janvier 1917.
Les circonstances de la mort des martyrs sont communes: la barbarie humaine, la soif de pouvoir, l’aveuglement de la conscience et la lâcheté. L’héroïsme chrétien face à la mort ne l’est pas. À la folie des hommes, le martyr chrétien oppose la «folie de la Croix», qui est un irrésistible élan de fidélité au Christ et à son commandement d’amour. C’est tout le sens de l’honneur qui a été publiquement fait ce samedi, loin de tout triomphalisme mondain, à la foi, à l’espérance et à la charité que Leonard Melki et Thomas Saleh ont manifesté devant le sort qui leur était infligé.
Le retour des nationalismes
Dans sa lettre «À l’aube du IIIe millénaire», le pape Jean-Paul II, tout en se félicitant de l’effondrement de l’Union soviétique, a déclaré: «Mais après 1989, se sont manifestés de nouveaux périls et de nouvelles menaces. Dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, après la chute du communisme, est apparu le grand danger des nationalismes, comme le montrent malheureusement les événements des Balkans et d’autres zones voisines. Cela oblige les nations européennes à faire un sérieux examen de conscience, en reconnaissant qu’il y a eu des fautes et des erreurs historiques, dans les domaines économique et politique, à l’égard de nations dont les droits ont été systématiquement violés, aussi bien par les impérialismes du siècle passé que par ceux de notre siècle.»
Ces mots sont prophétiques. Le viol du droit des nations, petites et grandes, par les impérialismes réapparaît aujourd’hui aussi bien en Europe qu’autour de nous.
Songeant aux totalitarismes du XXe siècle, Jean-Paul II écrit encore: «En notre siècle, les martyrs sont revenus; souvent inconnus, ils sont comme des soldats inconnus de la grande cause de Dieu. Dans toute la mesure du possible, il faut éviter de perdre leur témoignage dans l’Église. (…) Il faut que les Églises locales fassent tout leur possible pour ne pas laisser perdre la mémoire de ceux qui ont subi le martyre, en rassemblant à cette intention la documentation nécessaire. Et cela ne saurait manquer d’avoir un caractère œcuménique marqué. L’œcuménisme des saints, des martyrs, est peut-être celui qui convainc le plus.» C’est, on l’espère, dans cet esprit que l’Église au Liban a vécu en ce samedi la béatification des deux martyrs Leonard Melki et Thomas Saleh.
Lire aussi
Commentaires